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Se séparer pour écrire ?
DE LA COPIE...
mardi 21 octobre 2008, par J.Zwobada Rosel


à 9 ans passés, Hellen, bonne élève, n’arrive pas à copier un texte sans de nombreuses "fautes" et son écriture n’est guère conforme à l’attente que sa réussite, partout ailleurs, suscite. Comment situer un tel symptôme qui s’insère d’ailleurs dans un contexte de maladresse ?


A l’entrée en maternelle, 3 ans donc, Hellen rectifiait l’épellation de la maîtresse qui l’inscrivait en précisant le H, inattendu à l’initiale de la graphie de son prénom qu’elle écrivait Ellen ! Et pourtant, si cette enfant avait su identifier de nombreux mots écrits dans la vie courante, son apprentissage de la lecture n’a pas été si évident que cela...

La maman, alertée par la maîtresse de CM1, consulte une première orthophoniste qui ne voit pas d’indication pour réaliser un bilan, tombe sur le site et me contacte. Situation délicate vis à vis d’une collègue inconnue mais j’accepte une première rencontre, y repère quelques indices et décide de commencer un travail avec l’enfant malgré l’éloignement.

-  Sur la piste d’une DL "compensée" :

Si je présente cette prise en charge, c’est qu’elle m’a permis de préciser mes propres représentations sur certaines formes de Dyslexie, du fait de la capacité des enfants à poser les problèmes qu’ils rencontrent à travers les symptômes qu’ils présentent : il s’agit pour Hellen de signes corporels dans un contexte de trouble de l’apprentissage de l’écrire, en situation de copie et d’écriture, ciblés en lien avec ces dernières situations « scolaires ».

INDICES ET CONTEXTE

Le Bilan : épreuves et entretien

J’ai voulu tout d’abord [1] m’assurer du bien fondé de mon hypothèse de départ, émise d’après le témoignage de sa mère à l’égard de ses premiers apprentissages : elle aurait escamoté l’étape auditive dans la mémorisation d’un texte, non pour le réciter mais pour l’écrire. Je fais l’hypothèse qu’ elle ne peut faire fonctionner l’implicite [2] au niveau cognitif que l’écriture exige. J’ai donc voulu voir ce qu’elle pouvait faire dans une démarche qui rétablirait la capacité d’analyser ce qui relève habituellement de cet implicite dont elle semble se servir en situation d’écriture spontannée, puisqu’il ne fonctionne pas en situation de copie, et elle a qualifié les manipulations proposées (cf. manipulation des cartons), de jeu, et précisé, hors présence de sa mère, sortie quelques instants, qu’elle aimait beaucoup ce jeu. Cette démarche lui convient donc et justifierait de ce fait une prise en charge qui puisse lui permettre d’asseoir ses connaissances instables en les explicitant sur la compréhension du fonctionnement de la langue pour réussir à en appliquer les règles.

Dessin libre pour me faire comprendre « son problème ».

Thème : elle dessine un rectangle, une flèche et elle écrit : « un tableau de classe ».
Elle y inscrit :

« Je vie chez mes grand’s-mères »

En dessous, au milieu de la page, elle fait un cercle avec un point pour indiquer : « correction du mètre »(souligné)

Elle refait un rectangle sous le premier, avec un trait vertical pour figurer le pli.
Elle indique également avec une flèche : « le cahier du jour ». Elle écrit alors : « je vie cher mes grand-mère( ) » en indiquant le lieu des fautes à corriger et le précise en le soulignant.

Je garde en réserve [3] les deux orientations que permet l’énoncé :
— celle du thème (vivre et généalogie)
— et celle de la grammaire implicite des « fautes » et de leur correction.
Je repère également qu’elle souligne une difficulté en copie, qu’elle utilise une sémiologie figurative pour signifier le contexte scolaire et je poursuis mon investigation.

J’explore la lecture (l’alouette), l’orthographe CM1 (S-B-M), le rapport oral-écrit en langage suggéré (café/caisse).

