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De la lettre au son
CONFLIT D’APPRENTISSAGE
mercredi 26 août 2009, par J Zwobada Rosel


Où en sont Laure (2e CE1) et Youcef (Seconde technique) dans leur difficulté à mettre en jeu le canal auditif dans leur relation à l’autre et à l’écrit, deux ans plus tard ? A quoi peut-on rapporter les erreurs de différenciation sourdes-sonores qui persistent ? En quoi un entraînement technique ciblé n’a-t-il pu suffire ?...

 [1]

Où situer les résistances ?

♦ Psy et dépendance

● "EXISTER" POUR LAURE

-  L’approche par le corps
Cette petite fille qui remuait sans cesse, occupait l’espace d’une parole déformée, n’écoutant rien de ce qu’on lui disait, emprise dans ses propres pistes... s’est posée en trouvant son centre de gravité sur le gros ballon, avec quelques mouvements de yoga des animaux qui ont pris le relai des séances de psycho-motricité avec Tom pour faciliter l’écriture, versant graphisme. Elle a fini par aller y rechercher son équilibre quand elle s’en sentait le besoin... De même, l’évocation gestuelle des rebonds du ballon l’aide à sonoriser les consonnes qu’elle assourdit encore parfois...

-  Le travail indirect : autres modes d’expression
Il y a eu l’évolution de ses dessins qui m’a permis de situer une partie de son problème au sein de sa famille.
Parallèlement, Laure a pris du plaisir à jouer avec des supports de jeu symbolique (marionnettes, puis scéno-test).

-  L’approche du contexte de vie
Le "travail" avec la famille est passé à la fois par une sorte de "guidance parentale", en faisant participer mère et père à certaines séances [2], et un entretien familial pour essayer de donner une chance de s’exprimer à chacun dans le cadre du conflit entretenu par le mode de participation du père à la communauté familiale [3] .

La suite de la prise en charge permet de formuler des hypothèses sur la mémoire et sur les difficultés rencontrées (24/06/11).

● "S’ORGANISER" POUR YOUCEF

La hiérarchisation des priorités semble au cœur des difficultés de gestion du temps que rencontre Youcef. Il vit dans l’instant... et ne réalise pas qu’il est ainsi dépendant [4]... et passe son temps à laisser s’effacer ce qu’il dit avoir appris.

-  Comment apprend-il ?

Je n’arrive pas à comprendre comment il s’y est pris pour apprendre ?

-  Que se passait-il dans un contexte scolaire ?
Son professeur de 5e lui donnait les dictées à l’avance, il les apprenait et pouvait ainsi avoir une note positive le jour du DST (devoirs sur table) et répondre aux questions. Mais il n’en restait rien ensuite.
Comment a-t-il réussi en 3e les devoirs faits à la maison ?
Il a cherché des idées en lui, cherché comment écrire les mots que le prof attendait, demandé autour de lui et a réussi.

Mais sa production spontanée restait et reste encore limitée et banale. Il ne prend pas de risque car il continue à "penser" que "écrire, c’est ne pas faire de fautes !" Il le précise dans son témoignage "Youcef et la langue écrite".

-  Comme dans toute prise en charge de DL j’ai cherché pour lui à développer ce qui entre en jeu dans l’acquisition de l’écrit. Mon erreur a sûrement été de considérer son âge et son niveau scolaire. Si je suis repartie de la base, j’ai pensé qu’on pouvait aller plus vite, ne pas tout reprendre à zéro de ce qu’on appelait les pré-recquis, au programme de la maternelle, considérant qu’il devait avoir, à la différence des non-lecteurs, le cadre cognitif nécessaire à l’apprentissage [5].

-  Un calepin visuel ?.

Pour les enfants qui n’arrivent pas à fixer un lexique de base pour l’utiliser de façon automatique, j’utilise quelques stratégies classiques reposant sur la construction des mots à partir de leur décomposition/recomposition en mots de la même famille, le repérage de mots connus dans le découpage syllabique, le rappel des règles de lecture et les séries verticales qui permettent de faire correspondre les parties communes. Les enfants sont souvent intéressés, ils jouent avec comme avec un puzzle, nous les découpons, recollons, ils se trouvent repris dans des exercices ou des jeux sur ordinateur...

