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Dyslexie
Lecture et compréhension
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Festival de l’audiovisuel et des technologies nouvelles en Orthophonie - Nancy
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5 . Premier entretien et témoignage
DE L’ORAL À L’ÉCRIT
lundi 22 septembre 2008, par J Zwobada Rosel


Sonia consulte en orthophonie, consciente de ses difficultés à écrire. Elle est d’origine maghrébine et bilingue arabe-français. Elle est passée par l’université (DEA), vacations, a renoncé à poursuivre et vient de trouver un emploi qui semble lui convenir.

Témoignage d’une dyslexique adulte Sonia (extraits)

Témoignage Sonia
Témoignage Sonia

Ce texte a été rédigé au cours de l’entretien qui suit que je segmente pour en guider la lecture. Je ferai référence à l’index de l’écrit (colonne à droite) dans cette segmentation et retrouve ce qui caractérise une approche phénoménologique de la dyslexie [1].

Sonia (extraits du 1er entretien [2])

(...)

Comment retenir des textes ? (3-4-5 [3])

S - Oui, pas tout le temps, mais euh, en fait j’avais fait un système pour retenir, des systèmes de codes où je devais, donc par exemple un texte, je devais le réduire en deux lignes par un système de code, je synthétisais un texte en paragraphes, le paragraphe en phrases, phrase en mots et ces mots là déclenchaient automatiquement la phrase
O - La phrase,
Et la phrase
Et vous remontiez à l’envers !
Tout à fait, voilà ! Absolument

(...) [4]

-  2) Le monde du travail

Ses perspectives d’avenir (13)

Oui, oui, j’étais, j’étais
 ? ? ? ?
mais là je suis, vous savez, j’ai été
Vous n’étiez pas chez vous ?
Oui, j’ai du passé une dizaine d’entretiens qui étaient sur plusieurs rendez-vous, avec des tests de logique etc. [5], j’étais prise tout ce temps là et là je viens de décrocher quelque chose [6],...

(....)

-  3) Le rapport à la langue : la demande

La demande : l’orthographe en français(8 9) (12)

Si, si, si, ah, non, non, j’y tiens. J’y tiens parce que, euh par exemple rien qu’hier j’étais sur l’écran pour faire mes, pour aller voir mes comptes rendus et j’avais vu de ces fautes et il n’y a pas de correcteur d’orthographe sur l’ordinateur de la société. Alors là, j’étais là, j’étais alors, j’ai fait déjà un système, euh j’écris tous les comptes rendus en majuscule, ce qui m’évite les fautes d’accent etc, etc, d’accord, d’accord au participe de passé et d’accent, mais même les comptes rendus en majuscule il y a des problèmes, alors il va falloir que je, que je m’y mette cette semaine

(...)

La prise de conscience du diagnostic : grâce à la télé (1)

Je viens de commencer l’anglais, non à l’écrit, ben j’avais 15/20, 14/20, j’arrivais pas à avoir le 20/20 que j’avais à l’oral. Alors, c’était, ah, pour moi, j’ai dit... et le déclic a commencé comme ça, en passant des entretiens, en faisant des lettres de motivation, j’avais envoyé une lettre de motivation à une copine qui, qui m’a, qui m’a téléphoné en urgence, en disant, « à chaque phrase, il y a deux, deux fautes Sonia, à chaque phrase il y a deux fautes, tu te rends compte », j’ai dit non,..., non, honnêtement je ne m’en rends pas compte. « Ah ! bon, bon, d’accord ». Et là, j’ai vu une émission sur la télé, sur la 7 sur la dyslexie et là j’ai dit euh, ça
 ? ? ? ? ?
Ah ! oui, oui, ç’a déclenché un automatisme, en disant,
 ? ? ? ?
Ah ! oui, oui en me disant euh, je crois euh, je crois euh

(...)