Entretien (extraits)

Chacune a du prendre sa place et regarder celle à qui elle s’adressait (elle regardait sa mère).

Hellen s’est plainte de n’écrire exactement ni ce qu’elle voyait ni ce qu’elle pensait. Ses parents lui ont raconté des histoires, lues du côté de sa mère, imaginées pour elle du côté de son père, et elle a réalisé dans notre discussion qu’elle comprenait ces dernières en imagination, sans se rendre compte de la part de l’audition.

J’explique le fonctionnement du cerveau, les hémisphères etc. et j’amorce l’énoncé des hypothèses qui me viennent sur son fonctionnement, correspondant à ce que manifeste un dyslexique qui ne parvient pas à contourner ses difficultés, hypothèses en lien avec sa maladresse (vérifier également une ambidextrie).

Conclusion

Hellen est très certainement dans une grande insécurité orthographique face à l’écrire et son type de lecture, avec un support où elle ne peut pas compenser, montre bien qu’elle n’est pas encore tout à fait à l’aise au niveau métaphonologique (cf. l’alouette) même si elle a des moments où les difficultés semblent s’atténuer. Elles reviennent en présence de mot longs, et manifestent son incertitude des valeurs de lettres, pour les homonymes principalement.. Elle est prête à essayer d’entreprendre quelque chose, mais la demande vient plus de sa mère, inquiète, que d’elle-même.

1ère séance, complément d’enquête

Nous nous revoyons après les vacances et je parle « contrat ». Elle jette un coup d’œil à sa mère et précise qu’elle vient « pour la résolution de mes soi-disant petits problèmes » avec une grande mobilité faciale, des mains, entre minauderie et gestualité exagérée.

Avant de reprendre l’anamnèse avec la mère, je lui fais passer la Figure de Rey pour compléter mes observations et vérifier si le type de problèmes qu’elle rencontre est bien à situer dans le champ visuo-spatial.

Figure de Rey

Figure de Rey A
Figure de Rey A

Copie : 4’30 (Changements de couleur imposés)

Elle demande à redresser le modèle, retourne sa feuille verticalement. Elle procède par juxtaposition d’éléments perçus isolément en penchant un peu la tête, sans se préoccuper d’ajuster les segments qui constituent certaines droites de façon précise. L’essentiel y est. L’ensemble, un peu rapide, est à peu près dans la moyenne de son âge. Noter le rétrécissement du losange en quasi triangle et l’inversion de l’oblique du carré inférieur lui-même déformé. Noter sa difficulté à s’arrêter au bord des figures sans les traverser.

Mémoire : 3’30

Elle redresse sa feuille pour une construction type I parfaitement structurée. Sa performance est quantitativement normale.
Le carré est déformé, l’oblique redressée
Le rattachement des éléments extérieurs est encore intrusif. L’ordre du rappel des détails est différent. Elle sait qu’elle n’a pas fini et cherche 30“ mais ne s’en souvient plus.

Enquête :
à quoi ça t’a fait penser ? - A rien
Pourquoi tu as redressé le papier ? - Parce que c’est une maison.

Anamnèse (extraits)

Hellen est une enfant très désirée. La mère ne signale rien de particulier à la naissance. Elle l’a allaitée et quand, fatiguée, elle a arrêté, le sevrage s’est passé sans problème. Elle a eu une nourrice à proximité de son domicile. Le père a participé aux soins de l’enfant et s’est chargé des accompagnements scolaires.

La fête de sa naissance et autres fêtes se sont passées dans la famille paternelle [4], très présente aussi, les vacances...
Le frère plus jeune de 2 ans a des difficultés de lecture, qu’elle qualifie de ton de robot.
Elle tombe souvent et est maladroite. Elle se montre très jalouse de son frère, comme abandonnée.

Discussion : Les indices retenus

Cette première séance vient conforter la spécificité des difficultés d’Hellen par rapport à celles d’enfants dyslexiques tout venant, qui sont souvent en échec scolaire.