Avec Youcef, compte tenu de son âge et de son niveau scolaire, j’ai privilégié l’utilisation directe de l’écrit et un questionnement métalinguistique, voire métacognitif, en essayant de l’amener à une prise de conscience du fonctionnement de la langue, de son propre fonctionnement mental (ses stratégies d’acquisition).
Nous avons également inscrit sur un carnet tout le lexique indispensable à mémoriser pour se libérer du passage par la correspondance phonémique qui implique de choisir dans les variations graphiques celle qui correspond à tel ou tel mot (cf. toutes les façons d’écrire l’archiphonème /E/ prononcé é ou è selon les contextes phonétiques), les homonymes etc...
Je lui avais proposé alors de travailler avec un logiciel d’apprentissage pour tout revoir, diaporama de mots de "Furi" dans une "série" de graphies..., image avec ou sans son, qu’il pouvait écrire avec ou sans modèle, pour s’exercer, dans une case du logiciel. Mais quand on arrivait à l’étape de dicter ces mots, quelques jours plus tard, il se trompait toujours en les écrivant, car il ne pouvait connecter ce travail analytique sur un son avec celui sur un autre son, pour écrire un mot qui comportait deux difficultés d’identification / sélection pour lui. C’était comme s’il rencontrait ce mot pour la première fois.
Lorsqu’il faisait une erreur dans un exercice écrit, nous la reprenions souvent dans une "série", technique que j’avais instaurée dès le départ, sans réaliser que si je la menais, il restait dans une attitude passive, de dépendance, incapable de la construire lui-même, malgré l’entraînement et les facilitations utilisés (amorce phonique, contexte significatif par exemple), lorsque je lui passais la main pour me la dicter par exemple.

Il aurait préféré, lorsque je lui expose une méthode qui fait apprendre et réciter d’immenses listes de mots, que je lui donne des listes à apprendre [6], mais je lui fais remarquer qu’il n’a jamais appris celles que nous avions construites dans le contexte de notre travail, sur les carnets correspondants, il n’a appris que pour l’école et ne sait pas retrouver ce qu’il a ainsi appris !

-  Les difficultés d’évocation

Les premières séries que nos avions faites portaient sur les mots en -eur, puis en -tion, et j’ai du passer aux séries de mots grammaticaux, paradigmatiques comme les possessifs, dictés d’abord, et même ensuite car il a trop de mal à retrouver ces mots, même dans une phrase à trou, pour faciliter leur remémoration par le contexte.

Ces deux entrées, développement d’un lexique automatisé et capacité de rappel, se révèlent de fait essentielles pour permettre l’autonomisation dans la langue, et, dans le cas de Youcef, vont de pair avec sa résistance à sortir d’une relation de dépendance.
Ce n’est pas seulement le fait d’une saisie approximative du mot [7]qui empêche l’opération de décontextualisation des unités qui constituent le mot, et leur recontextualisation dans de nouvelles unités ainsi créées/trouvées (Winnicott) qui constituent de nouveaux mots, mais la position de dépendance de Youcef à un cadre qui régit son temps et ses activités, contexte familial, contexte social du groupe de jeunes encadrés par des moniteurs pour différentes activités, de l’école qui a programmé le temps d’apprendre la leçon de vocabulaire et programme pour lui maintenant le temps où il faudra se mettre à rechercher un stage...

-  Le rapport au contexte

Le rapport au temps
-  Pour apprendre et retenir afin de se servir de ce qu’il apprend, il faudrait que Youcef puisse s’accepter dans sa différence, au lieu de se couler dans une norme sociale correspondant à chaque lieu et temps de sa propre existence, à ses règles, dans ce qu’il pense être l’attente de l’autre, le désir de s’y fondre, de ne pas attirer le regard.

La résistance au changement
Il résiste au travail proposé qui lui impose un effort différent en l’obligeant à se séparer du sentiment de sécurité que lui apportent ces différents cadres.
Pour parvenir à écrire seul, il lui faudrait intérioriser ce qu’il va chercher à l’extérieur, en existant comme sujet autonome, changer sa façon d’être en relation à l’autre, s’affirmer déjà dans son expression, sa parole tout aussi brouillée (voix et articulation) que son écriture (forme des lettres). Ses professeurs arrivent bien à le déchiffrer, je n’ai qu’à faire pareil au lieu de lui rabâcher qu’on parle pour que l’autre puisse comprendre, on écrit pour que l’autre puisse nous lire. Ce n’est donc pas "son" problème !

