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MÉTAPHONOLOGIE De la lettre au son (Youcef) CORRESPONDANCE GRAPHO-PHONÉMIQUE dimanche 25 octobre 2009, par J Zwobada Rosel Comment a-t-il pu arriver à choisir de préparer un BEP électro-technique, en seconde à 17 ans dans un Lycée Professionnel, après une scolarité au collège en filière générale, alors que ... Youcef, seconde technique, 17 ans, n’arrive toujours pas à projeter sa voix en lisant, sa lecture n’est toujours pas courante, il escamote les syllabes et se trompe de mots (grammaticaux), de valeurs des lettres pour en identifier certains (lexicaux). Il s’arrête, reprend, conscient et blessé de ses erreurs. Rien ne s’organise de façon durable dans sa lecture, ni dans notre relation... ... Le nouvel horaire en lycée pro ne permet que peu de séances car il est pris 3 fois par semaine par la boxe et du fait des trajets, sort trop tard pour venir en rééducation. Une demande de changement de groupe n’a pas eu de suite car il aurait fallu la faire en début d’année... Des contraintes familiales font rater les rendez-vous... Il m’affirme être décidé cette fois lorsque nous reprenons en nous centrant sur cette lecture à haute voix au cœur de ses difficultés à identifier les mots (confusions sourdes sonores toujours pas réglées [1]) du fait du manque d’organisation syntaxique dans la segmentation de ses émissions vocales.
Tout le travail des années passées sur ces différents points est invalidé, malgré les progrès qui lui ont permis de poursuivre sa scolarité et nous "bloquons" en quelque sorte, une fois de plus. J’élève la voix [2] de plus en plus souvent devant mon impuissance à "trouver" que lui proposer de faire, par où passer pour qu’il trouve "lui-même" sa voix/voie. J’ai exigé le carnet des tableaux, il ne l’apporte jamais, même si je menace d’arrêter. Je lui ai donné un petit agenda pour ses rendez-vous et les autres choses importantes à signaler. Il n’en n’éprouve pas le besoin non plus. Seul progrès dans sa façon d’être présent, il est presque toujours à peu près à l’heure à quelques minutes près et prévient (au dernier moment) en cas d’impossibilité [3]. Une sortie du tunnel ?Ce "grand jour" que je crois être le bon, il arrive à l’heure et m’annonce de sa propre initiative, car pour la deuxième fois je ne lui ai pas posé de question à ce propos, que Miloud est rentré à la maison [4]. Son frère veut donc me voir, je lui indique le rendez-vous à lui transmettre, et nous revenons au programme du jour que j’annonce. Nous ne lirons plus avant d’avoir reconstruit le système [5]. Les voyelles [6] Puisqu’il n’a pas son carnet de "tableaux" et ne sait pas retrouver les sons voyelles au delà de leur liste dans l’alphabet pour en reconstituer le tableau... je lui propose "les cartons des lettres pour faire les sons" comme support pour les "retrouver" et les organiser. Il lui faut plus d’1/2 heure pour tout reconstruire. Quelles vont être ses difficultés et que m’enseignent-elles ? Les sons voyelles qui ne sont pas transcrits par une lettre dans l’alphabet. — Il lui faut redécouvrir le ’é’ et le ’ou’ dans la colonne centrale,
Avant même d’en arriver aux semi-voyelles, il place le ’un’ avec le ’u’ et le ’ei’ avec le ’e’. Je lui explique à nouveau la logique de l’opposition orale nasale et reprends le é pour introduire le ei. Commentaire
Quelles ont été ses erreurs Nous passons trois séances à reprendre ce tableau de base mais il préfère repasser par les cartons à chaque fois, ce qui m’évoque la façon de procéder avec les non-lecteurs (à cette réserve que 3 fois correspondaient à 3 mois pour eux.)