-  5) Mise en application [7]

Confirmation de son mode de pensée

Donc vous vous partez de la fin, d’habitude
Toujours
On arrive, bien oui, mais ça c’est typiquement dyslexique et après, c’est ça que l’on va apprendre à faire, c’est que vous prenez votre intuition
Du départ
Qui est du départ, vous la mettez à la fin
D’accord
Vous reconstruisez en argumentant
Hum, hum
A vous-même pour retrouver le point de départ de votre argumentation ou de la question etc, etc
D’accord
Donc vous allez à l’envers et ensuite pour le présenter, vous repartez dans le sens de tout le monde
Ouais
Ça c’est un mode de pensée particulier, qu’ont les dyslexiques puis d’autres aussi, mais enfin, pour les dyslexiques c’est complètement invalidant au niveau de l’expression écrite

(...)

-  6) Évaluation

Des expériences partagées

Oui, c’est ça, mais
Elle ne comprenait pas
C’est le mystère, c’est le mystère
Elle ne comprenait pas pourquoi elle ne faisait pas comme les autres, et pourquoi justement elle faisait des choses à l’envers, toujours,.
Mais elle les faisait quand même, n’empêche que les choses étaient faites
Oui ,
Vous comprenez
Sauf que, quand elle écrivait un article, elle était toujours obligée de réécrire son paragraphe, ça c’est une amie qui
Qui la corrigeait
Qui lui a dit « mais si tu mettais ta dernière phrase au début »
Oui, moi aussi c’était une copine
Alors pour l’écrit, elle lui a dit ça, donc pour écrire, avec le temps d’effacer, de retourner, maintenant chaque fois qu’elle écrit quelque chose, elle le reprend à l’envers. _Mais, mais, mais, mais on perd un temps

(...)

Le temps et l’énergie : enseignante (12)

C’est extraordinaire, vous savez moi, j’ai enseigné, j’ai enseigné en faculté, et j’avais mes collègues qui me disaient, bon on avait des thèmes et j’avais des collègues qui me disaient « oh moi cela sera fait, deux heures, euh ouf cela sera fait et tout » et moi je me rendais compte que je passais deux jours en bibliothèque, alors, moi je leur disais, oui moi, moi j’ai travaillé deux jours, « ah bon, deux jours, mais c’est une thèse, ce n’est plus une conférence. Qu’est-ce que tu as fait ? », j’ai dit, j’ai travaillé normalement, ils ont vu que je travaillais à mon rythme, mais j’y passais euh deux jours entiers à la bibliothèque. Et mes collègues ils en avaient pour deux, trois heures, pas plus. Ils avaient les références, les auteurs, les références, ils construisaient leur plan, ensuite ils argumentaient leur plan, moi, il fallait que je reprenne les auteurs, ensuite que je transforme, donc je
(...)

Vous savez quoi, ce que vous repreniez dans les auteurs, mon informatrice a découvert récemment que quand elle rédige, ce que
Quelque chose, oui, oui
c’est comme ça qu’elle est obligée de faire, elle va chercher les formulations
Et oui tout à fait, ...les phrases.

(....)

-  8) Les modes relationnels : le quiproquo dans la relation à l’autre (7)

