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S’EXPRIMER AVEC DES MOTS POUR DIRE 6 - Construire le temps de l’autre Manu* MOTIVATION ET INVESTISSEMENT vendredi 31 juillet 2009, par J Zwobada Rosel L’aller retour de Manu* chez lui pour chercher le bulletin oublié devient, "j’ai un peu de temps" ce qui permet à son frère de se mettre à parler avec lui, puis,après quelques échanges, lorsqu’il réalise qu’il lui faut venir, de s’arrêter en route sous ma fenêtre pour parler avec le père d’un enfant qu’il connait, enfant qui cherche avec son père le skate qu’on vient de lui voler.
L’article proposé ci-dessous voudrait illustrer, à partir de situations concrètes qui soulignent l’importance du contexte dans l’ici et maintenant de cette situation, mais aussi l’importance des éléments répétitifs qu’elle comporte, l’hypothèse posée au départ de cette rubrique. On y montre la difficulté d’un enfant, Manu*, à sortir de l’instant pour accepter les règles que son cadre de vie lui impose, comme si chaque instant était aussitôt oublié, faute d’entrer dans un schème où le temps construit l’avenir en s’étayant sur un passé reconstruit.
Avant-proposLe contexte situationnel
...C’est désespérant... Que veut dire pour lui "un peu de temps"... Son temps à lui... interrogé il ne peut s’expliquer, bien sûr, il n’a pas les mots faute d’être au clair avec des sentiments qui se complexifient [1]. Retour sur le parcours
"C’était comme ça"Ce vendredi, quand il finit par arriver, avant de commencer une de nos activités habituelles, je me risque à dire (ce n’est pas systématique) : Il y a quelque chose dont on pourrait parler ? Il a un tout petit "oui" en se recroquevillant un peu... Il n’est plus "muet" [7]. Il me le dit lui-même. Il y a bien eu un évènement dont il serait bon de parler. Il n’est pas entré au collège mercredi matin, le chauffeur de taxi l’a signalé au père puis au collège et le quiproquo s’est installé, car il ne peut s’expliquer clairement sur ce qui s’est passé ni donner les raisons de sa conduite. Nous parlons donc. Il me donne une version résumée [8]. Nous reprenons tous les points qui rendent compte de ce que j’appelle le quiproquo... Je reprends la question de "à qui parler". Il faut donner les informations qui correspondent à la situation et s’adapter à l’interlocuteur, tenir compte du contexte (espace et temps) et de l’Autre. Le support en sera son dernier manquement à la règle : l’école buissonnière de ce dernier mercredi matin. [9] Dès qu’il a eu précisé qu’il n’y avait rien de particulier ce matin là (cours à éviter par exemple), la discussion centrée sur la compréhension de ce comportement qu’il ne peut justifier autre ment que par cette réponse "c’était comme ça", a mis en évidence son questionnement sur -"Qui" il "est" ?-. Est-il dyslexique ?L’Autre "pair" et sa différence
Il reconnait cependant sa lenteur par rapport aux autres de la classe où les DL de l’UPI sont intégrés. Communiquer avec l’Autre "adulte"
Se situer pour l’évaluation prochaîne (passé/avenir)
Il commente alors,
Il revient sur son passé :
Nous reprenons la question de la dyslexie
Il essaie de me donner quelques pistes :
Il me dit alors « je n’arrête pas de dessiner » [10]. Le travail du tempsLe rapport au "travail" Le présent
Le futur proche
La gestion du temps La deuxième question à l’ordre du jour concerne LE TEMPS en tant que paramètre non d’un projet mais de tous ses actes mêmes. Nous avions déjà évoqué il y a un an ce problème, [11] en travaillant sur la différence entre la valeur objective du temps, et la perception subjective de la durée. [12] Il s’agit maintenant du temps en tant que cadre organisateur, participant à une planification.