A quoi correspondent ces unités qu’il n’arrive pas à retrouver dans sa propre voix ? Et pour finir... retour au travail sur la voix. Il n’arrive pas à la placer, à tenir une note, il lui faut s’appuyer sur l’estomac pour qu’elle reste à peu près stable. Il ne peut bien sûr monter une gamme entière pour étayer le nom des notes qu’il a oubliées. Je décide donc de tout reprendre, depuis "la respiration fantôme"qu’il entende des différences... Mais... il n’est plus venu, une seule fois de toutes les vacances de février, en quête d’un stage qu’il ne trouve pas, il s’y prend trop tard. La seule fois où il a pu respecter un rendez-vous et être là, nous avons appelé une connaissance et retenu une place pour un futur stage, s’il contacte l’entreprise en début d’année scolaire car ils ont fait le plein... Un samedi matin où je l’ai appelé (il devait recontacter un responsable absent la veille au soir, ce qui lui avait fait manquer notre rendez-vous...) il dormait et ne m’a pas prévenu. Depuis, il n’est plus revenu... et je dois appeler... Nouveau départ ? Un mois plus tard, enfin, il vient 1/4 d’heure en retard, avec son stage enfin trouvé : il commencera lundi. Je le préviens dans une grande colère que le prochain retard ou absence, quelles que soient les "excuses", j’arrête. Il faudra qu’il vienne en sortant du stage, directement... Puisqu’il n’a ni son agenda que je lui ai donné pour marquer ses rendez-vous, apprendre à organiser son temps etc.. ni son carnet de rééducation, il va refaire le tableau des voyelles. C’est un test car s’il ne peut pas le retrouver, j’arrêterai c’est sûr. — Il recommence, sans l’étape des cartons cette fois, en écrivant verticalement les voyelles de l’alphabet ! Je l’arrête tout de suite en disant," ce ne sont pas celles-là, ce sont celles des sons..." Comme il semble perdu, j’ajoute : "Dis-toi des mots, écoute et repère-les" et je sors.
Analyse et première hypothèseYoucef fonctionnerait à l’égard de la consigne dans un automatisme de réciter, ne pouvant inhiber cette première réponse qui lui vient en tête. Dans les séances précédentes, il lui fallait manipuler les cartons pour retrouver ce qui lui était demandé. Je me suis efforcée de positiver sa réponse erronée en lui donnant la marche à suivre puisqu’il n’arrive pas à mémoriser visuellement le tableau qui présente le système complet (ou presque), ayant été jusque là obligé de le reconstruire à partir d’un choix d’éléments... qu’il ne peut encore, semble-t-il, effectuer mentalement sans support concret. — Il met en place la plupart des variations graphiques comme je l’ai demandé, par ligne pour un phonème ou archiphonème (le E) de référence, à droite les voyelles orales, à gauche les nasales. Quelques moments de cette reconstruction S’il lui faut être capable de retrouver les sons de sa parole pour les opposer les uns aux autres, savoir implicite, présupposé pour celui qui sait parler [7], son rapport avec les mots doit être pris en compte, et je lui demande d’en évoquer pour retrouver les sons qui les composent et entraîner ainsi la boucle audio-phonatoire, primordiale dans l’apprentissage de l’écrit. Nous reprenons donc l’évocation des mots, ce qui relève de la fluence verbale : il bloque à 30" et à 30 mots en nommant tout ce qui l’entoure, transformant l’épreuve en dénomination (nommant tout ce qui l’entoure), puis lorsqu’on passe à des thèmes, donc dans un espace de représentations, n’en trouve que 18 en sports, et que 10 pour la boxe qu’il pratique.
Pour parvenir à retrouver les graphies des voyelles sans aide, nous nous étions centrés plus particulièrement sur les graphies/sons qui lui avaient posé problème sur un logiciel d’apprentissage qu’il avait exploité l’année précédente, en vain semble-t-il, car il n’avait rien intégré du lexique proposé dans les diaporamas :
Nous avons ainsi consacré 3 séances à "travailler" ce tableau des voyelles ! DiscussionLe rapport au temps de Youcef ne peut inscrire une programmation. Il a ses propres critères et résiste à tout changement. Ne sachant plus quoi tenter j’ai pris le risque de lire cet article en cours de rédaction avec lui pour essayer de le faire réagir. J’attendais un effet de miroir [8] de cette confrontation à mon regard sur lui. J’espérais qu’il aurait ainsi une image plus structurée de ses difficultés que nous avions abordées point par point au cours de notre travail. Il se souvenait effectivement de ce que nous avions fait lorsque je lui expliquais les mots que j’avais utilisé dans cet article ou le premier intitulé "entendre les consonnes". Il a fallu redéfinir tout un lexique et tout le circuit impliqué dans l’acte d’écrire, à partir des perceptions, mouvements, connexions etc. La boucle audio-phonatoire Dans une grande accolade verticale,