Le copain

Ah oui, tout à fait, oui, ça, ça, ça oui ça m’est complètement, c’est tout à fait vrai, parce que c’est une expérience que j’ai vécue avec euh mon copain, qui euh oui au bout d’un moment disait euh que je voulais absolument et tout diriger et surtout prendre le le
Tout maîtriser
la le pouvoir sur tout
Voilà
etc, alors que moi, alors que moi, alors que moi pas du tout
Voilà, voilà
Non, je suis quelqu’un vraiment je partagerai d’abord, je je ne suis pas quelqu’un qui voudrait avoir du pouvoir, j’en ai que faire
Votre pouvoir à vous il est ailleurs,
Non, non, non et donc ben finalement on a cassé à cause de ça, parce qu’il pensait que je dirigeais tout et que je dirigeais surtout sa vie. Alors je lui ai expliqué mainte et mainte fois que je ne dirigeais la vie de personne, qu’il pouvait faire tout ce qu’il voulait etc
Vous saviez d’avance ce .qu’il allait faire
Exactement, alors il allait à un entre, il allait à un entretien, je lui disais euh ça ne va pas marcher, parce que voilà, tu l’as préparé comme ça, comme ça, ça n’ira pas, euh, il euh des fois je prévoyais à l’avance des choses sur des mois et des mois dans sa vie privée et après il me disait, « oui c’est vrai, comment tu l’as su ? et tout et tout », ben j’ai dit bien oui c’est évident parce que moi je vois direct le résultat, avant même que toi tu n’en ais fait l’expérience de ce résultat
Voyez le mode de pensée
Voilà, alors il me dit « oui, tu es quoi tu es le bon dieu, alors, puisque tu vois les choses à l’avance, c’est impossible, attends, c’est affolant Sonia » je lui dis non ce n’est pas affolant, parce que moi, quand tu m’expliques quelle situation, je t’écoute et je t’entends, je ne fais pas que t’entendre, mais je t’écoute aussi, donc moi dans ma tête il y a un petit truc, il y a une petite alchimie
Il y a tous les mots clés
Voilà,
Dans ce que vous dites

Le pouvoir du dyslexique

Il y a toute une alchimie, il y a le résultat, l’aboutissement, je vois tout, c’est comme une calculatrice, je vois tout mais je te dis voilà, si tu fais comme ça, tu vas arriver comme ça, tu, quand même, je voudrais quand même, que si cela t’arrive, comme je te l’ai dit que tu me téléphones et que tu me dises effectivement cela c’est passé comme je t’ai dit, et ben ce n’est pas une, c’est pas deux, c’est pas trois, c’est pas quatre situations il me téléphone et il me dit comme tu as dit, « ça c’est passé comme tu as dit » (...)

(Introduction d’une approche plus psychologique)

Tout à fait ah, c’est ça exactement, il se sentait dépossédé de sa personne, de tout en fait
De tout
De tout, je voulais diriger, la
Ça s’appelle une relation d’emprise
D’accord
Et c’est insupportable pour les autres et ça explique qu’on n’arrive pas à mener au bout des relations
Tout à fait
Etc. tant que l’on n’a pas pris conscience de
Tout à fait, écoutez le week-end dernier, je suis partie faire du bricolage chez une copine
Hum

La copine

Je me propose, je viens, ça fait rien, je viens passer le week-end avec toi, sachant que cela fait des week-ends et des week-ends que je fais du bricolage. Donc j’arrive chez elle, elle me dit voilà, voilà le matériel, il y a chignole, y a le clou etc etc. Donc elle me dit « voilà fait comme ça », je lui dis mais écoute d’après ce que tu me donnes, c’est pas comme ça, je peux peut-être me tromper, « non mais comment tu n’as pas vu la Tu n’as pas lu la notice sûrement pas