D’un point de vue existentiel, dans son mode de relation à l’autre, Youcef n’aurait pas construit le temps de l’autre, et se situerait ainsi dans l’instant tout comme Manu*, sans intégrer les techniques de gestion mentale que nous avons expérimentées également. Il les "voit" de l’extérieur mais n’en fait rien [8]. Tout comme il oublie les mots qu’il a construit dans des "séries". Ce savoir sur lui et son fonctionnement, issu d’explications, schématisations etc. dans des discussions, ne change rien. D’un point de vue cognitif, il n’arriverait pas à se programmer pour mémoriser ce qu’il serait important de faire passer en mémoire à long terme (susceptible d’être rappelé). Il oublie, comme s’il voulait faire de la place, explication que m’a apportée Manu*, effaçant les leçons apprise pour être récitées, ce qui souligne la surcharge cognitive mobilisée pour retenir et les affects associés à l’effort dont ces dyslexiques voudraient se libérer.

♦ Mémoire

Attention et investissement de la tâche, mémoire immédiate et mémoire de travail, différentes entrées perceptivo-motrices, actualisation d’un savoir métalinguistique, mise en relation de tous ces éléments d’inventaire, si Laure y parvient de mieux en mieux, après des débuts plus que difficiles, cela reste plus que problématique pour Youcef.

-  Représentation et expression en question

Nous avions lu, commenté l’article où je mettais en évidence la dépendance de Youcef à sa mère. Nous avions reconstruit le schéma de la parole, de l’écrit pour expliquer les mots utilisés (article détaillé). Il y avait bien eu un effet choc, mais le temps restait le temps de l’autre, il disait comprendre mais aussi ne pas comprendre, conscient que quelque chose d’important lui échappait. Il savait... ce que je reformulais en -croyait savoir-.
Comment contourner cette résistance à changer les modalités de son expression et de ses représentations ?

-  Le déclic ? Entrées pour le "lâcher prise"

J’avais cru que ce moment tant attendu était arrivé en début d’année scolaire, mais il n’en était rien. Il n’investissait toujours pas les séances comme un lieu d’apprentissage, se contentant d’être là dans l’instant et de participer, à sa manière, consciencieusement, mais sans lendemain.

— De "Programmer"

-  L’écrire
Dans une discussion, je reviens, une fois de plus sur notre parcours mais en partant cette fois de son Brevet des Collèges qu’il avait échoué. Je lui pose plusieurs questions sur ce qui s’est passé pendant le tiers temps pour la dictée (moins de fautes selon son professeur) : il reprend alors en le reformulant une bonne partie du programme sur lequel nous avions travaillé pour la relecture.
-  Son mode d’emploi de "corriger"
Fautes de sons :
"dire les 2 sons qui peuvent convenir dans ma tête pour prendre le bon". Il le "récite en quelque sorte mais peut-il l’appliquer ?
Fautes de terminaisons : "à la fin du mot"
"essayer de trouver qui est pas de la même famille mais qui se rapproche le plus." Il ne récite plus mais le reformule dans un amalgame que j’explicite en qualifiant ces fautes de fautes d’usage et en les rapportant aux deux entrées (forme/sens).
fautes de conjugaison. "Bien faire s’il est plusieurs ou tout seul, à la fin..." Je poursuis : et encore ? "si c’est moi ou eux ou lui". Il a déplacé la question car sa réponse concernerait plutôt une narration, nouvel amalgame...
-  Quand il pense "faute", il en revient toujours aux mots, escamotant le temps et la syntaxe.

-  Apprendre et retenir
J’avais préparé une fiche de contrôle de sa façon d’apprendre pour qu’il puisse évaluer ses progrès depuis 2 ans dans ce type d’approche [9].
-  Gérer ses processus d’apprentissage
3 entrées sur 7 ont changé en 2 ans :
Il a augmenté son score passant de 50% à 75% pour "l’explorateur" intégrant ce que je peux me dire pour mieux me souvenir : est-ce que je peux regarder, dire, écouter d’une autre façon, à quel moment j’aurai besoin de ce que je suis en train d’apprendre et je suis créatif, la différence portant sur l’acceptation d’un changement.
Il a diminué son score pour "menuisier" : je fais ce que j’ai convenu de faire, passant de 90% à 70% et serait ainsi moins "soumis" à une contrainte, sans remise en question possible.
Également pour "architecte" passant de 65% à 45% : faute de répondre à comment faire pour m’en souvenir, plus précisément en construisant des réseaux, des schémas... qui sont bien à la base de l’efficacité d’une mémoire "intellectuelle".
Il a les mêmes résultats moyens pour "détective", "contrôleur" et "arbitre" et reste à 35% pour "Bibliothécaire", toujours aussi incapable de se poser la question "qu’est-ce que j’ai déjà vu, entendu, fait" et "j’utilise mon calepin mental", ne pouvant avoir accès au peu qu’il aurait "appris".
Nous interprétons sur ces bases certaines de ses réponses, soulignant les aspects positifs de son évolution.

