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4 - Modificateur ? Manu*
LA DEMANDE
dimanche 15 mars 2009, par J Zwobada Rosel


Je m’aime comme je suis, j’ai pas envie de changer...

Cette déclaration me fait espérer qu’il est en train de mettre en place en lui ce changement tant attendu de l’orthophoniste que je ne peux manquer d’être.

Il y a un peu moins d’un an, Manu* lisait "le passeur" et s’est mis à me livrer de temps à autre quelque souvenir "oublié", mais est-ce le terme quand il s’agit de se donner les matériaux d’une histoire à construire. Je serais tentée de le dire tout autrement, car pour arriver à l’amnésie infantile qui permet "le passage" en "grandissant", il faut bien que des souvenirs émergent pour organiser une cohérence, le schéma narratif de son histoire, que le passé devienne passé... et permette de passer à autre chose.

Il apprend, il se donne (compensations de dyslexique) des associations pour se rappeler de ce qu’il veut mémoriser. « "Sahara", je pense "’saarrive’" avec un h entre les 2 a ». Il n’a aucune idée de l’existence de 2 mots car il fonctionne avec l’oral (une chaîne continue où le signifiant serait déconnecté de son signifié), et cette "association" reste ponctuelle, sans lien logique avec le contexte. C’est "son" association, "sa" façon d’apprendre.

Où en sommes-nous ? [1]... j’ai donné son cas comme illustration dans une discussion.

"Au fait, nous (Manu* et moi) avons discuté hier soir de sa résistance à changer sa façon d’apprendre : il veut comprendre, tout seul, et s’inventer un moyen de se rappeler de quelque chose (encore plus tordu que tout ce que j’ai inventé [2] jusque là), mais sans chercher à organiser quoi que ce soit, ni y mettre les liens nécessaires au fonctionnement d’une mémoire à long terme.

C’est le côté "psy" (qui dominait tout à l’époque) qui éclaire et impose cette forme de résistance. Il en serait au stade d’un contenant... avec du trop plein d’éléments irrécupérables. Sa mémoire sature et il ne sait comment s’y retrouver. "Comprendre pour retenir" OK, il est bien dyslexique en cela, mais que signifie "comprendre" pour lui puisque ce n’est pas prendre sa place dans un ensemble (prendre avec) au niveau cognitif. Cela viendra j’espère, car nous y avons travaillé au niveau "psy" en mobilisant la famille pour qu’il y trouve une place, sa place [3].

Mais cette question d’un changement le travaille. Il a inventé une profession pour lui (il abandonne son projet d’être journaliste par réalisme) : « "modificateur" pour ceux qui ne se sentent pas bien, changer les gens, leur montrer qu’ils "peuvent" pour les amener à changer d’avis, à changer de style ». Il réalise que c’est un peu ce que nous faisons mais, lucide, il confirme ce qui, de mon points de vue, enferme le DL dans sa problématique narcissique en m’affirmant peu après : "JE M’AIME COMME JE SUIS, J’AI PAS ENVIE DE CHANGER". Il était sac au dos (avec dedans une partie d’un dossier d’Anglais seulement d’où la discussion sur le fait de ne pouvoir organiser son travail), tournicotant sans se décider à partir, aprés une discussion de près de 2 heures où il avait "parlé" comme jamais, se livrant enfin...

L’orthophonie est un lieu de parole. Nous pouvons en tant que praticiens, par nos évaluations (je ne dis pas "bilan") témoigner d’une parole qui ne peut se dire encore, le sujet étant en pleine "construction de lui-même". C’est une approche globale des problèmes, réservée en principe à une synthèse interdisciplinaire en institution, qui s’étaie sur la relation de confiance établie avec notre patient et son entourage familial, à cette place privilégiée que nous occupons dans une pratique libérale, plus flexible, en particulier au niveau d’une potentielle disponibilité (un emploi du temps c’est révisable, vive les portables qui changent ma façon de travailler). Heureusement que des cas comme celui-ci restent exceptionnels... Effet loupe cependant...." (Fin du message adressé aux collègues)

Nous avons donc eu, Manu* et moi, une longue discussion sur le peu d’efficacité à long terme de sa démarche.
Nous avons analysé que ce qu’il a mémorisé à sa façon ne tient pas, ou bien qu’il ne sait où aller chercher tout ce qu’il pense avoir mis en mémoire. Je précise alors qu’il l’aurait mis en mémoire de travail seulement et que cela explique les difficultés de rappel.

