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Fonctionnement de type dyslexique

2001

par La rédaction

Bonjour,

Je ne sais pas si j’ecris a la bonne personne. Je crois etre atteinte de dyslexie et retrouve dans tous les temoignages de votre site un vecu on ne peut plus douloureux. Mes parents n’ont jamais voulu que je vois un ortophoniste et m’ont appris a lire eux-meme par methode syllabique, ce qui m’a beaucoup aidee. Meme chose avec la musique. Le piano a sans doute beaucoup fait pour moi.

Confusion des b et d, problemes de prononciation dans mon enfance,impossible de dire ce qu’est un accent aigu ou un accent grave, confusion droite - gauche,+/-... Comprehension avant tout intuitive des choses (besoin de sentir un declic de comprehension), dificultes pour lire des cartes, et surtout grosses difficultes d’organisation.

Ce qui ne m’a guere pose probleme a l’ecole (mes parents sont enseignants donc j’arrivais plus facilement a comprendre le systeme car je connaissais bien l’environnement) commence a devenir un reel handicap dans le monde du travail.

Je travaille avec une americaine et je dois prendre les rendez-vous pour elle. Elle est tres active et efficace et je n’arrive pas a suivre - ni a m’organiser... J’ai besoin d’en savoir plus. Est-il encore temps de subir des tests et d’arriver a resoudre ces problemes ? J’ai 24 ans.

Merci mille fois.

Carine

Chère Carine,

J’ai beaucoup tardé à vous répondre car les questions que vous posez sont très problématiques.

D’abord félicitations pour vous être lancée à vous exprimer par écrit... Nous savons ce que cela représente pour un dyslexique. Mais au fait êtes-vous dyslexique et qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Vous vous êtes reconnue dans la souffrance ; et pour moi c’est là que se situe un des points fondamentaux qui permettrait de reconnaître un fonctionnement de type dyslexique. Cela va bien au delà de difficultés avec les lettres, même si c’est souvent la première rencontre officielle avec la difficulté à s’intégrer au système.

En réfléchissant longuement à ce que je pouvais vous répondre, j’ai trouvé une formulation qui vaut ce qu’elle vaut et serait plus facile à discuter dans un dialogue où nous nous rencontrerions (je vois des jeunes comme vous et envisage de leur proposer de discuter entre eux sur ce site). Je reviens à ma formulation : "être dyslexique" ne serait pas une maladie au sens courant du terme (susceptible de guérir avec des médicaments allopathiques spécifiques), mais serait (ce sont des hypothèses de travail car personne ne peut savoir de telles choses), serait donc un mode d’être en relation avec le monde, les choses et les autres pour être plus explicite.

Le titre du témoignage le précise "sans issue" ? peut-on changer cette façon d’être. Pourquoi évoquer cette dimension psychologique qui est à l’arrière-fond de tous les problèmes d’apprentissage dans ce secteur ?

En effet, nous avons tous une histoire personnelle que nous sommes censés laisser de côté dans tout ce qui reste à vif quand nous entrons à l’école, pour nous intégrer socialement dans le cadre de la "norme". Rite initiatique de l’entrée dans l’écrit pour notre culture, mais certains enfants s’acharnent à ne pas vouloir lâcher leur mode de fonctionnement d’enfant (dans leur découverte du monde et d’eux-même), espérant toujours (sans même le savoir) un autre mode de reconnaissance au sein même de leur famille,pour oublier (ce qui leur fait mal) et devenir grand. Est-ce à dire que leur famille n’est pas comme toutes les familles à les aimer comme ils peuvent, ou qu’ils ont quelque chose dans leur tête qui bloque ce passage ? Car il est question de passage, passage d’un mode de fonctionnement dominant à un autre en faisant collaborer entre eux les deux modes de fonctionnement complémentaires (ce que j’appelle droit et gauche). Pour certains, comme pour beaucoup de gauchers et de futurs artistes, il y aurait une réelle dominance du droit avec difficulté à faire fonctionner le gauche.
Le dyslexique qui compense “bloquerait” le droit et toutes ses potentialités. Très simplifié, ce seraient des soubassements théoriques(affectifs et cognitifs) pour comprendre ce qui vous arrive.

Peut-on changer ce fonctionnement, c’est là que tout le monde n’est pas d’accord. La plupart des orthophonistes formés de façon scientifique, les neuropsychologues et autres chercheurs, considèrent qu’il faut en quelque sorte reprogrammer les automatismes, considérant nos outils de pensée comme des muscles à entraîner.

Pour ma part, je fais l’hypothèse que c’est justement là que ça ne marche pas : il y a conflit de système. Les dyslexiques (vrais, profondément identifiés dans ce fonctionnement) ont besoin de comprendre avant de pouvoir retenir (je n’ai pas dit apprendre).

Si j’ai bien compris, vous avez réussi à apprendre, et je suis sûre que vos parents ont intuitivement sû vous aider à votre façon, étant plus parents qu’enseignants à ces moments là, que vous vous êtes acharnée à apprendre, un vrai bourreau de travail, dans la réciprocité de l’amour qui vous unissait à eux, bref vous êtes presque entrée dans le système.