-  L’écart entre oral et écrit m’a fait tout d’abord penser à l’entretien avec Matisse et à l’interprétation des résultats de son bilan (Psy et SNC annexes). Mais, si cette comparaison vaut en partie pour la lecture de l’alouette (2 ans d’écart là où Matisse en a 3 ou 4 d’ailleurs), là s’arrête le rapprochement. Il s’agit en effet de petits problèmes.

-  Ses difficultés avec l’écrit se situent majoritairement au moment de la copie : elle ne sait pas lire un modèle pour le restituer, et l’écriture elle-même, discontinue, participe à l’effet de relatif brouillage de la communication écrite, soulignant l’importance du tonus, de l’harmonisation corporelle pour une tâche qui devrait être automatisée.

-  L’enquête de la Figure de Rey confirme indirectement cette difficulté qu’elle a à regarder pour reproduire avec un délai. Non seulement il lui a fallu redresser la feuille pour pouvoir dessiner le modèle (en copie) mais lorsqu’elle l’a réalisé en mémoire, en redressant également le papier, elle le justifie par référence à un modèle implicite évident pour elle, familier, la maison. Elle donne alors une clé pour comprendre ce qui est impliqué lorsqu’elle confirme qu’elle n’a pas « pensé » en le dessinant. Cette contradiction apparente des résultats entre la perception intuitive et le fait de « penser » souligne le décalage entre deux modes de fonctionnement qui s’excluraient l’un l’autre [5]

-  Le tracé graphique révèle un problème de "frontières". Elle les dessine à propos des formes qui évoquent des "contenants" mais ne les respecte pas dans l’ajustement des éléments partiels.

-  La difficulté à tracer le modèle en respectant son orientation est telle qu’elle s’affranchit de la consigne en confirmant sa tentative de redressement de la copie alors qu’elle penchait sans cesse la tête pour voir le modèle autrement dans la copie. Elle souligne son incapacité à se décentrer mentalement tout en ayant ses propres repères. De ce fait, à l’inverse du manque de confiance en soi de la plupart des dyslexiques, elle est fière d’elle, ce qui peut éclairer les soi-disant petits problèmes qui restent à résoudre. Où vont-ils se situer, est ce seulement une question d’orthographe ? Quelle part accorder à l’imitation ? Qui parle de problème ?

ÉVOLUTION DE LA PRISE EN CHARGE

Elle s’effectue en 3 temps :

• Une première période (3 séances par mois) pour les 4 premiers mois. [6]

Il s’agit de
-  trouver son centre de gravité, pour se centrer sur son « moi » physique (ce que j’appelle le « soi » dans un contexte de dyslexie)
-  et de poser les bases du travail à venir :
— séparation physique de sa mère
— tout autant que stratégies de perception visuelle, avec une sorte de gymnastique des yeux
— activer la recherche de mots (évocation) en prélude à l’ouverture de l’imaginaire,
— développer l’approche corporelle des représentations avec celle de séquences de mouvements.

La rencontre d’un psychomotricien (sollicité pour l’écriture) va poser le problème « d’être » pour « habiter son corps », au lieu d’être « vide », renvoyant à « la vie » dans la formulation de sa demande
-  confirmant la nécessité du travail de recherche de « soi » dans le travail au corps pour activer le tout du cerveau, dans le mouvement qui de symptôme (gesticulation) devient lien pour s’harmoniser dans un équilibre qui s’installe.
-  Jusqu’au 16 avril, avant les vacances, lorsque, en présence de sa mère qui participe également à la mise en forme physique, à côté d’elle, elle change d’attitude : elle est redressée, semble harmonisée. La gesticulation (mains tordues, grimaces etc.) s’est arrêtée [7].

• Le 28 mai plus d’un mois d’absence pendant laquelle a trouvé le support où s’exercer (balance WI), Hellen s’étant tout à fait redressée, la séance est consacrée aux stratégies de travail sur l’orthographe, régularités et écarts...