Il résiste à "Changer de façon d’apprendre" lorsque j’essaie de lui expliquer le fait que la façon dont ces éléments s’inscriraient en mémoire à long terme induirait une voie pour les évoquer.

Il en est au stade des aveux [4] : c’est le dernier "souvenir-cadeau" qu’il me fait.
Il m’explique que l’année dernière il n’avait pas souvent envie de travailler. Mais en GSM on croyait qu’il ne voulait pas travailler, apprendre, car il n’arrivait pas à écrire le nom de sa cousine qui était dans la même classe : il se souvient qu’il n’y arrivait pas. Du coup il se souvient qu’il faisait le clown [5].
Il y aurait donc eu un quiproquo tout au long de sa scolarité : on mettait dans un registre de "vouloir" ou ne pas vouloir ce qui relevait de "pouvoir". Personne ne soupçonnait qu’il puisse être dyslexique dans son rapport à l’écrit. Il l’a exprimé dans son propre témoignage (article précédent).
-  Histoire personnelle (registre affectif) et histoire scolaire (registre cognitif) sont également impliqués dans le blocage communicationnel qu’il a présenté et qui est en train de se lever.

Oublier pour retenir

Les vacances de février sont terminées, il est retourné au collège.

"Mon cerveau c’est comme une carte d’ordinateur... J’ai fait le vide. J’ai "supprimé" tout ce que j’avais mémorisé... J’ai 2 gigas maintenant. Je peux mémoriser maintenant. Mais je l’ai pas "vidé"... c’est dans la corbeille."

A-t-il vraiment fait table rase ?

"En fait je deviens indépendant" Je confirme, ’autonome’. "Je pourrai mémoriser des tas de choses."

OUBLI et mise en place de la LOI

"Une fois j’essayais de me rappeler ce que j’avais fait, j’avais oublié même le week-end d’avant !"
Il rappelle sa plainte de ne pouvoir mémoriser et de tout oublier au fur et à mesure.

La loi du père

Il raconte alors le Week-end chez sa tante (juriste, soeur de son père, maçon) et son oncle qui ont fait partie du "conseil de famille" "cadre contenant". Il en attendait sûrement plus que de travailler son anglais, tâche pour laquelle ils s’étaient proposés dans l’encadrement du travail scolaire [6].
C’est ce qui s’est passé. Non seulement il a fait ses exercices mais son oncle a posé la LOI : écrire en attaché sans correction. Il lui a fait re-écrire 2 fois 3 pages d’exercices pour l’oubli d’une lettre et/ou une rature. Il s’est même déplacé chez lui, l’a pris au saut du lit le dimanche matin, et avant même de se laver, en pyjama, Manu* a recopié ses exercices jusqu’à ce que ce soit parfait. Il me rend compte de la discussion avec son oncle sur les lettres initiales en majuscule : il ne peut en introduire "dans" le mot... Tout cela a été posé pour l’anglais donc [7].

-  Le contenant une fois posé par ses proches, les liens sont arrivés dans son écriture, liens qui ouvrent à la signification, introduisant le regard de l’autre sur lui, et sur ce qu’il a écrit, dans l’acceptation d’écrire pour être lu [8].

Les séances suivantes

Ce deuxième « passage » est-il le bon ?
Il s’était ouvert au code dans un premier temps et avait présenté le sien, sans volonté de lisibilité pour l’Autre. Il semble avoir accepté d’ouvrir son écrit à la lecture de l’autre, tout comme il accepte l’échange de regard dans le récit qu’il fait de ce qui s’est passé au collège, voire à la maison...
Il devient fiable [9] et la confiance va enfin pouvoir s’installer. Il l’avait posée d’emblée comme la question de fond, confiance en lui certes mais aussi confiance dans les adultes qui l’entourent... ce qui induit la confiance que nous pouvons avoir en lui...
Je ne peux que faire des hypothèses à ce sujet car quand j’essaie de l’aider à mettre en mot ce qui s’est passé, c’est beaucoup trop dur pour lui, il l’a dit à propos des bêtises, et je m’en suis tenue à lui expliquer que mes questions venaient de mon besoin de comprendre, sans aller plus avant, respectant "ses défenses".

