l'apprentissage en question
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COMPRENDRE AUTREMENT Vitesse de lecture et compréhension (suite) LECTURE SILENCIEUSE dimanche 9 juin 2013, par J Zwobada Rosel Le premier article inaugurait le 2e millénaire. L’orientation de la discussion de ce rapport éventuel entre vitesse de lecture et compréhension a changé du fait de l’introduction dans la population analysée des adolescents non-lecteurs, et le témoignage permanent d’un d’entre eux devenu adulte, qui doit passer de "déchiffreur" à "lecteur" pour pouvoir "écrire". AVANT-PROPOSCet article actualise la réflexion issue d’une liste de discussion... sur vitesse de lecture et compréhension en l’an 2000 ! J’y notais l’intervention suivante :
L’article mentionnait dans la discussion l’intervention d’un enseignant, Michel Monot, nous faisant part de son expérience en particulier de l’utilisation de "flash-cards" : "Il me semblait alors, écrit-il, pour autant que l’on puisse lire dans les boîtes noires, que certains élèves avaient besoin de cette approche rapide pour cesser d’ânonner, ce qui était mon but, mais que d’autres avaient besoin de ce passage pour partir du sens et revenir aux mots pour retrouver leur composition." PROBLEMATIQUERappel de quelques étapes du parcours de « l’informateur » principal de cet article. A 14 ans Miloud, en 4e SEGPA, non-lecteur, n’avait aucun lexique de base et de nombreuses incertitudes sur la correspondance grapho-phonémique. Nous avons suivi une démarche classique de rééducation centrée sur l’apprentissage, avec l’expérience des non-lecteurs de 6e, mais rien ne tenait vraiment et très vite, compte-tenu de son âge, il a été pris par la vie et ses contraintes, n’arrivant pas à intégrer, comme presque tous, ce qu’il en est du "temps", oubliant encore et encore aussi bien le "travail" que l’heure des rendez-vous... Évolution de la demande La demande de Miloud qui portait au départ sur « lire » s’est reportée, il n’y a pas si longtemps, à 23 ans, sur "écrire", mais peut-on écrire tant qu’on n’a pas réussi à lire couramment ? [1] Il n’a pas vraiment dépassé le stade syllabique (cf."ânonnement"), car s’il essaie toujours d’aller plus vite en devinant le plus de mots possible, faute de les reconnaitre quand il les rencontre, il retourne à juxtaposer les syllabes, sans associer les mots qu’il pose ainsi. Et pourtant nous avions travaillé à constituer un lexique mais le travail à peine commencé, il avait disparu un an... Évocation ; feed-back auditif et compréhensionLes mécanismes en jeu. Ces dernières années où nous avions repris le parcours de "lire" en "lâchant prise", il témoignait sur la complexité d’un processus "où le mot doit venir en bouche [2]" pour qu’il puisse se le faire entendre, déjà au niveau de la lecture.
Plusieurs articles sur le blog exposent ce que Miloud se représente de ses difficultés à partir des corpus de ses mises en mots. car dans ces dernières, on retrouve, énoncées, des conditions nécessaires mais non suffisantes pour conduire à l’anticipation que mobilise l’activité même de lire. Son parcours me laisse penser, grâce à ses propres mots qui explicitent son cheminement, qu’il lui faut d’abord s’entendre de l’intérieur pour se libérer de la forme ensuite, pour pouvoir commencer à lire vite des yeux seulement. Ce n’est qu’après cela qu’il pourra essayer de parvenir à une lecture silencieuse. L’oralisation de la lecture, une étape vers la compréhension ? En effet, Miloud, 24 ans, dit avoir besoin d’entendre ce qu’il écrit, comme ce qu’il lit, car s’il est entré dans une phase caractérisée par un dialogue intérieur au moment du changement de demande de lire à écrire, il a presque tout oublié de son apprentissage de la correspondance phonographique, avec des confusions persistantes, même si quelques syllabes parviennent à se reconstruire quand il essaie d’écrire. Il peine pour actualiser les mots. En lisant, il trouve qu’il se débrouille, à sa façon, et on peut penser que c’est justement cette façon, voie sans issue, qui le gêne pour lire couramment comme pour écrire.
