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Langage et autonomie pour un trisomique
POINT SUR L’ÉVOLUTION DE YANN TRISOMIQUE DE 24 ANS ET CORPUS
lundi 25 mai 2020, par J Zwobada Rosel


Avant propos

Ce 2e article présente et discute l’évolution de la prise en Charge de Yann, jeune de 24 ans passés, trisomique mais pas que, là où s’est arrêté le précédent article, il y a 5-6 ans. Son évolution est excessivement lente et la démarche de prise en charge prend en compte son développement mental dans toutes ses composantes tant affectives que cognitives, afin qu’il accède à une autonomie la plus complète possible, ce qui passe par le langage dans son articulation fondamentale à la pensée (Vygotski)

Brève problématique

Rappel des auteurs qui ont jalonné mes réflexions théoriques sur ce qu’on peut entendre par langage.

-  la métaphore d’Ombredane : le langage serait comme un écheveau et l’expérience me montre qu’il ne suffit pas de tirer un fil pour que tout se déroule et se mette en ordre, il faut le démêler pour y avoir accès. Que de noeuds s’y cachent.

-  le constructivisme piagétien pose des pierres qui s’ajusteraient également d’elles-mêmes les unes aux autres du fait de notre capacité à structurer les éléments et à s’adapter à un environnement différent sur les bases ainsi posées. Comme pour Ombredane la structuration ne s’effectue pas d’elle-même systématiquement.

-  les bases du structuralisme saussurien, les deux axes identifiés dans leur fonctionnement en lien avec la pathologie du langage par Jakobson, la projection de l’axe des choix sur celui de la chaîne parlée. Si ce dernier a précisé les fonctions du langage, la linguistique est devenue fonctionnelle avec Martinet, ouvrant également la voie à l’approche énonciative de Benveniste et aux actes de langage d’Austin, dimension pragmatique, intervenant dans ce qui relevait de la communication, dépassant le cadre de l’objet "langue".

-  les approches de Searle et Labov pour l’ouverture au dialogue et ce dernier à la dimension sociolinguistique.

-  de la sociolinguistique à la psycholinguistique, j’ai été initiée à tous ces auteurs par Frédéric François dont j’ai retenu comme fondamentales deux conduites essentielles à l’acquisition du langage, dialogue et récit

-  avec l’inévitable référence aux fonctions du langage de Halliday et l’approche Vygoskienne de Bruner de l’étayage en particulier, sans oublier celle de Hall qui définit l’espace de communication, ni les modalités d’une communication non verbale avec Cosnier pour mettre au coeur des échanges l’analyse de - par ou passe - la signification des échanges par leur interprétation.

Le maître mot reste ainsi pour moi "comprendre", comprendre comment cela fonctionne et- faire avec - pour l’enfant en trouvant comment l’y aider. Une recherche permanente qui permet d’utiliser de nouvelles façons d’y parvenir.

Extraits d’articles qui ciblent les approches utilisées et marquent ses avancées vers le langage dans toutes ses fonctions.

Rappel des articles sur ce site qui ont analysé son développement de différents points de vue :

-  affectif autour du jeu symbolique en particulier avec le scéno-test.

-  cognitif,reprenant les premières années de sa prise en charge jusqu’à la construction d’un espace de représentations et l’accès à de premières opérations mentales dans le cadre d’un jeu psychomoteur : les mouches.

-  Un point réalisé il y a dix ans sur l’évolution de son langage.

Les 2 blogs ont permis de suivre pas à pas ses progrès en fonction de l’évolution des supports.

Notons l’importance

-  de "jouets musicaux", pour l’aider à occuper l’espace sonore,

-  le très ancien CD du père Castor pour ses images en contexte, la découverte des bruits associés, à la base de la constitution d’un lexique,

-  en parallèle des différenciations de l’irremplaçable "audiolog", puis des images de ses jeux dits de mémoire pour identifier le vocabulaire familier.