— A "se programmer"

Il dit toujours que c’est OK, mais il me semble encore très "dépendant".
Tout d’un coup je me souviens d’une expérience que je faisais réaliser aux enfants et que je ne lui ai pas proposée encore :
-  dans un premier temps je lui demande de se lever puis de s’asseoir
-  puis je lui demande de se lever à nouveau et de ne se rasseoir que quand il se sera dit de le faire au lieu de se laisser porter par ma voix, reprendre à son compte "l’ordre" que je lui donne.
-  Je commente ce dernier point en le mettant en lien avec ce manque d’autonomie analysé dans l’article qu’il a lu... et l’effet de miroir de ce regard extérieur sur sa relation de dépendance à sa mère. Il a vraiment ressenti la différence lorsqu’elle est passée par son corps... il a compris ce que peut signifier "se" programmer.

— "S’exprimer"

Il s’agit là aussi de revenir à son corps, dans son problème d’expression, à la voix, car le plus souvent elle redevient inaudible, et son propos incompréhensible.

— Nous abordons ce problème avec le support d’un livre qu’il veut bien lire à haute voix.
Le travail sur les composantes même de la voix, respiration, souffle, modulations de la hauteur et de l’intensité avait donné lieu à de nombreux exercices avec schémas et explications, des reprises périodiques, mais ce n’est que tout dernièrement qu’il s’est intéressé à ce livre sur la voix présentée aux enfants, avec de nombreuses illustrations [10].
J’ai discuté avec lui du fait qu’il n’était peut-être pas prêt jusque là à accepter de travailler sur un tel support, de suivre pas à pas ce qu’on lui demandait de réaliser, d’accepter de le reformuler périodiquement car il oublie sans cesse.
La lecture reste difficile car il s’appuie sur une reconnaissance partielle d’une difficulté du mot, et la fréquence d’occurrence de mots qui lui ressemblent pour ne pas avoir à "lire" le mot problématique.

— Nous entrecoupons cette lecture laborieuse des premières pages (une par séance !) par celle d’un ppt intitulé "D.A.D.A." centré sur le fonctionnement de la mémoire des quadragénaires et des quinquagénaires. Je le lui ai proposé en réponse à son oubli de ses documents de travail, une fois de plus.
Ce support nous a permis de reprendre le fonctionnement de l’implicite : essayer de deviner la suite, en repérant les indices tout en travaillant les mots difficiles. Il a compris ses erreurs.
Ce support est beaucoup plus ludique pour cet âge et adapté à ses difficultés de mémorisation que les documents de travail que j’avais utilisés jusque là. Il y a même de petites animations qui rappellent les mots clés... Il permet un vrai travail de construction du sens dans l’anticipation de l’enchaînement des situations... impliquant un travail de récapitulation.

— Nous reprenons alors la quatrième de couverture du livre qui synthétise ce que nous avions lu dans les premières pages. Sa voix est là, le sens va arriver aussi.

A l’occasion de sa première erreur de lecture, "se baignent" pour "se plaignent"nous reprenons ce qui lui pose problème dans sa stratégie de lecture. Pourquoi s’est-il trompé ? Il l’exprime à sa façon : "c’est un mot dur" et explique "il se prononce à peu près pareil". Il ajoute alors "je ne l’ai pas souvent vu et entendu". Le singulier souligne la paire. Il est bien entré dans le métacognitif.
Je saute sur cette nouvelle disponibilité et essaie d’établir un pont entre cette approche et les démarches proposées jusqu’alors (référence au tableau qu’il ne faisait que "voir" et oubliait). Je lui demandant de retrouver les lettres qui lui posent problème. Nous levons le blocage inévitable, absence de réponse à une question aussi directe, en reprenant l’analyse de sa première erreur.
Il a le plus grand mal à retrouver le p et le b car il est obnubilé par ce qu’ils ont en commun, le gn qui a suscité la fausse reconnaissance, et entend pl et bl...
Dans la foulée, en le mettant en relation avec les éléments que lui apporte sa lecture, nous reconstruisons le tableau, mentalement, sur la base d’indications de points d’articulation, il s’essaie, les trouve...
Comme la photocopie est de mauvaise qualité, il manque un ou deux caractères en début de ligne, il me demande de l’aider la première fois qu’il n’identifie pas un mot, puis essaie (et réussit) pour les autres lignes. Il y a beaucoup moins de mots pour d’autres, car il découvre enfin par lui-même, en continuité avec le travail sur le ppt, que pour ne pas se laisser piéger du fait de ses stratégies pour "deviner" au lieu de lire, il peut recourir à la syllabation (enfin acceptée), et qu’il fallait se servir du SENS.
Il est vraiment devenu lecteur, les mots ne sont plus escamotés même s’il les cherche parfois...