Un certain nombre de questions se posent alors :
Avant de passer au corpus des séances clés où la lecture silencieuse se met en place, nous allons revenir sur la présentation de corpus dans certains articles qui précisent ce qui prépare à la mise en place de la vitesse de lecture, qui ne peut s’accroître sans lecture silencieuse, et permettre la compréhension en mettant l’accent sur les différents plans à travailler : les conduites langagières de base,dialogue et récit les différents codages à maîtriser de la correspondance phono-graphique dans notre démarche sémiologiques autres : signes diacritiques en relation avec la pragmatique, les marqueurs énonciatifs l’attitude de lecteur physique, distance, syncinésies, aides motivationnelle, l’implication physique, la concentration, l’anticipation l’autonomisation qui ne peut venir qu’en fin de processus en reliant ces dimensions, en passant par l’intériorisation. Extraits de corpus de MiloudDe l’oral à l’écrit, un passage nécessaire ?La demande de Miloud évolue vers une centration sur "écrire" dans toutes ses dimensions car il veut devenir capable d’exprimer sa propre pensée, ce qui ne lui vient pas d’emblée même lorsqu’il s’agit de "raconteravant même de pouvoir écrire ". Cet aspect a été analysé et discuté dans un article sur la narrativité, présentant sur ce site l’évolution des écrits qui en avait résulté à l’époque. Le questionnement a été repris et actualisé dans "écrire pour un non lecteur" dont nous avons retenu cet extrait. [Il avait eu déjà beaucoup de mal pour me raconter ce qui venait de lui arriver, comment cela s’était passé lorsqu’il était revenu du "pays" (le Mali), après l’enterrement du grand-père qui l’avait élevé. Il avait fallu passer par l’image, en lui faisant réaliser les tableaux d’une BD, pour lui permettre d’ordonner et de sélectionner le "à dire", support pour une activité de description d’image qui lui avait permis de se lancer pour le raconter puis pour l’écrire ensuite dans un tout autre récit... Pour qu’il puisse "raconter", il lui fallait trouver les mots pour dire et les organiser, ce qui s’est fait avec le support de l’étayage du dessin qui situait l’énonciation des évènements du récit en plusieurs temps. Il avait fallu poser un avion orienté pour figurer le départ et l’arrivée, afin de "borner" le cadre spatio-temporel, et de ce fait, il n’avait plus que 4 "moments" à dessiner puis à raconter, situant son récit au niveau d’une description d’images (cf. recherche en maternelle). Il semble avoir choisi ces moments en fonction des émotions ressenties, l’essentiel pour lui. Sa logique, car il s’agissait bien de "son" voyage, ce qu’il confirmera lorsqu’il réussira à écrire en reprenant les images comme support. On retrouve dans cette approche les difficultés de sélection, la nécessité d’un support figuratif de type narratif, avec celle d’un travail sur l’inter image, et le passage par plusieurs types de mémoire, L’écrit était venu ainsi dans un premier temps sous forme de titres , se limitant à l’essentiel sur l’image dans le temps du dessin.
... et il rappelait toujours ce besoin de "comprendre" pourquoi il n’y arrive pas. Nous étions repartis dans les explications du fonctionnement cérébral, les deux hémisphères (l’accès à l’abstraction du signe de l’un (HG), la créativité artistique de l’autre (HD)), leur connexion, le niveau sous-cortical qui compense parfois, et les deux entrées auditives et visuelles qu’il n’arrive pas à connecter, ...] Il n’est pas encore certain d’arriver à raconter et nous n’avons pas le temps de le travailler, si ce n’est indirectement par la lecture des "histoires" qu’il a choisies. Sur le chemin de l’autonomisationLorsqu’il est enfin revenu ( [3]), c’est avec sa feuille de l’alphabet car il me dit "je n’arrive toujours pas...
