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PROBLÈME DE COMMUNICATION ?
Dialogue avec un enfant mutique (Lutin 3) : extrait du corpus du bilan
UN CORPUS PARTICULIER : LUTIN DE 3 MOIS A 5 ANS...

28 juillet 2011

par J Zwobada Rosel

Le chercheur transcrit, observe et note... pour mettre à jour l’interprétation de ce que le praticien avait perçu intuitivement.. et qui le guidait dans ses échanges...




Un corpus particulier : Lutin de 3 mois à 5 ans...

Le corpus dont je présente l’analyse détaillée, ouvre la troisième phase du bilan (voir Lutin 2). Y-a-t-il dialogue ? Comment se met en place la communication ? Y-a-t-il ou non demande de l’enfant ?

1. CADRE GÉNÉRAL

Il s’agit d’un moment déterminé, dans un espace autorisant des déplacements, d’échanges entre trois personnes.

1.1. LES CONTEXTES sont IMPLICITES par

1.1.1. La situation physique : en particulier des objets supports de médiation
Un tapis délimite un espace « de travail-jeu », une étagère le borde avec des jouets sonores et d’autres jeux directement accessibles, les images Thiberge sont posées sur la table-bureau, mère et orthophoniste sont sur une chaise face à face (cf. schéma des positions/déplacements, document ci-dessous).

1.1.2. Les représentations de chacun déterminent des attentes
La mère parle pour l’enfant : « j’comprends tout d’Lutin » dira-t-elle peu après ce dialogue. L’orthophoniste entre dans le même jeu, mais sur un autre mode relationnel. Elle parle mais dans une reformulation où elle s’efforce de lui donner « sa » parole.

Qui manipule qui dans le jeu de la séduction ?

1.2. LES CONTEXTES EXPLICITES se manifestent à deux niveaux

1.2.1. Celui de la séance entière : ce qui s’est passé au préalable (savoir partagé construit dans l’interaction) est présent dans le dialogue, et ce qui se passera après intervient dans la vérification des hypothèses interprétatives de l’analyse.

1.2.2. Celui du dialogue sélectionné où interviennent pour tous les participants : un niveau proxémique (position et déplacement dans l’espace), différents canaux pour des modalités d’expression particulière (et donc de réception), et plus précisément la mise en mot.

2. ANALYSE DU CORPUS PAR LE CHERCHEUR

2.1. SCHÉMA DE L’OCCUPATION DE L’ESPACE
Légende :
t 1234567= marque les différentes positions de l’orthophoniste
x T 1234567 = celles de l’enfant au cours de la séquence retenue
Le 8 indique la position de base du dialogue avec la mère qui va suivre et celle du "Thiberge".

Se faire reconnaître - 152.7 ko
Se faire reconnaître
Le schéma des déplacements dans le corpus
(PDF, 152.7 ko)

2.2. GRILLE DE LECTURE DU CORPUS

Rappel méthodologique

Les principes de l’analyse des interactions, s’inscrivent dans la démarche proposée par F. FRANCOIS et l’équipe du LEAPLE. Il s’agit donc de rendre compte des mouvements du dialogue par la réponse aux questions : qui initie ? Qui continue ? Sur un mode plus ou moins prévisible ou non, de réponse directe ou de commentaire etc...

Ma préoccupation a été de construire une grille d’interprétation du non-verbal, mode d’expression choisi par un enfant face à deux adultes. Sur la base de ces interprétations, je me limite à une rapide « lecture » du corpus, support de la discussion des questions qu’il m’a suggérées.

Je propose une grille qui tient compte de l’orientation de ce que nous considérons comme des interventions, même si, pour l’enfant, elles ne doivent parfois ce statut que de par l’interprétation qu’en fait l’adulte (cf. les premières manifestations sonores du nourrisson).

Le découpage en séquences est en relation avec les initiatives de l’enfant à partir de T1 : il change les modalités d’appel, de coups frappés, à "se montrer".
Mais ce n’est pas au hasard, les échanges des adultes entre eux ont une incidence sur son comportement et les réactions de l’enfant correspondent à ce qui s’est déjà passé dans les interactions du début de la rencontre : il y a, en quelque sorte, "régression" cf. T2.
La 5e séquence est plus complexe à analyser, d’où un découpage complémentaire.
En effet l’orthophoniste tente d’échapper à un jeu purement répétitif, en reprenant l’anamnèse, et, parallèlement, elle interprète ce qu’elle observe.

