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L’ÉVOLUTION DE TOM
mercredi 6 février 2008, par J.Zwobada Rosel


Tom a décidé lui-même, un beau jour, de s’essayer à écrire des ’l’ isolés, forme de base nécessaire à beaucoup d’autres dans l’écriture attachée, dont la maîtrise implique non seulement la continuité d’une "courbe", mais le projet pour parvenir à lui donner sa forme et ses proportions. Par où lui a-t-il fallu passer ?


Décidément, j’aime l’expression de Francine (Jaulin Mannoni), il suffit d’attendre que la mayonnaise prenne ! Mais quels ingrédients a-t-il fallu ajouter au fait de tourner dans le bon sens, avec la bonne cuiller en bois, dans le bon bol ? Est-ce que tous ces "bons" sont nécessaires où ne peut-on la réussir sur d’autres bases comme avec un mixer ou dans une machine ?

Ce serait l’apport des sciences cognitives peut-être qui s’en prendraient à une "structure" neurologique, pour modifier ce qui apparait comme une structure psychique ? Ce mode de réponse ne tient pas compte du "délai" nécessaire à ce que je considère comme un processus, un "état" de structuration, susceptible de changer les modalités d’être.

Pour le CMPP, dans le cas de TOM, il s’agirait d’une structure psychotique, ce qui rendrait compte de cette "hyperactivité", symptomatique donc et non structurelle au sens neurologique qui le ferait traiter alors par la ritaline.

Ma propre interprétation repose sur ce que j’observe et analyse.
-  Discontinuité, absence de lien, du fait de l’impossibilité de se séparer (le temps dépassé pour supporter l’absence de la mère, de Winnicott), différencier soi de l’autre pour construire son identité propre (la séparation/individuation de Malher)... A quand la phase dépressive qui soulignera l’amorce d’une évolution vers l’Oedipe, en sortant de la phase schizo-paranoïde (Mélanie Klein) ?

Avertissement au lecteur : du côté des parents

Comme le laisse entendre ce dernier paragraphe, cet article aborde directement un modèle qui repose sur l’analyse du fonctionnement de l’inconscient selon la théorie psychanalytique. C’est effectivement une de mes références théoriques bien que je ne pratique pas dans le cadre thérapeutique correspondant.
La démarche de consultation revient aux parents. Je suis ainsi obligée de les mettre en scène dans la présentation de l’évolution de ce cas. Chaque histoire est particulière, il ne s’agit donc pas de remettre en cause des parents qui font de leur mieux, mais de les accompagner pour que, dans un travail d’équipe, nous puissions favoriser l’évolution de l’enfant.
Que les parents qui tomberaient par hasard sur cet article ne se sentent pas débordés... ils peuvent s’exprimer dans le forum, comme on l’a fait pour la dyscalculie par exemple.

Quand le « psy » revient au galop : donner un sens au « symptôme »

Je reprends donc, pour l’analyser dans ce nouvel article, ce que j’ai résumé à la suite de l’article psychomotricité. Des bases avaient été posées au niveau psychomoteur et dans la prise en compte de l’autre mais Tom s’était montré particulièrement odieux en famille ensuite, le dernier mois de vacances : injures, mots grossiers, violence verbale donc, ses parents étaient dépassés.

I - La reprise

La reprise après les vacances en famille a été difficile, nous devions nous repositionner.

A cette première rencontre, il se situe sur le plan psychomoteur mais dans des activités à haute valeur symbolique :
-  Il prend l’initiative de rechercher son équilibre sur le gros ballon et choisit de représenter « la foudre » (mouvement yoga) [1].
-  Je repose le cadre, la loi, la règle, ma volonté, cherchant ainsi à transférer sur moi le conflit d’énergie qu’il avait suscité en provoquant ses parents pendant les vacances.
-  Je teste alors sa capacité à « écrire » comme je le demande : la tenue du crayon (deux doigts en pince), le modèle du c et du l... la lenteur pour contrôler son geste, en évitant le O qu’il tourne à l’envers. J’annonce ainsi un « programme » pour nos rencontres en fonction de la demande initiale qui portait sur le graphisme.

L’objectif est posé au niveau corporel, passer de la relaxation consciente, manifeste dans les attitudes corporelles et par un équilibre maîtrisé, pour arriver, en position assise, dans la détente indispensable à sa fluidité, à maîtriser un geste jusque là impulsif et incontrôlé. Le cadre est remis en place, les règles, mon autorité qu’il reconnaît. Il est sécurisé, un cadre fiable, un projet, comment va-t-il y adhérer ?

La relation à la mère : le charmeur de serpent ?

Le lendemain, Tom ne veut pas se séparer de sa mère, elle entre et s’assied.