C’était la première fois qu’il le demandait de lui-même, de cette façon, ciblant le lieu de ses difficultés souvent inventoriées, comme s’il n’avait rien "entendu" jusque là... du fonctionnement du système, faute d’avoir enfin identifié le "contexte" théorique où les explications prennent sens peut-être. En comprenant ce qui se passait en lui, il pouvait devenir acteur de sa démarche de rééducation, rééducation dont nous allons explorer quelques séances, jusqu’à ce que s’installe la lecture silencieuse qui le libèrera de cette dépendance visuelle en quête de son "son", contribuant à son autonomie. Une reprise de la lecture verticale lui a permis d’analyser peu à peu ce qui le bloquait encore, de retrouver des règles d’assemblage, de repérer ces différents codages qui restaient souvent problématiques, tout en réalisant l’anticipation nécessaire au contrôle de ce qu’il n’arrivait pas à déchiffrer et s’assurer de la cohérence du texte ainsi découvert. Il a pu ainsi progresser dans sa démarche de lecture linéaire. Métacognition et expressionD’autres articles sur le blog balisent également son parcours ultérieur abordant d’autres problèmes rencontrés. "Des mots pour dire, pour penser (suite)" pose la question de l’évocation des mots pour arriver à lire et du contexte dépressif qui accompagne ce type de problèmes, approfondi par une réflexion sur la peur qui mélange en lien avec le sentiment de culpabilité.
[Un exemple du contexte dépressif de cet apprentissage nous est donné dans la partie "le corpus d’une séance et son contexte"
"là je suis dégoûté, malheureux, envie de..." : Je l’interrompt et lui propose d’écrire ce qui se passe autour d’un grave problème familial dont on essaie de faire le tour.
’je ne pensais pas en arriver là un jour’. "Je suis atteint" en moi" : dit-il. Il veut "lire" ce jour là mais nous avons envisagé comment sortir de ce problème... Puis il tombera malade.
"un grand énervement en moi" : Puis il demande à lire et prend une carte : ça ne se fait pas en commentant son rapport à écrire, avant de se mettre à la "lire pour lui", première étape avant de lire pour moi : "j’ai toujours la sensation de ne pas être prêt... quand je me concentre j’arrive pas à poser des lettres qui..." "en fait, je lis souvent les magazines, des mots que je côtoie tous les jours. Je fais des recherches sur l’ordinateur, mais je parcours... d’abord les musiques, donc les chanteurs, leur biographie". précisera-t-il ensuite, avant d’enchaîner : "J’ai un problème pour faire venir les mots d’abord". "Là c’est... mais j’ai pas les mots". Il met ainsi l’accent sur ce qui relève d’un problème d’évocation discuté dans un article sur le blog.
"En fait, j’suis feignant, un peu". ] La continuité du travail entre les séances n’est pas de mon fait, c’est lui qui la dicte par ses choix de carte au hasard. Elle joue même sur un plan technique, préparant le passage du sens réel au figuré par exemple avec la lecture d’un livre pour enfants : le lapin et son ombre où il découvre l’humour et le plaisir de le découvrir en lisant. Ce travail est rapportée sur le blog jusqu’à ces séances où se met enfin en place, très progressivement la lecture silencieuse dans le parcours suivant de 4 séances rapprochées avant une absence de près d’un mois. Le changement d’attitudesVers l’autonomisation Miloud a changé sa relation à l’écrit. Il a du écrire lors d’une convocation au commissariat pour une perte de carte d’identité et y est parvenu, sans le stress habituel. L’écrit commence à remplir une fonction différente qu’il assume (identité, trace).