Je reprends alors sa résolution : « je vais travailler » en précisant ou "essayer de ?", c’est-à dire sans faire n’importe quoi, et je reviens sur
Il se saisit de la souris [14] qui "parle"... et en s’en allant avec me demande s’il peut l’emporter. La situation va-t-elle empirer jusqu’à la rupture ? Nous devions nous revoir un jour férié pour nous mettre d’accord sur sa participation à l’équipe éducative et préciser jusqu’où je peux aller lorsque je parle de notre travail car je suis tenue au secret professionnel. Il a oublié de me rappeler et veut bien parler un peu, mais au téléphone (des copains l’attendent). Il n’a pas envie de reprendre sans cesse les mêmes thèmes, même si nous avançons un peu plus à chaque fois, mais je veux m’assurer par ce dernier point que je puis me permettre de donner mes hypothèses reposant sur nos dernières séances. A ma demande, la principale adjointe l’appellera à la fin de la concertation des participants à l’Équipe Éducative à propos de son orientation et ce sera l’occasion pour lui de s’exprimer... Lors de cette confrontation, sa façon naturelle de se présenter et sans aucune agitation, de répondre de façon très pertinente aux questions qu’on lui pose alors confirmera ce que tous remarquent : il n’a rien à voir avec l’élève du rapport du professeur principal dont tous les professeurs soulignent le manque d’investissement de leur matière, l’agitation, les fréquentes absences, ce qui peut expliquer l’irrégularité de ses résultats, à l’exception du professeur principal justement, un homme, qui assure la technologie, et en a fait "son adjoint" en quelque sorte. Ce n’est qu’après cette EE, en reprenant avec lui ses résultats dans les rapports remis par les participants, que, le nez dans ses contradictions (il ne me parlait pas du tout de "ses absences" tant physiques de l’établissement, que de participation aux cours quand il y était), qu’il m’éclairera sur mes erreurs d’interprétation de son comportement lorsque je les mettais en relation avec ses difficultés d’apprentissage.
Il s’agit bien de cette incapacité à se motiver en fonction d’un PROJET, une fois posé son passé... ce que je mets en relation avec son retard de développement "psycho-affectif". Son père ne peut plus gérer une telle situation. Il ne peut se résoudre à le renvoyer, cela ne résoudrait rien. L’avenir est incertain. Une question centrale pour la motivation : la capacité à "investir"D’un point de vue "orthophonique" il n’a pas envie... de faire plus que de suivre ses envies.
Retour aux HypothèsesOublier pour retenir dans un contexte d’apprentissage deviendrait -oublier pour "se" retenir d’agir- en fonction de son envie du moment. Un des modes d’approche passerait par l’exploration de ce que Manu* éprouve lorsqu’il se sent sous l’emprise du désir de l’autre de le voir réussir sans se sentir capable de réussir. Il ne pourrait alors se souvenir des règles qui l’encadrent pour l’aider à grandir, tenir sa parole et réussir dans son chemin de vie.
Et après ?Il va utiliser deux modes d’expression, le dessin, et une écriture secrète. Il a été puni de toute sortie, d’ordinateur et de télé par son père et dessine des heures durant. Il réalise que quand on n’a pas de jeu tout fait à sa disposition on peut en créer.
C’est vraiment l’autre Manu* qui nous étonne tous... jusqu’à la prochaîne séparation et/ou la liberté retrouvée de ne plus tenir compte des règles... celles qu’on lui impose car il s’accroche à ce qu’il a trouvé et décidé de lui-même comme la guitare, ne lisant pas les notes mais les tablatures, et au pompes du matin pour apprendre les verbes irréguliers en Anglais. Les demandes d’internat n’ont pas eu de suite, mais son père a trouvé une réponse à cette situation apparemment sans issue. Une fille de son père, grande demi-sœur que Manu* ne connaissait pas va habiter chez eux, et le suivre de près pour la durée de ses propres études universitaires. Elle a connu une situation parallèle à la sienne et de ce fait peut le comprendre, être digne de confiance, tout en ayant l’autorité qui peut assurer à Manu* la sécurité qui lui fait défaut. Elle est à même de contrôler son travail, le respect des règles de vie, tout ce qui justifiait la demande d’internat. Lors d’une dernière rencontre pour lui remettre le dossier scolaire que le père m’avait confié jusqu’alors, afin qu’elle puisse l’inscrire en 4e, car il n’est inscrit nulle part, Manu* nous révèle qu’il écrit et ajoute fièrement...