La reprise scolaire de février s’est bien passée. Il a eu 20/20 à son exercice d’anglais évoqué ci-dessus, grâce à un bonus de 2 points par ailleurs. Ses efforts, l’obéissance aux règles, ont payé. Il en est capable.

Il trouve tout tout seul...
Il continue à faire preuve de créativité pour trouver comment apprendre, car il me rappelle sans cesse qu’il a fait le vide, mais apprendre n’est pas si simple que cela.

La mémoire enfin disponible pour apprendre

Association et canal privilégié : le mouvement et sa visualisation
Il apprend ses verbes irréguliers anglais en "faisant du sport" : "je fais des pompes, 4 pour chaque verbe : une pour chaque forme et une pour le sens car sinon, précise-t-il, ça ne sert à rien" [10].

Quelle mémoire ?
Il apprend ainsi autrement car avant il se programmait pour le retenir jusqu’à une date (le contrôle par exemple). "Maintenant les contrôles sont dans ma tête." Cette ancienne façon d’apprendre illustre le fonctionnement en mémoire de travail que j’avais posé à titre d’hypothèse.

-  Motivation (affectif)
Il entre dans le détail de son fonctionnement en soulignant qu’il se souvient de gestes pas importants (pense-t-il) comme le moment où il a éteint son portable (je l’appelle quand il semble avoir oublié) [11]. Il introduit ainsi le "mouvement" comme entrée essentielle pour sa concentration et sa mémorisation.

-  Stockage et liens (cognitif)
Je lui demande comment il se rappelle maintenant qu’il doit venir ici : "C’est dans une des catégories de ma tête".

-  Rappel
Il se voit faire les pompes ce qui ’amorce’ en quelque sorte (il dit "fait venir") les 5 verbes qu’il a pu retrouver de lui-même quand il en a parlé.

-  Mode de pensée
Dans ces exemples, il narre ce qui se passe avant de l’analyser [12].

-  Théories de l’esprit
Anticiper l’attente de l’autre c’est le reconnaître et être reconnu
Il s’épanouit, fier de m’annoncer qu’il a été sélectionné pour l’équipe de rugby des interclasses, non pour son gabarit mais pour sa capacité à se faufiler... S’il est handicapé pour les "interceptions" (un des 3 critères de la sélection) il peut se mettre devant et gêner... Il a su remarquer que le prof notait tout, il a donc non seulement respecté toutes les règles de l’échauffement mais ajouté un peu de "frime".

Nous faisons ensemble le tour de nos activités à venir puisque la famille va pouvoir l’encadrer pour le travail scolaire.
Pendant les vacances je lui avais décortiqué la question des conjugaisons en lui faisant 3 fiches pour introduire à la généralisation du tableau [13] (il se noyait dans ce qu’on lui donnait à apprendre). Il m’avait glissé ensuite qu’il les avait bien apprises et qu’il savait maintenant, sans plus de problème pour les temps composés, les conjugaisons sont donc OK.

Les points d’achoppement :
-  Il ne voit pas quand marquer les fins de phrase. (Travail de segmentation à partir du sens et de la phrase syntaxique, nouveau lien à "travailler", je pense le lui proposer en reprenant des fiches de lecture verticale).
-  Que choisir : s et c, c k qu, f et ph, i y ill, o au eau. J’ajoute ’et tous les é’. (Il s’agit donc de la correspondance grapho-phonémique et des variations graphiques contextuelles et autres, mais aussi de tous les homonymes, notamment grammaticaux.)

L’ordinateur :
-  Entraîneurs divers et le travail "sur les lettres", j’ajoute ’les mots coupés’, en particulier le dernier au nom éloquent "torture cérébrale" que je lui ai proposé où les supports défilent (sorte de lecture flash pour identifier les éléments à trouver).

Il conclut son auto-analyse en précisant que maintenant il "arrive à construire des phrases en anglais : tout se prononce..." et il énonce de rares exceptions, soulignant ainsi combien il était en insécurité et combien la variation a pu perturber ses apprentissages [14].