L’oeil est réapparu à ces deux derniers niveaux car il participe au CHOIX à faire dans l’identification des lettres à écrire. J’ai pris l’exemple de /oe/ et /o/ qu’il ne différencie ni dans sa parole ni dans son écriture quand il est en mode phonologique. J’aurais pu prendre le an/on car il ne fait aucun effort... Enfin l’acceptation d’un changement dans sa façon de faireLes examens, les cours pour le permis ont pris la place de nos séances mais... C’est arrivé enfin. J’ai repris, un peu désabusée, à titre d’évaluation, de très anciennes fiches niveau CE1 pour consolider le travail de différenciation des phonèmes et/ou lettres (variations contextuelles), anciennes parce qu’elles avaient déjà été réalisées deux ans auparavant, avec toujours des erreurs... et qu’elles me servent également à vérifier les stratégies d’écriture du mot. J’ai aménagé la consigne : je lui ai dicté les mots au lieu de le laisser choisir dans la liste ceux qu’il devait recopier. Il devait les "entendre" sans les voir pour avoir à choisir dans les paires de sons/graphies qu’il avait du mal à différencier, mots déjà travaillés avec le support visuel.Il n’a pu réussir qu’en se le disant à lui-même, activant la fonction d’évocation de la paire minimale (consonne+voyelle) des lettres à identifier, en passant par leur audition... Il ne lui reste plus qu’à automatiser cette démarche puisqu’il commence à se donner à entendre ces différences.
Réveiller un cerveau qui ne se mobilise, à chaque reprise de prise en charge, que dans l’ici et maintenant d’une tâche au cours d’un travail sur l’écrit ?!? SUITE (Janvier 2010)
Nous avons repris le LANGAGE, à partir d’un petit texte à la recherche du sens de mots par le contexte, les écrire dans un nouveau carnet de vocabulaire à partir de familles de mots ce qui nous a amenés à prendre quelques homophones. Cette approche de la constitution d’un LEXIQUE n’a marché qu’une fois,il a trouvé deux homophones, mais il n’a plus rapporté les carnets (pas eu le temps de les prendre chez lui en passant en coup de vent !). Il est donc toujours dans l’instant, porté par des routines et n’arrive pas à se programmer en fonction du temps de l’autre (cf. Manu*). Du coup, nous avons repris Audiolog et l’ECOUTE DICHOTIQUE. Que n’y ai-je pensé plus tôt ! Peut-être n’était-il pas prêt ? J’essaie de le guider à repérer des indices de différenciation des phonèmes qu’il confond dans des syllabes (sourdes/sonores.
[1] Nous avions tenté une autre démarche pour l’aider à construire certaines graphies et oppositions récurrentes, à partir de séries mais il ne vient pas suffisamment pour que cette démarche l’aide à structurer ce qui reste systématiquement erroné dans sa lecture [2] C’est un de mes points faibles, si je contrôle le contenu, je ne peux gérer une certaine façon de traduire mes émotions dans ma voix, malgré mes efforts et les progrès, car j’ai du mal à accepter mon impuissance à trouver ce qui pourrait aider mes patients. Il m’arrive aussi de dire "stop", car ils semblent se mettre en roue libre... [3] J’ai été très claire, s’il ne le fait pas, j’arrête [4] Ce dernier a passé 4 mois à l’ombre pour avoir été présent lors d’une bagarre entre bandes de ville voisine. Il rendra probablement compte dans quelque temps du vécu de cette expérience dans l’espace d’expression qui sera réservé aux productions des patients, rubrique créativité. [5] Je ne m’y suis pas résolue d’emblée car nous avions tout repris à plusieurs reprises, fait des exercices, écrit dans un carnet etc., sans parler d’autres approches depuis la rentrée, mais rien n’a jamais tenu ou à peu près, car il savait à peu près lire et écrire, à la différence des non-lecteurs de 6e de notre expérience. Pour ces derniers, la lecture est venue d’un coup, au bout de 5 ans, loin du collège pour l’un, illustrant une modalité du "lâcher-prise". [6] J’avais surtout insisté sur les consonnes sans réaliser que sa connaissance scolaire des voyelles ne lui avait pas permis de les inscrire dans sa voix. [7] mais que signifie savoir parler quand il articule juste assez pour qu’on arrive à peu près à le comprendre, de même que son écriture peut ne pas être « claire » du moment que le prof arrive à le lire [8] même déformant, peu importe, il s’agit de représentations. |
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