Mais vous avez gardé votre propre mode de fonctionnement au moment de votre vie professionnelle, ou d’adulte en général, et vous êtes perdue, car comme vous le faites très justement remarquer, baignant dans le milieu enseignant, j’arrivai facilement à comprendre le système, ce qui vous fait défaut c’est maintenant de comprendre les critères de pertinence de votre employeur (les vôtre ne sont pas du même ordre), vous connaître et la connaître. L’organisation en découle. C’est à mon avis le travail que vous pourriez faire, mais avec qui ?

C’est ce que je fais avec les jeunes qui viennent me voir, découvrir sa différence sans que cela soit vécu comme disqualifiant. Mais si chacun est différent, nous sommes tous semblables par ailleurs, et cette exploration ne peut se faire que dans un face à face, à partir de vos questions, vos réactions, même si la confrontation aux autres éclaire également.

Bref, il y a d’autres points qu’il faudrait souligner, en particulier des approches par le mouvement dont on pourra reparler (cf. les circuits énergétiques), mais c’est déjà un début il me semble.

J’aimerais que nous puissions mettre votre témoignage, et peut-être ma réponse sur le site. Seriez-vous d’accord ?

J’espère avoir répondu à vos questions en vous permettant de trouver vous même vos réponses.

A bientôt j’espère

jacqueline

Chère Jacqueline,

Je suis l’universitaire dyslexique qui hésite toujours sur les mots et qui n’a jamais bien compris le parcours qu’il convient de jouer pour avancer ou bien n’appends pu se résoudre à faire comme tout le monde. j’ambellis mon histoire.

Il est vrai que je faisais tant de fautes en primaire que j’ai redoublée et ensuite on m’a mis en collège pour me faire faire des mathématiques puisque je fautais de trop. Ensuite, test en 5 ieme : ne passera pas le certificat d’études. Ensuite fort heureusement en cours privé j’ai réussi à aller jusqu’en première. Au bac après avoir fait une boîte privée en septembre je le réussi modestement en math moderne. Puis second bac.

Orientation en sciences économiques alors que je voulais faire de la psycho, de la philo ou être juge d’enfant. Manque total de volonté pour choisir par moi-même mon parcours avec la peur d’échouer au ventre avec le problème de l’orthographe et une mémoire défaillante. Et finalement avec un parcours très médiocre, je me fais remarquer par un prof pour le meilleur devoir de la promotion en quatrième année de sciences éco ce qui me vaudra par la suite d’être recrutée comme assistante de fac.

Je me suis lancée sur une maîtrise de psychologie clinique et ai engagée une formation d’analyste. J’ai eu des clients qui allaient toujours mieux quand ils me quittaient avec ma méthode psy, sophrologie et simulation. Mais jamais sure de moi. Jamais. A plus tard

Christiane

Chère Christiane

Merci de vous vous être lancée si vite à "témoigner".

Il me semble qu’on ne peut hésiter à vous situer dans ceux dont le fonctionnement est de type dyslexique. Si vous n’avez pas réussi à "compenser" au niveau de l’écriture, votre témoignage, pour un peu découragé (me semble-t-il) qu’il soit met en évidence plusieurs choses réconfortantes :

Certes, il a fallu vous "accrocher", répéter, répéter, répéter, pour franchir les sas qui permettent d’avoir une vie professionnelle et vous échappiez aux évaluations classiques, bien sûr. Je repère, comme pour l’auteur de "parcours d’un dyslexique, sans issue ?" le fait que vous avez réussi, non par chance, mais parce que vous aviez réussi de façon exceptionnelle (pour votre appréciation de vous-même comme par votre prof) un devoir... La fameuse "intuition" du DL ?

Que vous vous soyez fourvoyée dans les stats vous a permis ensuite de rattrapper le circuit de vos intérêts propres (votre maîtrise de psycho) alors que en le prenant dès le départ, votre façon de travailler et vos difficultés à "retenir" étaient peu compatibles avec le type de travail qu’on demande dans ces matières à l’université. Pour médecine c’est évident, pour psycho, c’est du même ordre les premières années et quant à philo, il y a "La Logique" et je ne suis pas certaine que vous auriez pu y entrer. Pour ma part je dois toujours reprendre ce que c’est (pour les autres) avec les enfants en difficulté. Ce qui est pertinent pour un enfant DL ne repose pas exclusivement (cela peut tomber juste, bien sûr) sur des critères logiques, dès le niveau de la perception. On l’observe en particulier dans la compréhension des consignes (en préparation sur le site).

Je voulais également souligner, comme dans le témoignage de Carine, l’importance pour vous d’avoir été soutenue par votre milieu familial dans cette quête du savoir, comme si un DL pouvait jamais être sûr de "savoir" quelque chose, tout au plus connaître, des bribes, de-ci de-là, sentir. Il me semble que l’important c’est de se connaître dans ses limites certes (par rapport aux normes en vigueur), mais d’accepter toutes ces potentialités que bien souvent on (soi peut-être encore plus que d’autres de façon consciente) s’est acharné à étouffer dans l’oeuf en quelque sorte.

Bien sûr vous aurez votre retraite de prof pour vous éclater dans des prises en charge thérapeutiques, là où vous vous sentez vous-même sans même avoir à vous poser la question de savoir si vous êtes à votre place ou non, en accord avec vous-même donc, mais c’est peut-être un peu prématuré !

C’est une réaction à chaud, on pourra en discuter encore.

Bien à vous. A +

Jacq

La rédaction


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