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Lecture, méta et compréhension

novembre 2000

par J.Zwobada Rosel

Réponse sur un forum



De : ZwobadaJ,Date : Ven 17 nov 2000 2:47am

Je me trouve parfois en face d’enfants complètement perdus et à qui il suffit de donner la clé, mais ils sont capables différencier avec cette clé alors que d’autres non et il faut vraiment parfois remonter très loin, du genre série à établir avec un seul élément qui change (couleur, forme) dans les mathoeufs par exemple (matériel de maternelle). Cela dépend aussi de, s’ils ont pu établir un espace orienté, à partir de leurs propres repères, sans que ce soit appris avec des repères stables et permanents, du genre à droite, du côté de la fenêtre. (Il y a des cultures orales où l’orientation spatiale s’établit en langage, sur ces bases). La question du métalinguistique me semble complexe. Il faut un déclic pour comprendre les rimes. Il y en a qui y parviennent dès l’âge de a maternelle tout seuls, quelques uns qui le comprennent par l’entraînement en Grande Section, et d’autres qui continuent à ne rien repérer. J’ai vérifié ce témoignage d’enseignant. Certains enfants qui commencent à parler nous montrent également ce qui se passe au niveau du flou de leurs premiers essais : ils ont repéré une intonation, espèce de moule cadre qu’on leur donne et qui les intéresse pour essayer de répéter ce qu’on vient de dire, où les syllabes glissent sans être marquées, insaisissables, de même que les traits différenciateurs des phonèmes. La syllabe n’y est pas encore et cela les aide que de reprendre en syllabant mais, parfois, casse le jeu, car ce n’est pas du même ordre. C’est quand même à la base de l’aide technique qu’on utilise en rééducation, mais les enfants sont plus grands.

Je suis tout à fait d’accord sur la difficulté à repérer ceux qui ont besoin d’une approche de type orthophonique, autrement que par l’échec répétitif, constant etc.. et là encore certains enfants qui comprennent le truc et se débrouillent à compenser leur tendance à confondre des lettres se retrouvent en échec à la compréhension. L’idée n’est pas nouvelle, il y a 40 ans les enseignants repéraient ces enfants en CE2, échec à comprendre les énoncés des problèmes, les textes écrits plus "littéraires", c’était du temps où sévissait le Bled et il suffisait pour certains de comprendre le truc de l’exercice (ça doit être comme la dernière fois, ou comme fait le voisin, ou à l’intuition) pour le réussir. La linguistique ayant posé l’énonciation, l’implicite et l’utilisation du contexte, il arrive que dès le CE1 (selon les manuels et les enseignants) on repère les "petits lecteurs" en perdition sur ces points.

Que faire avec la compréhension ?

Pour ma part, j’ai suivi dernièrement deux enfants depuis la maternelle pour le langage (et un bègue gaucher, le graphisme et l’orientation) qui trouvaient qu’ils n’avaient pas besoin que je m’en mêle plus que je ne l’avais fait (posé la correspondance) puisque ça allait bien en classe en CP...Il a fallu l’échec en fin de CE1 pour qu’ils reviennent en acceptant de changer de méthode de travail (cf le "sans issue ?" du témoignage d’un dyslexique). Il m’avait semblé, quand ils arrivaient à lire, que c’était grâce à ce qu’on appelle la mémoire visuo-spatiale qu’ils avaient pu compenser l’instabilité du signifiant oral pour l’un et les difficultés d’orientation des formes et anticipations chez l’autre. Mais leur lecture reste très hésitante et aléatoire et les problèmes de fond qu’ils présentaient ne se sont pas résolus par la lecture : ils n’acquièrent aucun vocabulaire en lisant et leur langage reste toujours minimal.

Cela aurait à voir (hypothèse de travail) avec une façon d’apprendre à parler qui leur donne un langage restreint sur tous les plans, qui fait illusion quand ils ne malmènent pas trop la syntaxe (comme l’un d’entre eux qui parle comme sa mère étrangère), car il est adapté à la communication banale. J’ai toujours trouvé qu’on avait fait un mauvais procès à Bernstein (Langage et classes sociales) qui opposait langage restreint (on dirait maintenant énonciatif) et langage élaboré (syntaxique) en le rapportant à une hypothèse socio-culturelle. Il n’est pas question pour moi de prédétermination mais d’environnement plus ou moins favorable (bain linguistique) et j’avais observé (dans ma thèse) une analogie avec la situation linguistique de ma population de recherche, entre la langue parlée à la maison (ce qu’on appelait l’arabe dialectal) et la langue de l’école (l’arabe littéraire). Il me semble qu’il ne faut pas s’enfermer dans les connotations de telles recherches et en garder ce qui semble éclairant sans pour autant s’inscrire nécessairement dans le débat qu’elles entraînent. J’ai présenté ces hypothèses sur cette façon d’entrer dans le langage, sans faire jouer la "décontextualisation", ni au niveau des mots, ni au niveau de la situation (ce qui permet le transfert de l’acquisition) au Grofred à Rouen (lien sur mon site) et, de façon plus explicite (l’autre était un poster), dans une communication à l’Aric qui devrait être publiée, ce qui n’a pas l’air de se faire. Je faisais référence à Ombredane, Halliday, aux contextes restreints... en plus de Vygotski et de Bruner qui sont mes guides...

En exergue de mon poster en élaboration : "ces enfants qui n’apprennent pas comme on enseigne".

Merci à vous et à tous de vos réactions à mes propos, même et surtout du fait que nous soyons dans des approches et des démarches de prise en charge différentes. Cela me permet d’organiser ce que je fais à un niveau où la communication devient possible (je l’espère) et ainsi de progresser, car pratiquer sans analyser cette pratique favorise la répétition et fait oublier la singularité de chaque rencontre avec un enfant.

J.Zwobada Rosel


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