Discussion

Pour analyser "la modification" attendue, étant entendu qu’il a été son propre "modificateur", je retiendrai deux entrées, celle des processus en jeu par rapport à la mémoire, et les voies de son autonomisation.

-  LES PROCESSUS

— Souvenirs et travail de mémoire

La "faille" d’origine : l’absence de contenant

J’avais précisé en équipe éducative quand il était en 6e UPI que mon travail sur la mémoire prendrait en compte son récit de vie, non pas en discours rapporté, mais tel qu’il pourrait le construire lors de l’émergence de souvenirs. Il y en avait eu un dont il n’avait jamais parlé concernant sa mère, rendant compte d’un quiproquo fondamental en quelque sorte, il croyait qu’elle était là tout près (alors qu’elle est dans une ile lointaine) mais ne voulait pas le voir.

Le diagnostic d’enfant abandonnique était confirmé par ce qui se passait. Mon travail avec lui se situait ainsi à l’articulation entre une approche technique (orthophonique) et une approche clinique (disponibilité de l’écoute et symbolisation dans un cadre qui emprunte au modèle psychanalytique des outils d’analyse et non le cadre lui-même).

Ce premier souvenir concernant sa mère était un premier pas, indice d’une mobilisation transférentielle, dans un registre de croyance qu’il devait confronter à la réalité.
Il a rencontré sa mère en fin de CE2, à l’occasion d’un voyage en famille, à l’instigation du psychothérapeute qui le suivait à l’époque, mais la prise en charge avait du s’interrompre...
-  Ce n’est que tout dernièrement que le travail de récit de vie a pu s’élaborer en intégrant la restitution du discours de la mère (réelle) sur les conditions de leur séparation. Sa mère ne voulait pas qu’il parte (il avait 3 ans) et ce sont ses copines qui lui ont dit que ainsi, plus grand, il pourrait s’occuper d’elle. C’était une "réparation" inversée peut-être mais qui pouvait l’aider à se restaurer.

Que s’est-il passé pour qu’il puisse enfin évoquer ces moments passés avec elle remontant à plusieurs années ?

L’autre, un "pair", et l’appel du nom

Ce souvenir a émergé au moment décrit dans l’article précédent d’un premier "passage", sa proposition d’un message codé, chaque syllabe condensant un mot qui, une fois énoncé en clair, suscitait un ensemble de représentations personnelles. C’est ainsi que "JER" "U" "CP" renvoyait pour lui à "jouer au PC", (lieu où il rencontre ses copains et oublie de venir) et le souvenir s’est construit, "jer- ah oui, il y avait un jardin, le Jardin Germain",le reste a suivi : le jeu collectif, le copain privilégié qu’il va dessiner à côté de lui dans un dessin que je lui ai demandé, en me précisant qu’il n’arrêtait pas d’appeler ce copain par son nom....

-  Il avait donc situé en GSM sa première rencontre "ratée" avec l’écrit et situait maintenant sa rencontre du seul ami qu’il semble avoir eu, rencontre d’un autre...un "pair" avec un "nom", en lien avec le CP. L’école est bien le lieu d’apprentissage et de socialisation.

— La séparation

Compte tenu de mon investissement dans sa prise en charge, j’ai tenté d’être là... de répondre à ses besoins en quelque sorte. Tenant lieu de "Mère", prête à l’entendre, mais posant également des règles que le père n’arrivait pas à faire respecter, tenant bon malgré les problèmes de tout ordre, et avant tout, essayant de donner un sens à toutes ces "bêtises" qui mettaient en jeu des éléments de répétition.

Ma tolérance venait de mon interprétation de ses transgressions : il testait le cadre partout où il en rencontrait.

Je cherchais à comprendre les indices qu’il nous donnait ainsi, à son père, à ses enseignants et à moi-même, par ce que j’interprétais comme des actes manqués mais un jour où il avait encore oublié l’heure, trop c’est trop, nous avons coupé le cordon.
-  J’ai figuré ce cordon symbolique comme un lien élastique entre M (Manu*) et O (orthophoniste), segment de droite rectiligne au départ, qui pouvait s’étirer, et posé une limite à cette capacité en traçant un trait au milieu de la page. Je lui ai demandé de le dessiner, où il pensait se situer maintenant. Il a coupé la ligne. J’ai ressenti un grand soulagement et je pense que lui aussi : séparés nous pouvions nous regarder l’un l’autre et "communiquer" autrement.
C’était au moment de la rentrée. Il ne viendrait plus aussi souvent. Je serai "orthophoniste" et le travail serait fait à l’école.