Cet extrait est tiré de la première des deux cartes du jour qui lui ont permis non seulement de s’entraîner avec des mots parfois difficiles, de se lancer dans la mise en pratique de la lecture des yeux, mais également de poursuivre sa recherche de guide pour gérer ses propres problèmes relationnels : le modèle de couple, il ne cherche pas comme les femmes à "faire comme". Il faut accepter l’imperfection ’que le ménage soit mal fait’(ce qui nous renvoie à nos discussions sur le "lâcher prise". Anticipation et gestion des émotions Miloud arrive en se plaignant de ne pas arriver à la lecture des yeux seul. Nous reprenons pour qu’il puisse se le redire à lui-même quand il est seul et je lui confie : "j’ai le même problème pour écrire. On a besoin d’un guide (l’étayage) mais ce guide est à l’extérieur, il faut l’intérioriser" :
Nous revenons sur ce qui se passe quand il est face au livre. Il s’explique :
Il lit des yeux la carte qu’il tire, rit parfois, se rapproche du texte pour le mot ’harmonie’ et nous discutons de son thème "l’amitié". Il va chercher le dictionnaire pour s’assurer de la définition "officielle".
Dialogue avec le livre La main sur la bouche est nécessaire à chaque nouveau démarrage. Il reprend de lui-même le livre à la séance suivante. Il s’applique beaucoup, rit parfois et me l’explique en reformulant ce qu’il vient de lire. Je lui demande pourquoi c’est drôle ?
Il commence à manifester une conduite de "lecteur" : il pouffe souvent après avoir eu une mimique interrogative. Avant même de lire il remarque qu’ils vont l’attraper. Il s’accroche et en lit 4 pages, il en reste 5, il veut lire la fin... Il tire une carte : "malade ?" "Ça c’est tout moi ça !" [5]
Il reprend un mois plus tard sans avoir pu réellement s’entraîner, 2 séances rapprochées pour se recadrer en quelque sorte. "Ne pas avoir honte de qui on est". Il aime beaucoup cette formule que je lui propose.
DISCUSSIONLa vitesse de lecture ne peut s’installer que par l’automatisation du geste mental de lire, entraînement qui implique la lecture silencieuse.
C’est cette dernière étape, celle des attitudes, qui est venue au moment où Miloud était prêt, comme en témoignent les dernières séances évoquées. Il a réalisé une figuration des difficultés de son parcours, avant même ses mises en mots, avec des dessins qui l’aident à faire venir ces mots en leur donnant "sens" : Le premier gribouillis est évocateur de l’impact de l’affectif sur le cognitif, "De la peur qui mélange", le 2e marque, un an plus tard, l’apparition d’une différenciation entre paradigme et syntagme. Quant aux deux flèches que nous consultons fréquemment, il y mesure ses progrès. La première a ouvert à une travail personnel à partir de textes initiatiques La seconde illustre bien les tâtonnements actuels. Si la lecture est devenue silencieuse, elle reste excessivement lente car il n’arrive pas encore à utiliser la voie d’adressage qui lui permettrait d’identifier des mots (ou radicaux) dans les mots quand ils sont longs, faute de disposer d’un lexique automatisé suffisant. Mais il arrive le plus souvent à maîtriser la panique que ces mots déclenchaient auparavant, ce qu’il appelle le "bug", "là je me mélange, je suis paniqué" car il y perd ses moyens, et à poursuivre. C’est aussi en relation encore avec l’environnement.
[1] Vinci rencontrait ce même problème en CE2, mais il a compris qu’il n’avait qu’à écrire sans penser à rien d’autre. Il s’est lâché grâce à la compréhension d’un maître qui n’a pas sanctionné ses fautes. [2] selon ses propres termes [3] nombreuses absences en lien avec son travail, sa santé ou des problèmes familiaux [4] Je l’avais déjà remarqué chez les enfants de maternelle, une évaluation positive n’est pas toujours un plus [5] Il est très souvent malade ayant un terrain allergique aux produits utilisés, il verra le médecin du travail à ce sujet. [6] J’avance l’hypothèse qu’ils sont des brouilleurs de sens pour les dyslexiques qui s’appuient sur les éléments sémantiques pour construire le sens. Il n’est qu’à voir certaines prises de notes. |
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