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Conscience du handicap : trisomie
lundi
2 juin 2003
Je me pose, et vous pose donc, plein de questions. J’aimerais savoir si vous avez eu d’autres
expériences dans le genre de la mienne : L’accompagnement de l’intégration d’un
adolescent trisomique 21.
Je préciserai : - quelques éléments d’anamnèse pour situer l’enfant et préciser
les demandes. Et j’aborderai :
- le brouillage de la communication orale,
- de la
compréhension de l’écrit,
- et enfin la question du "temps".
1) Artus me vient à 12-13 ans au moment de son entrée en 6e d’intégration
(classe spéciale dans le cadre d’un collège). Il a été très bien suivi, une
kiné et, pour mettre en place son langage, en CMPPP, une orthophoniste pour
"jouer", une pour "parler". Il a fait son primaire dans une classe intégrée
dans un groupe scolaire, mais spécialisée pour son handicap. Les parents l’ont
accueilli sans déni du handicap, ils sont très valorisants tout en étant
exigeants et s’adaptent au mieux. Il a refusé la rééducation classique d’une
orthophoniste en fin de primaire, ce qu’ils ont respecté. La mère est inquiète
et souhaite le voir s’autonomiser, consciente de l’entrée dans l’adolescence :
il habite tout près et pourra venir seul. Il a un frère un peu plus jeune.
2) Son enseignante spécialisée (communication obtenue en fin d’année) se plaint
de ses problèmes de communication (elle ne le comprend pas) du fait de ce que
j’évalue pour la parole, bégayages, problèmes dits d’articulation (type
séquelles de retard de parole) et épisodes de relâchement tonique pour la
réalisation de sa parole spontanée ou en lecture. Cependant, quand il vient me
voir, il bredouille un bonjour tête baissée, regard obstinément en dessous,
figure béate, refusant tout contact... Il répond difficilement aux questions,
alors qu’il me donne, en passant, la date de la mort du père de Mozart, pour me
signifier ce qui l’intéresse peut-être ? La confiance s’installe,
précautionneusement, avec des moments comme de réticence plus que de résistance
active, il est très rare que je puisse obtenir de lui des exercices
d’entraînement aux aspects techniques... J’y reviens à la moindre opportunité
mais sans illusion...
3) Il sait lire, écrire, compter etc... mais n’a pas vraiment le nombre (j’ai
déjà fait un message là-dessus), et ne comprend que ce qui est ritualisé dans
une consigne par exemple, et ce qu’on lui a expliqué oralement. Cela me semble
classique pour ce que j’ai appris sur les trisomiques. Il me donne une image
pour sa communion, et j’aborde de plein pied la question de ce que les mots
veulent dire, quel message ils envoient : "Dieu répond à sa demande de
reconnaissance et d’amour" (en d’autres termes bien sûr). Autre moment fort, la
lettre qu’il a reçu d’une copine qu’il s’est faite dans une colo tout venant,
et à laquelle il veut répondre. Bon support pour les questions autour de la
sexualité : tout a déjà été dit et fait sûrement avec les parents mais, avec
moi, il s’agit de le faire passer par l’écrit, ou en émerger, dans le cadre
d’une relation de socialisation.
4) Le temps. Je ne l’ai pas abordé d’emblée. Il fallait que nous trouvions du
sens à ce qu’il éprouvait, imaginait avant de reconstruire ensemble celui de sa
vie, en fonction des oppositions : maintenant, avant et après. L’idée de vous
adresser ce message m’est venue devant la façon dont il m’a demandé de lui
donner le mini tableau (pour mettre dans son carnet) avec les trois flèches
représentant le temps (Borel Maisonny) correspondant au grand tableau posé au
départ de notre travail. Nous étions partis de maintenant (13 bougies à
l’époque, que je réactualise en 14), et nous avions reconstitué son histoire
passée en remontant au bébé et les étapes de son développement. J’y ai donc
introduit la figuration du temps simple/composé. A l’époque, nous avions laissé
libre au début la flèche du futur, puis 3 mois après, il avait voulu
représenter un grand bonhomme (archaïque) et comme des tuyaux (ingénieur des
TP) car tout ce qu’il voyait du futur c’était de faire une grande école
d’ingénieur. Depuis le départ j’avais du travailler le réel vs imaginaire.
Que c’est délicat d’évoquer un futur possible, comment vous y prenez-vous ?
Je reviens au temps de son histoire. On a pu reprendre le futur, prudemment. Il
y avait eu cette façon d’exister dans l’imaginaire, l’expression de ses
représentations à partir de films (les 5 éléments), un cauchemar (les
attaques), dessins suivis de récits dictés pour leur donner forme, et bien sûr
l’inévitable récit de ses sorties, des colos. Sortir de l’agrammatisme, lui
donner forme orale et l’écrire pour la fixer.
Cette dernière fois, il a écrit lui-même celui de sa dernière colo et s’est
heurté à l’inscription des différents temps dans le passé dans un récit
narratif. C’était un premier récit écrit où j’ai rectifié l’agrammatisme, comme
je le fais à l’oral, mais j’ai repris "le temps" dans ce contexte d’une
référence énonciative située dans le passé. Quelque chose a du s’éclairer en
lui, comme un bouleversement pour qu’il ait besoin de ce support, pour s’y
retrouver peut-être ?
L’intégration c’est aussi le miroir de l’autre, cf. "Mongol", suprême injure.
Et je l’ai perçu d’emblée comme un être en souffrance de cette conscience de sa
différence que la famille avait sûrement contribué à éveiller.
Merci d’être arrivé jusque là.
Jacqueline Zwobada Rosel
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