Éviter de lire

Tu n’as pas lu le mode d’emploi, tu commences à aller euh tu commence à aller trop vite etc. Je dis : écoutes je t’ai dit quelque chose, moi je t’ai dit c’est pas comme ça. Si tu veux on commence à faire les trous et tout, mais je t’avertis si ça ne rentre pas tu reboucheras les trous, tu, tu te débrouilleras. Donc je fais le travail et tout et tout, j’ai lu ni la notice, ni rien. Je fais le boulot et tout et tout, très bien, elle vient dans la chambre « c’est fait » je dis oui c’est fait, voilà ! Elle me dit « c’est pas possible » je dis ben oui, ben moi ça y ait, j’ai pas besoin, j’ai même pas mesuré en fait d’où ça allait, je lui ai fait les étagères, j’ai pris les étagères, la tringle et tout assemblé avec le rideau, le rideau était 30 cm plus long, alors elle commence à piquer une crise, parce qu’elle était très fatiguée, elle en avait marre et elle disait, « encore, je viens juste de le coudre, j’en ai marre encore » et tout et tout, j’ai dit ben écoute, tu vas te calmer
J’ai une solution
Oui, on va trouver une solution, mais surtout il faut te calmer, parce que ce n’est pas en t’énervant comme ça. Donc je prends les crochets comme il était plus long de 30 cm,
Ouais, vous le repliez en haut
Moi j’avais vu le résultat, j’ai plié comme ça et j’ai mis les crochets comme ça. Alors je l’appelle, je lui dis c’est fait. Elle me dit « non arrête là franchement tu abuses », je lui dis si, j’ai juste déplacé les crochets, le l’ai plié pour qu’il ne traîne pas par terre. « Alors là vraiment tu, tu m’épates »
Oui mais alors le problème toujours
Mais oui elle pensait que
C’est, non mais y a, y a deux problèmes d’abord, c’est insupportable aux autres
Ah mais elle pensait que j’étais arrogante, enfin elle pensait que
Que vous vouliez le la mettre en échec
Non, que je la prenais pour une imbécile en fait, voilà
Et bien oui, mais alors
Que je la prenais pour une imbécile, alors qu’elle n’est pas imbécile, hein
Alors, j’appelle ça « le monde décalé »

Oui, voilà, exactement
Alors qui veut euh qui va s’ajuster dans le décalage ? Il faut que ce soit le dyslexique
Ben oui tout à fait

(...)

Entendre pour un dyslexique

Oui, oui, j’écoute des fois oui, j’écoute des mots et alors c’est un autre mot qu’on m’a dit
Voilà !

Collaboration : phénoménologie (10)

...

Il y en a un qui prend référence, qui est le référent
Ah ! vous allez m’aider à écrire mon chapitre de thèse, on s’y met toutes les deux. (rires)
Oui, oui, franchement
Parce ce que je vais écrire la phénoménologie de la dyslexie
Ah ! la phénoménologie, d’accord
De la dyslexie, donc comment elle se manifeste et comment on le vit
Oui tout à fait. Ah non mais le vécu ah la la la la L’horreur parce que les gens vous disent, « mais tu ne m’écoutes pas » puisque on a entendu le mot contraire Non, mais moi je, je vous dis, je suis dans un milieu où bon, où l’on rigole, c’est vrai que moi je rigole beaucoup de mes erreurs heureusement je ne suis pas quelqu’un qui va se crisper, qui va se fermer
Y en a qui en souffrent
Non, non, moi j’en ris, j’en ris, d’ailleurs, pas plus loin que vendredi, je suis en train de regarder mes comptes rendus et j’appelle mon collègue, je lui dis viens voir, parce qu’il faut que tu ries un peu. Il me dit « Ah bon ? » il dit, je lui dis viens voir les erreurs que j’ai faites et j’ai écrit en plus en majuscule. Alors il me dit « mais c’est rien, c’est rien ». Je lui dis : c’est pas grave ça ce que j’ai mis dans l’écran, ce n’est pas grave et on s’est tous marrés...voilà j’en ris

-  III

Retour sur le passé (12)

Et quand vous étiez petite, un peu moins quand même
Voilà. Ben quand j’étais petite, en fait, j’étais, j’étais, euh j’avais ma chambre toute seule, j’étais enfermée les ¾ du temps. Je ne sortais pas
Et bien oui, oui, il fallait travailler trois fois plus que les autres...
Travailler.
Et comme les gens vous reconnaissent sous le travail, on vous accepte
Ah oui, on m’a accepté. Donc j’étais très peu présente aux repas familiaux, j’étais très peu présente quand il y avait des invités, en fait très peu présente, effacée, complètement effacée. Et c’est au moment ou j’ai décidé de venir au France, ou j’ai dit bon maintenant, je me suis effacée jusqu’à un certain moment, mais bon, ben maintenant j’ai envie de m’affirmer, j’en envie de faire des choses dans la vie. J’ai envie de beaucoup de voyager et je ne peux plus évoluer avec ces gens là. Au milieu de ces gens là, je ne peux pas évoluer. Les gens qui vous disent le matin il faut, il faut être ça
Il faut faire comme ça