• Les trois dernières séances arrivent (juin) [8]

La séparation au cœur de son problème d’exister

-   Exister en tant que personne et non comme bébé pour son père. :

Antécédents familiaux ?
Le père, imprimeur, qui l’accompagne enfin cette fois, invité à parler, aborde sa propre dysorthographie. Il se pose d’emblée dans un contexte familial particulier, celui de parents qui n’ont pas fait d’études mais très curieux et cultivés. Il était excellent à l’oral mais un enseignant l’a bloqué en 3e pour le passage en seconde. Il a réussi à aller en 1ère. Il était très intuitif mais TURBULENT.
Une certaine relation d’ « emprise » ?
Il met le fonctionnement de ses enfants en parallèle du sien, compare ses vieux bulletins avec ceux de son fils qui est excellent mais lit comme un robot.
J’enchaîne en demandant à Hellen la différence entre robot et humain. Elle ne trouve aucune piste, ni du côté des émotions, ni de celui du savoir. Elle finit, un peu aidée, par arriver au fait d’être programmé.
La place de l’histoire personnelle ?
Je reviens alors sur la question d’un terrain, transmission familiale d’une prédisposition à, et de l’importance de l’histoire personnelle de chacun dans l’histoire familiale, ce qui me permet d’introduire « la personne ». Il intervient, ne comprenant pas l’attitude butée de sa fille, de bébé, et proteste de son attachement à elle [9] ... Il se vexe lorsque j’évoque le rôle fondamental d’apprendre à un enfant les règles de la société pour qu’il puisse grandir.

La mise en geste de « la séparation »
Elle tourne alors délibérément le dos à son père [10], en revendiquant violemment : « je suis une personne depuis que je suis bébé ».
Un « petit » problème : familial ?
Elle va aller jusqu’à retourner la tête en lui tirant la langue dans un geste brusque tout en restant le dos tourné, pendant que je lui demande si je peux parler avec son père de son frère et qu’elle m’y autorise du bout des lèvres. Elle ne bouge plus mais transfère son agressivité sur un anti-stress qu’elle manipule en faisant sortir une bulle [11]... Je parle « séparation » pour le frère aussi, grandir ce qui rejoint les conclusions de l’équipe éducative à son sujet.
Ce n’est pas une question d’intelligence
Je remercie Hellen de nous avoir permis de parler de son frère [12] et le père me pose en partant la question de lui faire passer un QI, ce que je ne juge pas nécessaire, pour l’instant en tout cas.

-   Corps et mots : la distance pour « exister » dans le dialogue avec la mère.

Les limites de la compréhension du père : voir dans l’ici et maintenant de l’instant
La mère a été désorientée par la restitution du père de notre dernière séance : « je ne l’ai jamais vue comme ça, lui a-t-il dit en évoquant leur fille : un bébé ».

Quelques pistes pour une interprétation de la séparation
La mère a besoin de comprendre, je lui ouvre donc des portes pour une interprétation.
-  Je reprends le fait que le père s’est senti “papa“ avec sa fille et “père“ avec son fils et je ne retrouve plus l’ordre d’énonciation entre papa et père. Ce lapsus ouvre la voie à un souvenir traumatique. La mère raconte qu’il l’a brutalement séparée d’elle au bout de 8 jours, pour s’occuper du bébé et le monopoliser dès qu’il était là. Elle analyse alors sa frustration tout en remarquant qu’elle restait très proche d’elle.
-  Je lui rappelle d’une part la fusion des premières relations [13], et évoque d’autre part l’analyse de Winnicott des soins donnés à l’enfant : handling, que le père aurait pris en charge, lui laissant le holding, sorte de cadre contenant pour un handling qui introduit la médiation corporelle dans un contenant psychique.
-  Je précise alors à la maman que sa fille a été jusqu’à tourner le dos à son père (ce qu’elle refera peu après, à la fin de cette « conversation » avec sa mère, avant de se remettre au travail) pour bien marquer son désir propre de distance.