D’autres jeux ont pris le relai avec
-  des supports d’images pour découvrir la relation entre elles dans une série,
-  "le cactus" pour découvrir un espace structuré,
-  "[Arthur Sanpau]" pour la découverte du temps qui passe en lien avec les fonctions du corps humain,
-  [Fury] pour l’apprentissage des lettres, en lien avec le son, progression étudiée
-  et la série des [TV Neurones], qui couvre de nombreux aspects cognitifs à développer
-  "petit ours brun" pour le lien entre l’image et la compréhension d’un récit,
-  de nombreux autres jeux sur ordinateur,
-  après, notamment, celui qui permet de construire ses acquisitions et ainsi une forme de structuration psychique, "playmaths",
-  puis, pour le lien entre lettres et langage, les séries de [1], [2], les [3] qui les ont remplacés ou complétés,
-  l’introduction à la dimension logique avecordinomatch etc...

Ce bref parcours ne peut cependant rendre compte de tout ce qui a servi à amener Yann là où il en est.

Il a fallu construire le système phonologique avec un support de petits cartons, consonnes, voyelles, perçus d’abord en tant que "lettres" quand sa mère l’encourageait à lire comme on le lui avait appris avec leur nom pour constituer des syllabes (Elle n’avait pu adhérer à al démarche de Fury). Rien ne se fixant, nous avons établi une feuille pour figurer l’écriture de ce qu’on entend et le visualiser dans une approche globale. Plus tard il est devenu capable de reconstituer le tableau, avec explication des symboles utilisés pour le construire : tableau à double entrée des oppositions des graphies des sons entendus (->phonèmes), celui des voyelles d’abord, celui puis des consonnes.

Il a fallu que Yann accepte de regarder son image dans la glace et regarder l’autre à son côté pour pouvoir construire quelques mouvements des praxies bucco-linguales en imitation.

En effet, l’évolution de son langage a été freinée par son incapacité à répéter le modèle proposé. Ce n’est que dernièrement qu’il y est parvenu en se coulant systématiquement dans ma voix, sans pouvoir encore tout à fait retrouver seul l’intégrité des 3 syllabes laborieusement mises en place, comme dans les extraits du corpus présenté en date du 30 mars 2019 de 27 minutes enregistré et transcrit.

CORPUS Yann 30 MARS 2019

EXPRESSION PAROLE ÉCRIT chez un trisomique de 24 ans.

A la conquête du mot anniversaire.

On pose le sens du mot à travailler

J - Donc Yann tu as quel âge maintenant ? tu m’as dit tout à l’heure !

Y - Ah oui moi j’ai ?

J - Non laisse moi le petit tabouret merci et bien vas y !

Y - Ah oui moi j’ai vinkat kat ?

J - Quatre quoi ?

Y - Tran ?

J - 24 - ans ça fait 24 ans (liaison) Oui redis le bien

Y - Z’ai vinka tran ?

J - Mais faut pas couper : tu dis 24 ans

Y - vinkatran ?

Le contexte pour situer le lieu et le temps

J - voilà d’accord. Alors j’imagine que samedi si tu n’es pas venu c’est parce que tu avais autre chose à faire ?

Y - ouais ?

J - c’était quoi samedi ?

Y - sa di c est demain ?

J - non c’est aujourd’hui ? Le samedi avant. Tu n’es pas venu !

Y - à la fête ! ?

J - ah C’était la fête de quoi ?

Y - la fête à moi ?

Consigne du jour : le récit

J - alors tu vas me raconter la fête à toi

Y - oui ?

J - j’écoute. Raconte moi. Je n’y étais pas, alors dis-moi tout ce qui s’est passé ce jour-là... Essaie de trouver les mots et de les organiser sans que je t’aide trop.

Y - ouais ?