La révolte paradoxale (7)

Il faut faire comme ça. Le soir, il ne faut pas rentrer tard, il ne faut pas ça. Il faut pas beaucoup voyager parce que c’est mal vu, il faut voyager mais en étant mariée euh euh dans la protection d’un homme, les gens. Moi j’ai dit bon, stop maintenant je prends mon billet je m’en vais. Et et et les gens y vont parler comme ils veulent. Alors mes parents ils ont fait du forcing pendant 6 mois. « Tu es une femme, tu es une fille, toute seule, tu n’iras pas en France toute seule ». J’ai dit mais si, si si. « Et les gens qu’est-ce qui vont dire ? » Et ben, ils vont dire
(rire)
T’enregistres et tu m’envoies les enregistrements qui disent, enfin on en discutera, on en rigolera. Ils disent. Ils disent ce qu’ils veulent. Et les gens qui parlaient de moi, qui disaient elle est partie toute seule, une fille toute seule en France. Maintenant ils veulent envoyer leurs enfants en France, parce que je suis quelque part comme un exemple
Un exemple et quelqu’un qui réussit... A surmonter toutes les difficultés ... ...Alors, alors ça me fait marrer parce que maintenant ils veulent tous envoyer leurs enfants, alors moi, ça me fais marrer, parce qu’il y avait quelques années euh hooo, ah oui, « une femme toute seule à Paris ». Et ben oui, ça aurait pu être Paris, ça aurait pu être New York, ça aurait pu être les Indes et alors ! Et ben et alors. C’est quelque part

Changement de référence identitaire

C’est quelque part, mais pas ici [8]. Parce que ici je n’ai, je ne me reconnais pas, je ne m’identifie pas, j’ai une identité et euh les éléments qui qui me permettent de m’identifier. Je ne m’identifie pas, excusez moi, ces miroirs c’est un miroir, mais qui ne renvoie pas la bonne image
voilà.
Donc, donc je suis désolée, je reste pas (...)

Du miroir à l’image

Dans le “ parcours de dyslexique sans issue” on parle aussi d’enfance, quand vous le lirez vous connaîtrez, votre enfance que vous m’avez raconté, pour cette personne c’était autrement. Et donc euh oui ce que j’ai à, enfin trouvé comme image pour représenter le témoignage, parce que souvent les dyslexiques pensent par images
Oui tout à fait (...)
(...)Soit des images visuelles, soit des images métaphoriques, donc où on retrouve les mots et la valeur des mots, donc plus visuelles ; ou plus avec les mots
D’accord
Quant au sens, il faut s’accrocher pour les saisir comme ils veulent, ils veulent toujours dire autre chose que ce qu’ils veulent dire
Tout à fait

(Présentation du matériel utilisé dans les prises en charge, les tableaux tout en discutant...)

Retour au fonctionnement mental : mode d’appréhension des données

Je regarde toujours
Lire ou regarder d’abord
Regarder d’abord, toujours, je passe toujours par une image. C’est marrant hein
Euh. Oui ben l’image c’est plus facile, c’est pour ça que je nous enregistre parce que j’ai plus de facilité à travailler, parce qu’autrement il faut tout écrire, parce que je ne retiens rien.
Ah ben oui, oui. Retenir, je vous dis moi, c’est les stratégies que j’ai développées.
Vous, vous avez développé
Synthétiser, synthétiser
Des stratégies de compensation
Voilà. Synthétiser au maximum et les mots après euh
Alors maintenant vous le faites par écrit
Alors, ... tout ce que j’ai dit ?