Il aurait donc toujours cette dissociation entre la forme et le sens dans son rapport à l’écriture, en lien avec ses deux mots clés "confiance" (insécurité) et "solitude" (mutisme). [1] Cet article est plus que jamais aux frontières de l’orthophonie. Par exemple, s’il a oublié son bulletin, les enjeux vont bien au-delà de ce simple fait, car il perd régulièrement tout ce qu’il doit transmettre du collège à chez lui ou de chez lui au cabinet d’orthophonie [2] "Quoi", et non "qui", ce qu’il me donne à voir de ses "productions" que ce soient actes ou dessins, narrations... dans sa quête identitaire. Je vais jusqu’à tenter de lui faire comprendre que cette "confiance" qu’il a placée dès le départ comme "le manque", (il ne peut avoir "confiance" en son père) est au cœur de ma relation avec lui, d’autant plus qu’il ne peut vivre une relation de cet ordre avec sa mère dans la réalité de sa vie, ce qui me permet de donner sens à ces signes qu’il m’adresse par ses transgressions... [3] De petits livres d’enfants, comme "Mitch" (de Grégoire Solotareff et Nadja, ed. Lutin poche, illustrent cette problématique de l’humanisation en associant aprole et mouvement. Manu* semble l’avoir trouvée/créée de lui-même (cf. Winnicott) dans ce récit inventé mais sa propre histoire se termine par une sorte d’annulation, car il retourne à "la solitude", évoquée lors de jeux d’association, comme à chaque fois que s’amorce un mouvement vers la relation à l’autre. [4] de Ricardo Alcantara Musti (ed. Kid Pocket) [5] Bien que la relation précoce avec sa mère n’ait pu s’établir sur des bases favorisant le travail de séparation : enfermé quand elle partait travailler, à la garde d’un demi frère sourd-muet... [6] Il avait été amené en France à cet âge sans explication. [7] Je pense bien sûr à l’histoire du nounours (article précédent), et au doudou/marionnette, souris qui parle (on peut faire bouger sa bouche) qu’il a déjà manipulée et qu’il va me demander de lui prêter peu après. [8] J’apprends ensuite qu’il l’a rédigée en famille lorsque le père a été sommé de justifier l’absence. Ce dernier avait cherché à me joindre comme je le lui avais demandé, mais sans laisser de message, et j’ignorais donc ce qui s’était passé. [9] Ce n’est pas la première fois, il y avait eu cette fois où son père était venu affolé, prévenu par le chauffeur de taxi, et en appelant Manu* sur son portable avec le mien, une fois de plus, au lieu du répondeur nous avions capté un dialogue étonnant (grands frères ou keufs en planque ?). Nous n’avons jamais élucidé ce mystère. [10] Que cherche-t-il à dire dans ces dessins qu’il évoque alors ? Il me parle plus tard de skate, mais comme il ne veut pas se répéter je lui suggère une recherche d’expression des émotions. Nous avions réalisé quelques masques l’année passée. [11] un jour du début des vacances où je l’ai trouvé traînant dehors, à 100m, sans avoir réussi à être à l’heure et/ou à sonner pour entrer. [12] Nous n’étions pas entrés mais avions déambulé en surveillant des enfants que je devais garder. [13] le décalage entre le -c’était comme çà-, et -on peut dire ça- évoque à l’horizon du discours un "ça" (cf. Psychanalyse) qui travaille. [14] Il s’agit d’un animal en peluche qui remplit une double fonction, marionnette (on peut faire bouger sa bouche) et doudou qui en a séduit plus d’un... souvent choisie dans les petits jeux de rôle qui s’improvisent. [15] Par ce néologisme, je fais référence à la relation d’emprise définie dans le champ psychanalytique. [16] Il s’en justifie comme tant d’autres adolescents : telle matière, ça ne sert à rien, tel prof, il le situe dans un registre relationnel. [17] Je suis d’autres enfants, pré adolescents ou adolescents dans le même cas, en voie de déscolarisation, pour lesquels un travail de remédiation s’impose, mais de quel ordre ? Comment trouver l’établissement qui pourrait les "contenir" pour qu’ils puissent se construire ? [18] Il a mis un jour à le faire. [19] Je pense à notre travail lors de son entrée dans l’écrit du temps du "passeur", lorsqu’une syllabe de "son" code "JER" (=jouer jardin Germain) a fait surgir un premier souvenir et que la chaîne associative l’a amené à réaliser un premier récit narratif. |
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