Intervention maternelle pour recontextualiser

M - C’était le Week-end où tu es parti en danse africaine, voilà J - ah c’est la semaine dernière ! C’était donc la semaine avant son a... M - Non ses 24 ans c’était dans la semaine là. J - Ah c’était pas samedi. M = ouais J - D’accord. Tu vois moi j’ai mélangé !. Alors quand est-ce que tu as fait la fête ? Pour toi ?.. euh

Y - Euh je-vi-té z/jacline ?

J - Je vi té Jacqueline ... ça veut dire j’ai invité Jacqueline ?

Y - oui ?

J - tu m’as pas invitée (rires partagés), débrouille toi débrouille toi, tu me racontes ton anniversaire.

Mise en place du mot « anniversaire »

Voir le corpus intégral en PDF (ci-joint)

Étapes pour le dire, approches pour le mémoriser

Il lui a fallu 11 minutes pour construire en mémoire à court terme le mot anniversaire et le « dire ». Il est toujours gêné par le nom de la lettre consonne pour l’associer à la voyelle. Il a fallu utiliser tous les supports possibles « montés » en quelque sorte depuis le début de la prise en charge évaluation d’il y a 4 ans Ainsi après l’approche syllabique avec le travail d’articulation nécessaire, l’aide du geste rappelant la réalisation du premier phonème, le balancement des mains dans les mains n’a pu suffire pour les enchaîner. La derbouka (il est dans un groupe de percussions. Et pour finir, le rébus/récit qui associe des mots ayant du sens comme pour une histoire.

Pour le reste du corpus on peut noter :

Yann est arrivé à enchainer la 3e syllabe sans le support de ma voix, reste le passage à 4. Il s’installe mieux, investissant l’exercice.

La combinaison du tableau des sons et du rythme pour marquer la syllabe. Un article présente l’analyse de l’étayage de la réalisation du mot anniversaire sur un des blogs.

Progression de la suite de l’étayage

Après le mot, la fête : langage et étayage

Est-il capable de raconter ? Après des commentaires sur l’état de la derbouka. Une fête pour l’anniversaire à la maison L’anniversaire à la danse africaine. La grande fête pour plus tard, celle de l’invitation. Comment faire comprendre le cadeau familial. Reprise de l’étayage avec les cartons (cf. le tableau). Une nouvelle étape est franchie : l’investissement de l’écriture. Apparition d’une conscience méta cognitivo-linguistique. Autre canal pour assurer la compréhension de l’autre. Retour à la lettre pour écrire. Fin du programme du jour...

6 MOIS PLUS TARD, fin septembre, OÙ EN EST YANN

Le corpus n’a pas été enregistré, il est reconstitués à partir de notes presque exhaustives. Les avancées d’avant les vacances laissaient présager d’énormes progrès, manifestes depuis 3 séances, depuis que Yann cherchait à entendre les sons dans les mots, à identifier ce qu’on appelle le versant signifiant du mot dont il connait le sens mais ne peut dire la forme sans la tronquer et la déformer (comme dans un retard de parole, avec ce problème de 3 syllabes qui perdure).

Le contexte des échanges

On le sent devenu également beaucoup plus autonome et il joue de l’harmonica en m’attendant à sa place, pendant que sa mère me raconte dans l’entrée, qu’elle a enfin reçu l’accusé de réception de son dossier déposé en mai à de la MDPH qui n’aura de réponse que dans 4 mois pour décider de son orientation professionnelle. Il est aussi invité demain à l’anniversaire d’une copine de la danse africaine. En entendant

Il me dit avec fierté

Y - ah moi z/j’ai réussi une chanson ?

J’essaie de le faire parler en lui demandant :

J - Quoi de neuf ?

Y - ah oui ?

J - ah oui quoi, tu n’as rien à me dire ? ... Tu vas pas faire des choses spéciales ?oui ? Quoi ? La semaine dernière tu étais tout beau....

Y - Ah oui, je me souviens costard ?

Il manipule l’étui de l’harmonica

Y - z/j’ai le même que çui-là bleu ?