Écrire : un effort coûteux

Est-ce que je pourrais...
Vous voulez un crayon ou un crayon à bille
Non je préfère ça, parce que je suis obligée de faire un effort
Alors, allez-y avec celui-là, il ira mieux
D’accord
On va voir ce que ça donne. Mais vous avez le droit de synthétiser, parce qu’après on décortiquera votre synthétisation, voyez
Hum, hum
Parce que ça vous permet, même au niveau de l’organisation de la pensée, vous faites pareil avec votre intuition.
Hum, hum _Vous avez une synthèse
Tout à fait
 ?? comme le mot
Oui, oui absolument
Auquel vous aboutissez et vous avez juste un mot à retenir.
Oui

INTERRUPTION POUR ÉCRIRE
(----)

Alors vous pouvez lire ce que vous avez écrit
Oui tout à fait, tout à fait. Alors

Reformulation du texte en discours indirect  [9] Alors je dis que je suis dyslexique depuis plusieurs années, une extérieur, une expérience fort, forte intéressante qui m’a apporté de très belles choses. J’ai oublié de mettre des mauvaises aussi. Je pense que je vis dans un monde à part, où je dois continuellement penser et repenser les choses, dans un monde qui marche autrement. J’arrive aujourd’hui à vivre sans beaucoup de problème, mais j’espère pouvoir avoir les éléments qui me permettront de m’adapter à ce monde. Euh J’ai réalisé hier mes comptes euh mes comptes rendus, je réalisais hier, ah non, je relisais pardon. Je relisais, voyez ! Je relisais hier, mes comptes rendus sur l’ordinateur et là je trouvais des fautes d’orthographe, de syntaxe, syntaxe horribles. Je dois tout refaire. Je pense que c’est la la hantise du dyslexique de devoir refaire les choses, vérifier continuellement tout ce qu’il réalise. Euh, mais je suis très courageuse et je pense avec de l’aide, je vais réussir à prendre plus de sécurité ? ? ? ? et ... de mes amis, de mon copain, tout le monde pense que je veux tout organiser, maîtriser euh tout ce qu’il y a autour, je veux en quelque sorte dépasser les autres, j’essaie d’expliquer les choses mais des fois sans résultat.
-  Là, vous y avez mis notre discussion, hein, pour l’histoire de dépasser les autres
Non, non je le pense vraiment
-  Vous, vous le pensez, vous l’avez pensé avant ?
Ah oui, oui, oui tout à fait, tout à fait. Euh, j’essaie d’expliquer les choses mais des fois sans résultat. Je dois à chaque conversation revoir, revenir sur des explications qui me paraissent à moi évidentes. Euh le jour ou je saurai comment venir à bout de toutes mes, de toutes mes incompréhensions, car oui en fait c’est tout le temps des incompréhensions, je saurai la plus heureuse de la terre. (rires) Voilà, voilà.
Hyper optimiste
Voilà, ah oui, oui, oui.

Stratégie, combine ou stratagème ?

Avec les règles, vous aviez déjà des stratégies
Tout le temps des stratégies. Ouais. Ben oui, moi j’appelle ça des stratégies, des stratagèmes, comme vous voulez.
Oui, oui, oui pour tromper le monde(...)
...C’est dire que, que euh c’était très intéressant parce que ce qui est intéressant dans une stratégie c’est qu’il faut que ce soit réfléchi et que ça soit construit, c’est ce qui m’intéressais à chaque fois que je mettais une nouvelle combine en place. Je me disais ben voyons, voilà l’autre il n’a aucun effort à faire, le voisin n’a aucun effort à faire, mais moi voila j’étale bien les choses, voilà, Il faut trouver un moyen de passer par là, par là, par là, par là pour arriver là. Et je trouvais çà très intéressant
Vous êtes extraordinaire
(rires)
Un phénomène !