Deux parcours

Pour l’un comme pour l’autre il a fallu passer par le corps et travailler sur les contextes de vie. D’âge différent, l’approche n’a pu être la même, car il n’était pas possible de faire intervenir une guidance parentale pour Youcef, ni de lui permettre de "changer" par le jeu sur un autre matériel que la langue.

Une approche psychomotrice a permis à Laure de prendre conscience de son existence corporelle et de dépasser les problèmes d’expression orale qu’elle présentait au début de la prise en charge.
Pour Youcef, ce passage ne s’est fait que tout dernièrement, lorsqu’il a commencé à travailler sur sa voix à partir d’un livre illustré pour des enfants.
Il a alors tout redécouvert sur le circuit de la parole, en le lisant à haute voix, tout en améliorant ses stratégies de lecture.

Youcef a ainsi enfin reconstruit lui-même les paires minimales des oppositions sourdes sonores, à partir de la correction d’une erreur sur p/b, il reconstruit les autres par leur articulation, guidé par l’évocation des lignes, avec leur dessin de la bouche, la position de la langue. De son point de vue, la différence f/v reste la plus difficile à réaliser, même si les autres sont encore incertaines du fait des variations contextuelles des c/g, et du s. Cela s’est passé dans un dialogue à 3 : mes questions, le livre et lui. Un vrai dialogue. Il se souviendra peut-être du tableau à la prochaîne séance [11] et continuera à poser sa voix.

L’évolution de Laure et de Youcef semblent leur avoir permis d’arriver à connecter le voir et l’entendre pour "lire", construire du sens, même s’il leur faut encore parfois se reprendre en "déchiffrant" certains mots. Ils lisent autrement.

NDLR
Pour discuter cet article, demander des précisions vous pouvez vous rendre à l’article "Des Pénélopes de l’apprendre" sur le blog de SOS


[1] Deux articles complémentaires donneront le détail de ce que cet article tente d’analyser de la résistance au changement de Laure et Youcef.

[2] guidance technique sur comment lui faire apprendre (le travail du soir), jouer ensemble, dans une relation où les parents peuvent parler d’eux-mêmes le cas échéant (deuil de sa mère pour la mère, enfance d’un père, fils de militaire)

[3] S’il a été heureux de pouvoir parler de lui-même au cours d’une séance, entendre quelques remarques sur ses relations à sa fille, il continue à mener sa vie sans trop tenir compte des autres.

[4] Un premier article, centré sur "entendre les consonnes" avait souligné l’importance de la relation à la mère et illustré ce que j’appelle "Les Pénélopes de l’apprendre"... Cet article reprend les co,nfusions qui persistent en interrogeant les processus en jeu.

[5] Avec ces derniers nous avions effectivement tout repris, y compris pour certains le fonctionnement d’un tableau à double entrée !

[6] J’imagine que le fait d’apprendre lui procure un certain sentiment de sécurité.

[7] Ses nombreuses paralexies signent bien une appréhension visuelle de dyslexique.

[8] J’insiste sur la différence entre "voir" et "percevoir" comme si la mémoire structurait ce qu’on voit d’une autre façon qu’une simple reconnaissance intuitive de ce qu’on a vu.

[9] Nous revenions souvent à la figuration proposée des fonctions cognitives impliquées dans le fait d’apprendre. cf. Pour apprendre à mieux penser de Pierre-Paul Gagné, Chenelière éducation p.68

[10] Jean Perrier "Vox thérapie" Retz 1985

[11] Hélas, il commence à travailler, a ses cours de conduite et va reprendre le lycée et la boxe. Je risque de ne pas le voir souvent.


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