Habiter les mots
-  Là encore j’ai du l’aider à trouver la bonne distance de sa mère car elle la regarde sans cesse alors qu’elle discute avec moi de ce qui s’est passé avec le psychomotricien . [14] Il lui a demandé d’écrire et a conseillé de s’entraîner à faire des boucles à la maison [15] . Il lui a fait faire une dictée, une copie « l’horreur », et « le pire » selon le dire de la petite fille :

« écris ton histoire ! »

Je redis l’énoncé en détachant les mots, tout en prenant 3 jetons,

Le verbe dans l’énonciation
ECRIS
-  Je pose un jeton rond rouge en demandant "qu’est-ce qu’il s’agit de faire ? [16] " Elle répond “écrire”... OK.
— Je rappelle que le rouge c’est pour ce qu’on fait ou ce qu’on a, mais à ce moment là il y a ce qui répond à la question quoi ? On fait quelque chose, on a quelque chose.
— J’enchaîne en lui demandant de quoi il s’agit en se basant sur le ton : elle répond « c’est un ordre ». Elle étudie justement l’impératif cette semaine. Je lui demande alors « où est le sujet ? »
-  Nous recensons les références grammaticales apprises jusqu’à la reconstitution du marquage de la personne, pas seulement par la terminaison (marque finale) mais par le pronom. Elle découvre alors le contexte situationnel de l’ordre :
— on parle à quelqu’un Alors que quand on dit « il »,
— “il” est absent de cette situation. Je précise donc que cette situation d’énonciation fait exister le sujet qui se trouve
— soit intégré dans l’échange
— soit marqué par un nom/pronom sauf à l’impératif puisqu’il s’agit « d’agir sur l’autre ».

Du pronom personnel à la possession
TON
-  Je pose un jeton rond bleu (figurant le déterminant dans le code) et reprends « ton », elle dit d’emblée « à moi ».

Le nœud du problème porté par le nom
HISTOIRE
-  Je dis alors « histoire » (rectangle bleu) et lui demande un verbe qui permette de la dire pour sortir de l’Histoire du contexte scolaire, qu’on apprend à l’école. Elle précise « raconter ». Elle avait réagi à « inventer » en disant qu’elle ne savait pas inventer. Elle n’a donc rien à dire pour une histoire qu’elle n’aurait pas « apprise ».
-  Je reviens sur être/avoir en prenant deux autres jetons,
— un rond rouge pour avoir
— et un jaune pour être, et je rappelle ce qui a été dit du complément, par opposition à l’attribut du sujet, tout en essayant de réactualiser ce que sa mère avait dit à propos des histoires qu’on lui racontait le soir.
Elle finit par retrouver que son père les inventait. S’en inspirer peut-il servir de base [17] ?
-  Nous reprenons le jeu des déterminants possibles dans l’opposition général/particulier [18]
— une histoire,
— différente de l’histoire,
opposition dont elle sort en disant « mon histoire » ce qui lui permet de s’approprier l’énoncé.

La différence avec un « pair » prélude à celle d’avec la mère

Côté rééducation
Arrêt programmé : elle a trop d’activités.
Face aux devoirs de vacances nous reprenons les dérivations autour de racines avec transformation, avec un exemple du latin à l’italien et au français (forma), évoquons les lettres grecques et les préfixes et suffixes.

Côté évaluation

-  Introduction d’un pair, différence,
— Dialogue avec Florette (en 6e), comment vivent-elles leur dyslexie ? Hellen n’a pas de problème pour l’expression orale (il lui faut plutôt se retenir de répondre). Elle va reprendre le théâtre. Florette est à l’inverse très inhibée car elle a remarqué que ce qu’elle pensait n’était pas toujours vrai : elle a peur de se tromper.
— Elles reconstituent sur une fiche le code de jetons. L’enthousiasme d’Hellen stimule Florette. Mais Hellen se rend compte qu’il y a d’autres modes d’organisation...