Le déplacement de l’enfant vers l’espace de jeu, en T6 initie la mise en place du jeu proposé au début du bilan. Le jeu se poursuit en T7 jusqu’à obtenir une participation verbale suivie d’un silence qui, comme en T5, amène l’orthophoniste à reprendre l’interaction avec la mère.

3. CORPUS ET ANALYSE

HYPOTHÈSES SUR LES INTERACTIONS

Le corpus correspondant à la grille d’analyse présentée se greffe sur une conversation de type anamnestique [1] entre la mère et l’orthophoniste.
Pour l’essentiel :
-  L’enfant intervient en faisant du bruit et l’orthophoniste pose les règles du jeu de coucou qui va s’installer, ’c’est toi’, et n’être accepté qu’à la fin de l’échange présenté.
-  La mère parle de la grande sœur qui le considérait comme une poupée.
Il est allongé par terre et suce son pouce, comme un enfant de 3 mois. La mère confirme la présence récente d’un bébé de cet âge qu’il a tenu dans ses bras.

CORPUS

1ère partie du corpus - 201.2 ko
1ère partie du corpus
Comment interpréter les interactions ?
(PDF, 201.2 ko)
2ème partie du corpus - 253.1 ko
2ème partie du corpus
La fin du jeu d’identification
(PDF, 253.1 ko)

Dans ce bref dialogue, le comportement non verbal de l’enfant apparaît bien comme initiateur des échanges avec l’orthophoniste. Entrer dans le jeu témoignerait de la « demande ».

Conclusion

Je limiterai ma réponse aux questions que je m’étais posées, à m’interroger sur l’utilité pour le praticien de faire une telle analyse, et ce qu’elle apporte à l’interrogation de mon hypothèse de travail sur les modes de fonctionnement des enfants. La rééducation a-t-elle des chances d’aider à modifier les éléments relationnels qui ont perturbé l’acquisition du langage ? Ce n’est pas certain.

Dans l’extrait de dialogue sélectionné, un point s’est révélé très important pour le travail avec d’autres enfants : le fait de se montrer dans un jeu d’appel. Il s’agit bien d’une réponse, j’ai retrouvé cette réponse comportementale à plusieurs reprises avec cette signification cf. Joseph. Cet enfant fait partie du corpus « téléphone » présenté dans la thèse. [2]

Tout aussi important me semble le long monologue de l’orthophoniste sur l’ambivalence à propos de l’interprétation d’un signe gestuel conventionnel. Sans en avoir conscience, elle pointe un mode de fonctionnement susceptible d’ouvrir à un travail thérapeutique, malgré la présence d’éléments de répétition et de régression.

Il s’agirait, dans l’hypothèse que j’ai posée avec le corpus (montage vidéo) de Manu, l’enfant bègue présenté à Bichat, de « difficultés » de communication, plutôt que d’un « trouble » de la communication.

J’ai rencontré d’autres problématiques où un problème de communication se posait à l’enfant sans aller jusqu’au « mutisme » (qui n’en est pas un ici non plus), plutôt dans le registre de l’inhibition, proche du refus scolaire. Dans certains de ces cas, l’enfant témoigne, par la façon dont le trouble se manifeste, des difficultés que rencontre l’un des parents, voire le couple, dans sa relation avec l’extérieur. Des parents avaient été « choqués » par la lecture d’une « lettre » qui ne leur était pas adressée. Ils ont mis un an (quand l’enfant commençait à se sentir mieux) à en parler, au moment de changer d’orthophoniste.

J’entrevois ici une des limites de mon action : le fonctionnement familial dans une perspective systémique même lorsqu’il n’y a pas de problème de rapport à la langue et à la culture à évoquer.

Le corpus de Samir [3] présenté en fin de la sous-section « Approches Théoriques » a montré l’importance de l’établissement d’un dialogue, même médiatisé par des objets, même non-verbal, lorsque se pose un problème de communication.

En rester là ne saurait suffire, la voix doit revenir, comme celle de Lutin, et l’enfant poser sa propre parole grâce à un discours rapporté imaginaire comme Samir, étape d’une intériorisation qui lui permet d’en reprendre à son compte le contenu, jusque là problématique.

J Zwobada Rosel


[1] cf. TII 2 Dialogue de la Thèse

[2] C’est dans une interaction avec son père dont j’ai été « observatrice » que j’ai réalisé ce fait alors que l’enfant semblait, dans le jeu qui a suivi cette réponse comportementale, servir d’intermédiaire au père dans sa relation à l’extérieur...

[3] article à venir ? Samir refusait de sortir de la salle d’attente ce jour là et seules les marionnettes ont permis de résoudre le conflit.


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