Une énorme bêtise au moment du départ du père a provoqué mon intervention dans le réel d’une situation familiale qui devenait critique. J’ai du prendre la situation en main, le temps de mettre en place ce cadre familial qui lui manquait.

-  L’AUTONOMISATION

— Investissement : le matériel apporté

-  Les dessins

Il s’est impliqué selon des modalités différentes. Sa parole rapportait des "savoirs" sur la langue et sur le monde en discours rapporté. Nous discutions également de "croyances" religieuses et autres.
Le dessin a facilité l’entrée en jeu d’une expression plus personnelle. Je rappelle le travail sur les émotions, avec des dessins évocateurs de masques. Le travail du souvenir s’est libéré non seulement avec le dessin figuratif (distancié, car il ne ressemblait pas à ça) de son copain au moment de l’expression de son code "personnel", mais beaucoup plus tard, à la dernière rentrée dans un dessin réactualisant une partie des souvenirs évoqués précédemment comme le clown, et en lien étroit avec sa problématique, l’avion et la girafe.

Le contraste entre les deux est important et se manifeste particulièrement dans le choix des couleurs et le trait des contours appuyés au lieu de l’esquisse du paysage du premier. Les éléments sont comme plaqués sur la feuille et bien sûr il ne veut pas en parler autrement que pour l’associer à la peur, enfant, pour la girafe, et sa peur dans l’avion pendant le voyage chez une tante en Italie (épisode régressif des vacances). Pour le clown, il décrit une sorte d’image récurrente qui surgit devant ses yeux, défile même. Tout passe devant ses yeux, avant il le voyait... Je crains une hallucination et je lui suggère que si cette image passe comme ça c’est qu’elle s’en va. Il me précisera, lorsque nous reviendrons sur ces images les séances suivantes, qu’on lui a appris à se fabriquer des images pour se rappeler. Comment interpréter ce clown qui lui a permis également de se rappeler des carrés pour les tables de multiplication ?
Ces dessins vont se trouver à la base de mon travail "interprétatif" par rapport à l’élaboration de son histoire. Ce n’est que dans cet article que j’ai fait le lien avec sa position de clown du début de son apprentissage de l’écrit !

-  Les "Bêtises" selon le père

Lorsqu’on le "forçait", lui qui avait choisi de ne pas répondre (cf. son agression et sa fugue de l’année précédente), il entrait dans le cercle vicieux des mensonges.
Le père était une mère nourricière qui l’alimentait en lui achetant tout... puits sans fond de ses besoins (il perdait, oubliait tout) mais Manu* ne pouvait se satisfaire du système d’argent de poche mis en place à ma demande pour freiner les disparitions de sommes d’argent...

Il y avait eu les toilettes souillées chez sa tante en Italie et la disparition du portefeuille paternel au moment où son père allait partir pour un mois, en janvier, le laissant "seul".
Mon travail a consisté à souligner la valeur d’appel de tels gestes auprès du père qui menaçait de le renvoyer au pays... D’où le conseil de famille...

— Mise en place de stratégies "personnelles"

Il garde la main, n’oublie plus de venir, tout semble "tenir". Il s’autonomise et s’il est prêt à s’entraîner sur l’ordinateur, il tient encore à "ses" trucs, tout en ayant besoin de ma présence à ses côtés pour s’assurer dans les exercices.

NDLR : l’article est très long et il ne passe plus, il y aura sûrement une suite... notamment du point de vue de la communication, la fonction des quiproquos, et à l’égard de la mémoire, une réflexion sur la part de la motivation sur son fonctionnement, celle d’un fonctionnement associatif en particulier par des images...


[1] En complément d’une réponse sur le type d’évaluation que nous pouvons avoir en pratique libérale par rapport à celle d’un centre référent,

[2] comme orthophoniste et dyslexique...