-  Les préoccupations maternelles
— L’orthodentiste parle d’un appareil pour la déglutition, je conseille la rééducation si elle est prête, et une orthophoniste plus près de chez elle.
— En prenant congé, sa mère m’interroge. Elle m’expose les modalités de sa relation à sa fille qu’elle a toujours “considérée comme une égale”, elle n’a jamais pu lui dire mon bébé mais disait « ma grande fille ». En réponse à son désarroi, je la renvoie à un travail sur sa relation à sa propre mère. Je lui indique que la communication passait par ailleurs, en deçà même de toute communication verbale, mais qu’il y a peut-être à chercher pourquoi le père qui en avait besoin pour lui avait pris cette place qu’elle avait peut-être ainsi laissé libre... et l’encourage à aller parler à quelqu’un de sa relation à sa propre mère.

Discussion

Le père la voit : « un bébé », la mère la dit : « une grande fille », où Hellen peut-elle “exister” avec ses caractéristiques propres d’enfant, dans quelle histoire où les rôles ne seraient pas figés par ces deux modes d’entrée en relation, et où elle puisse trouver une place pour « se » construire ? Quelle place pour le tiers que représente l’orthophoniste ?

Cette prise en charge met l’accent sur la difficulté des deux parents à se séparer d’elle dans le cadre de la relation privilégiée qu’ils entretiennent avec elle, sans distance interpersonnelle. Ce qui se marque physiquement dans l’espace, ne permet pas à l’enfant de s’appuyer sur elle-même au niveau même de son attitude en toutes positions. Le passage par le corps est ainsi un préalable à un travail rééducatif qui favorise, une fois les repères établis, le mouvement. On voit l’importance d’un tiers analysant qui puisse signifier cette nouvelle capacité du « soi » pour accompagner l’enfant dans la mise en scène physique de la coupure du lien du regard, de la parole et d’une enveloppe physique, passage à l’acte de la « séparation » qui permettra à l’enfant d’accéder à l’autonomie nécessaire à son développement psychique.

Pour reprendre l’analyse de Winnicott, à l’origine de l’hypothèse de travail proposée sur le plan du développement psycho affectif, la mère serait emprise elle-même dans un contenant fusionnel [19] (holding qu’elle a proposé au bébé, “une égale”) sans évolution possible vers une différenciation psychique, le père dans une projection de lui-même sur un bébé qui ne saurait grandir (dans un handling de soins précoces, sans apporter l’enveloppe qui délimite la frontière entre soi et l’autre et favorise la différenciation physique).

Le travail sur la langue a été intimement lié à l’accès à cette autonomisation mentale nécessaire à son développement personnel en passant par le réinvestissement de tous ces mots appris qu’elle n’avait pu habiter dans un parcours scolaire brillant. Elle a manifesté ses difficultés à "vivre" tout autant qu’à "écrire" dans une situation de copie, situation où elle n’avait pas à organiser ces mots qu’elle connaissait d’elle-même mais où elle était assujettie à la reproduction d’un modèle.
Elle en souffrait, et cette souffrance que son corps exprimait par la façon qu’elle avait de se présenter dans sa relation à l’autre, a justifié qu’on l’aide à sortir du piège où elle se trouvait du fait de son histoire particulière.

Le travail avec cette enfant ne pouvait aboutir en s’en tenant à une approche technique univoque et ne justifiait pas pour autant l’intervention de multiples spécialistes. Elle a mené le jeu par ses réactions et demandes diverses.

Si je reprends les indices qu’elle m’a donnés au départ, je retrouve la centration sur « être » pour que le signifiant « vie » prenne sens dans le contexte des relations familiales intergénérationnelles « chez mes grand’s-mères ». Pourquoi cette forme « anglaise » de la possession ? On ne peut tout interpréter, même si sa grammaire des fautes substitue un r au z et un singulier au pluriel. On pourrait évoquer sa place par rapport au frère, annoncée dès l’anamnèse. Quant au « mètre » n’est-ce pas la référence qui permet de savoir qu’on grandit comme enfant avant d’avoir un maître d’orthographe quand on devient écolier ?