Évaluation de notre rencontre

Non, moi ce qui m’avait vachement intéressé dans notre conversation au téléphone c’est que je trouvais finalement quelqu’un qui pouvait m’écouter et me dire oui, c’est une expérience quelque part partagée, quelqu’un qui a vécu la même chose que moi. Parce que quand les gens vous leur expliquez quelque chose qui
Ah ils n’arrivent pas à comprendre

(...)

Auto évaluation : anticipation de la réaction de l’autre

...Là, j’ai revu mes comptes rendus, j’étais hors de moi. J’ai appelé le collègue, j’ai dit il faut que tu viennes voir çà parce que c’est un chef d’œuvre. Pour que, lundi je vais m’y mettre pour recorriger toutes les fautes. Euh, croyant que la stratégie de la majuscule allait me sortir du euh de l’embarras, parce que c’est des comptes rendus qui sont relus par tout le monde, hein, par tous les gens du bureau et là, ils vont lire des choses
Et alors, comment vous allez faire pour recorriger ? Vous ne pouvez pas me retirer sur papier ? Me le rapporter.
Ah ! oui je vais vous tirer tous les comptes rendus, vous allez être...
Édifiée Ah vous allez dire c’est extraordinaire hein.
Vous pouvez revenir pour qu’on
C’est la révolution. Si, si, c’est, c’est, vous allez vous rendre compte que j’ai fait la révolution en orthographe française
(rires)
Mais cela m’intéresse

Discussion : Prise en charge

Les extraits d’entretien montrent bien un fonctionnement de dyslexique que l’on aurait pu, d’un premier abord, mettre en relation avec le fait d’avoir été scolarisée en arabe, d’abord, donc un effet du bilinguisme.

Sa demande de prise en charge est venue de ce qu’elle s’était sentie handicapée par l’écrit dans sa recherche d’emploi (motif de non recrutement) puis, quand elle en a trouvé un, pour comprendre ses problèmes de tout ordre.

Nous avons donc repris le fonctionnement de la langue,elle le mettait d’elle-même en relation avec son "savoir sur" et était heureuse de comprendre la logique sous-jacente.

Mais très vite ses problèmes relationnels avec son compagnon vont prendre le devant, au travail également... car on l’a mise en "binôme" avec un dysorthographique [10] irresponsable, inconscient des dégâts que provoquaient ses négligences, oublis etc.

Elle a proposé d’étendre à tous la réorganisation de fiches, ce qui bousculait trop de routines pour que ce puisse être adopté... elle a fini par chercher ailleurs.

Un changement d’horaires de RTT a amené la fin de notre collaboration. Une rencontre fortuite a confirmé sa réussite à gérer sa vie en fonction de cette nouvelle connaissance d’elle-même.


[1] cf. thèse et de nombreux articles tant sur les non-lecteurs que de présentation de la problématique ou de la démarche de prise en charge.

[2] Le premier contact avait eu lieu 2 mois avant, au cours d’un long échange téléphonique. Sonia était alors en recherche d’emploi.

[3] Ces N° permettent de mettre en relation cette séquence avec la segmentation du texte écrit.

[4] Indication de coupure.

[5] qu’elle réussissait brillamment, de même que les entretiens oraux

[6] responsabilité d’un binôme dans une organisation de placement d’aide à domicile pour personnes âgées

[7] cette partie fait suite à 4)Fonctionnement de la démarche de prise en charge : elle se montre très "participante" et me le signale en anticipant ou me proposant ses formulations, même sur ce plan technique.

[8] Il s’agit de son retour dans sa famille où elle ne se reconnaît pas

[9] les italiques dans le texte qu’elle commence à relire soulignent la nécessité d’autocorrections

[10] tous les dyslexiques n’ont pas cette volonté d’y arriver, certains sembleraient, selon cet exemple, se conduire comme des manipulateurs


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Benji




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