Il recommence à jouer et ne veut manifestement pas parler d’autre chose.

J - Maintenant tu le ranges et tu vas le reposer

Il n’en fait rien et essaie de déchiffrer

Y - c’est quoi ça ! t r a v e l l e r ?

Il épelle donc puis essaie de déchiffrer

Y - tra ...fo.. ?

J - c’est en anglais. Tu as bien commencé

Et je continue en précisant qu’il y a des différences mais il ne m’écoute pas et enchaine

Y - Toi t’as un double le bleu. Comment z’ai réussi 5 fois autre musique... à la clavier aussi. ?

Je l’envoie chercher le jeu de Jarnac pour écrire avec ses lettres. II regarde sur l’étui le mot épelé en écrivant TRA. J’enlève la boite modèle et il cherche des lettres et les sort, V puis le E le L un 2e L, le R en commentant

Y - ah il est là ! ?

J - t’as tout sorti ;

Il commence alors à écrire le mot en commençant par la fin.

J - Bravo

Y - chapeau ?

Les lettres étaient éparses sur le plateau, sauf le tri déjà assemblé sur le côté d’une ligne avant qu’il ne les rassemble pour le mot..

J - Maintenant on va le dire

Y - Je le mets à la place. C’est un grand mot. Je l’ai vu qui-là. zé réussi ?

Il remonte le mot sur la ligne du haut tout fier d’arriver à 18, le maximum J’explique ce qui change pour l’Anglais ell-er (il avait retrouvé que c’était e deux L.

On s’exerce par syllabe et on travaille l’enchaînement. Je dois le reprendre plusieurs fois en utilisant les gestes Borel pour initier les syllabes. Il essaie également de lire sur mes lèvres et de mettre sa bouche pareil car livré à lui-même il en reste à escamoter (sa place n’est pas vraiment marquée) la 2e syllabe...

Un an après, donc l’année suivante, dans la cohabitation avec le corona virus.

Le confinement s’est révélé un vrai test pour apprécier l’autonomisation de Yann. Celle de sa parole n’est pas encore tout à fait là car le contexte est souvent nécessaire à la compréhension de sa parole, le plus souvent tout à fait adaptée dans les situations dialogiques où il se trouve.

Il avait commencé depuis quelque temps à travailler dans un ESAT où il se rendait seul et n’avait plus ces problèmes de comportement qu’il avait rencontrés au CAT.

Il avait quand même fallu lui apprendre comment se saluer entre adultes étrangers, à éviter calins et embrassades sauf autorisation explicite de la personne concernée, rappeler les règles avec les filles, mais il semble avoir été bien intégré le peu de temps qu’il y est resté. Il était heureux de ces activités utiles et routinières où il y avait matière à compter par exemple et, non sans réticence car il devait faire un énorme effort de "réflexion", il pouvait même en rendre compte avec un étayage soutenu. En effet il ne pouvait s’appuyer sur son stock de phrases toutes faites piquées de ci de là puisque cela changeait sans cesse.

Le confinement l’a livré à lui-même et il a pu montrer toute sa créativité avec les kaplas et s’est même créé une occupation inédite à partir d’un horaire de train dont il a établi le circuit sur de grandes feuilles ... cf. Yann trisomique 25 ans et le corona virus Ses progrès en autonomie sont remarquables même s’il ne lit ni ne parle encore couramment.


[1] mots croisés->http://jazblogtest.over-blog.com/2017/02/mots-croises-et-langage-pour-yann-trisomie.html

[2] mots mêlés->http://jazblogtest.over-blog.com/2019/01/yann-articulation-parole-et-trisomie.html

[3] jeux->http://sos.lire.ecrire.over-blog.com/2017/02/langage-et-mots-croises-yann-trisomique.html

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Corpus Yann 30 mars 2019 - Ce corpus correspond à 27 minutes d’un travail sur la mise en place de la parole à l’aide des cartons des lettres pour faire les sons.

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