[3] Nous avons fait un conseil de famille restreint à ceux avec qui il lui arrive de "parler" car il ne répond pas aux questions et se retranche dans le mutisme, ne pouvant s’expliquer sur des actes à valeur symbolique certes mais inacceptables, le 1er janvier au soir, avant le départ de son père, absence annuelle d’1 mois, le laissant avec sa belle-mère (relation problématique récemment rompue). Nous en avons fait un autre au retour du père et tout s’était bien passé en son absence

[4] Ce terme s’impose à moi dans cet écrit du fait de son attitude corporelle lorsqu’il retourne en arrière pour l’évoquer. C’est comme s’il avait des choses honteuses à avouer. Cependant ce n’est pas à propos de ses « bêtises » qu’il se confie alors, mais de son échec à l’apprentissage. Ce serait une indication sur le vécu qu’il en a eu

[5] Voilà qui éclaire non seulement ses rires défensifs mais un dessin de la fin de cet été que j’ai interprété intuitivement comme régressif. Il y avait dessiné un clown, un avion (pour aller en Italie où il a fait une grosse bêtise en laissant des traces dans les toilettes) et une girafe (de celles qu’on donne aux bébés), avec des couleurs criardes pour le clown, ensemble d’indices qui s’organisent avec cette nouvelle donnée et relèvent d’une interprétation dans un registre psycho-affectif.

[6] Je m’étais retrouvée avec la planification du rattrapage pour les autres matières, histoire/géo, le classeur de SVT (Sciences de la Vie et de la Terre.) qu’il a mis à jour avec un copain venu chez lui le premier W-E, sa demi-sœur, dans le conseil également s’était chargée de vérifier le lexique de leur poster, son compagnon les maths...

[7] Je retrouvais nos discussions sur l’ambiguité introduite par ses majuscules R/N par exemple perturbant l’identification des mots écrits mais surtout ce qui s’était passé il y a un peu plus d’un an, en 6e, quand il avait accepté l’écriture liée, sans s’en servir pour autant dans le cadre scolaire

[8] Un an avant, nous y étions parvenus également dans le cadre de la prise en charge, mais cela n’avait pas tenu dans le cadre de l’école, il y avait eu un compromis. Cependant, à défaut de l’avoir appliquée, il avait la technique et l’a retrouvée facilement lorsque son oncle le lui a imposé.

[9] Manu* nous, son père et moi principalement, il nous avait contraints à nous méfier de lui..

[10] Il est évident que je n’ai pas manqué de le souligner à maintes reprises, mais ce qui importe c’est qu’il se le soit approprié dans une situation que je n’aurais jamais imaginée, bien que en continuité avec les supports antistress variés qu’ils peuvent manipuler.

[11] Le fait de ne pas être joignable est effectivement saturé de sens dans notre relation, il va devoir y penser tout seul. Je n’insiste pas davantage sur son interprétation : il mène le jeu.

[12] Ce qui n’est pas sans évoquer pour moi la distinction de Bruner entre deux modes de pensée : une forme de pensée narrative/descriptive et une autre forme de pensée paradigmatique/hypothético-déductive. C’est aussi la façon dont j’écris ces articles..

[13] Madame Borel a vraiment été sensationnelle pour le faire passer ! Il s’agit d’un tableau de rééducation qui présente spatialement les terminaisons des verbes aux temps simples de l’indicatif, en les faisant correspondre aux temps composés : présent/passé-composé, imparfait/plus que parfait etc... Les auxiliaires avoir et être, dans le V du verbe coupé en deux, sont différenciés par la couleur (avoir=rouge, être=jaune, comme ils figurent dans le tableau de la phrase, de même que le 1er groupe (verbes rouges) opposé à tous les autres, verbes bleus.

[14] Il a déjà choisi l’espagnol comme seconde langue pour la 4e.


Dans la même rubrique :
1 - Les chemins de la mémoire
2 - Oublier pour retenir
2 - Oublier pour retenir (suite)
3 - Un passage ? Manu*
5 - Ultime résistance ? Manu*
6 - Construire le temps de l’autre Manu*
7 - Il y a un temps pour tout (Manu*)
8 - Le parcours de Laure (de la lettre au son)




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