[1] Extraits du bilan adressé au médecin, copie à la maman à sa demande.

[2] Il est question d’implicite de deux points de vue. Dans l’acquisition du langage oral l’enfant met en jeu progressivement différentes fonctions du langage en inscrivant le système phonologique. Il acquiert ainsi, en principe, la capacité métaphonologique. S’il peut en jouer, il n’en a pas de connaissance explicite. Dans le passage à l’écrit, selon l’hypothèse classique, la correspondance grapho-phonémique s’appuie sur la mise en œuvre de la capacité métaphonologique, la mémorisation d’un calepin visuel pour le lexique et l’application de règles apprises automatisées par un effet d’exercice dans l’apprentissage. Dans la théorie de l’apprentissage de la lecture, ce qui a été explicite devient ainsi implicite. Ce qui est acquis en lecture se transfère dans l’acte d’écrire. Le savoir dire premier implicite (langue orale) est le terrain du second qui s’apprend avant de devenir lui-même le terrain qui permet d’écrire

[3] L’expérience m’a appris que l’enfant annonce tout de notre parcours à venir dès le bilan mais qu’il faut attendre que les éléments prennent sens dans l’évolution de la prise en charge, ce qui fait l’objet de cette présentation. Il s’agit d’une démarche de prise en charge qui ne répond pas à un plan d’intervention préprogrammé même si le bilan permet d’en définir les objectifs et la problématique.

[4] Elle n’en a cependant jamais vu les photos.

[5] On retrouve ici sa propre analyse de ses difficultés lorsqu’elle s’est plaint de ne pouvoir écrire ni ce qu’elle voit (entrée visuelle, base de l’imitation pour l’apprentissage de l’écrit), ni ce qu’elle pense (connaissance des mots quand il ne s’agit pas d’écrire ?).

[6] L’évolution de cette prise en charge pourrait être détaillé car elle est révélateur de la façon dont l’enfant est maître du jeu de ce qui s’y passe, lorsque l’orthophoniste s’adapte à ses actions et réactions dans un contexte familial donné dont il se révèle indispensable de tenir compte.

[7] Les mouvements côte à côte auraient favorisé la prise de conscience de son corps propre ?

[8] L’interprétation sera intégrée dans les notes pour permettre la discussion finale de l’interprétation des indices.

[9] Je m’efforce de lui faire comprendre qu’il existe un autre niveau d’analyse de réactions inattendues, qui rendent compte de motivations inconscientes, sans entrer dans le détail.

[10] Elle compense l’absence de distance en mettant en acte un refus de communiquer.

[11] cf. tirer la langue.

[12] cf. fonction de passeur, et Hellen, tout comme Betty, “ces enfants intelligents, ultra-sensibles et, comme ils ne pensent qu’au bonheur de leurs parents, disponibles, secourables...” (Le drame de l’enfant doué, A. Miller).

[13] Une relation mère/enfant d’une autre nature que ce dont on est conscient

[14] Un nouveau « tiers », il reste donc encore un travail à faire.

[15] la boucle se réalise dans un déplacement, un mouvement qui induit métaphoriquement le lien

[16] Question ritualisée pour trouver le verbe

[17] Il s’agit de sortir de ce qui relèverait d’une identification projective qui resterait de l’ordre du même au lieu d’ouvrir à une construction identitaire respectant la différence de l’autre. Si la rééducation s’était poursuivie nous aurions très probablement suivi la piste d’un travail mobilisant l’imaginaire (récits, séries associatives, tarot des mille et un contes pour citer quelques supports).

[18] dans l’opposition indéfini/défini, on retrouve la singularité de toute histoire particulière (cf. l’analyse de l’article "le" de Guillaume) :

[19] elles seraient dans une même bulle, sans frontière entre elles ?


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