J’invite Tom à rechercher les serpents [2] dans le panier pour tenter de le motiver à saisir la continuité du geste, le fait de le contrôler, comme un charmeur de serpent, mais il est très énervé, sa mère très fâchée, il faut donc « parler » [3].

Comment mettre en route un dialogue à plusieurs ?

Je me pose comme miroir de sa gestualité et de sa parole :
• J’ai mimé l’enfant éclaté, en totale discontinuité, passant d’une chose à l’autre en hurlant
• Je lui ai demandé de dire quelque chose, je le répète, en le lui faisant entendre donc, et après seulement il dit autre chose [4]... ce qui introduit également un délai... et l’ouverture à une représentation de la parole

— Du côté du faire : il dessine 3 têtes d’expression variée (effet de représentation du mime) qu’il emportera chez lui. Il joue avec les serpents, un qu’on ne peut manipuler qu’avec des angles et l’autre qu’avec des courbes.

— Du côté du « dire » : le conflit avec le frère est au centre de la discussion. Tout en cherchant les serpents dans le panier, il me dit, de loin donc, et sans la regarder, “maman ne m’aime pas”. Je saute sur l’occasion pour le reformuler en “maman n’aime pas ce que tu fais” [5] : il a frappé son frère, le conflit est donc au centre de son mode relationnel, et nous allons discuter d’autres façons d’exprimer sa colère d’une part et de la “normalité” de l’ambivalence aimer/ne pas aimer... son petit frère d’autre part, présenté comme un secret entre nous trois. Je prends ses mains dans les miennes et il va s’apaiser, comme juste avant son départ en vacances, et oser dire à sa mère qu’il l’aime, d’une toute petite voix, assis à côté d’elle.

Nous avons cherché à réaliser un carré, un triangle avec un serpent, des courbes avec l’autre... Il reprendra de lui-même le triangle chez lui au feutre en s’exerçant, pour le lendemain.

Cette séance a introduit la dimension psycho-affective au cœur du travail, base pour un travail de séparation en s’assurant de l’amour de sa mère et l’amorce de l’introduction d’un tiers symbolique.

Émergence de la demande

Le lendemain, il vient encore avec sa mère et ne veut pas venir avec nous. Il reste dans la salle d’attente.

Il nous enjoint de « parler »...

— ...mais va venir se poser en tiers en rapportant un « coffre au trésor » [6] qu’il a trouvé, et il manipule les éléments qui servent à monter « la tour infernale ». Il en pose un sur la table en position oblique, un autre droit, le troisième en oblique dans l’autre sens, sans parvenir à retrouver le triangle, faute de base. Il essaie de les poser verticalement, échoue, et comme nous continuons de parler, il détruit tout et retourne dans la salle d’attente et fait le plus de bruit possible jusqu’à ce que...

— ...il saisisse le téléphone jouet... j’entre dans le jeu, il veut un « rencart ». Je précise que ce ne sont que des rendez-vous. Je dis d’accord et il disparaît. Je l’entends passer subrepticement. Je joue alors à le chercher, en nommant tous les endroits où il aurait pu se cacher dans la pièce, vais dans la pièce de l’ordinateur et le trouve derrière la porte.

J’interprète pour la maman ce que je comprends comme une demande, il voudrait faire avec moi le parcours de l’enfant qui se construit, ce qui relève d’une prise en charge psychothérapique.

Cela ne relève plus de ma prise en charge, il est impératif qu’il puisse faire » ce « travail » avec un spécialiste. Je vais chercher quelqu’un qui puisse travailler en parallèle [7], car il n’est pas question que je poursuive, sans répondre à sa demande.

Reste à convaincre le père, ce qui renvoie à sa relation son fils, ce que Tom représente par l’impossibilité où il est de reconstituer les éléments du triangle sous nos yeux avec des éléments épars !

De tiers en tiers, quelle place pour le père ?

La séance suivante, le jour de la rentrée scolaire, Tom vient la main dans la main avec son père. Ce dernier parle pour Tom à l’interphone, ce qui m’indique qu’il n’a pas encore compris mon mode de fonctionnement, Tom ne s’impose pas comme il le fait toujours, ce qui m’indique qu’il veut que je m’adresse à son père. Comment va-t-il soutenir mon projet par la suite, de façon tout à fait inconsciente bien sûr, car c’est l’analyse que j’en fais qui lui prêtera ce sens ?

• Les faits

J’analyserai ce que pose l’enfant dès que je lui demande de raconter sa journée. La maîtresse a dit 8 heures - 12 heures. Il est fier d’annoncer que ses nouveaux repères (CE1) passent par l’école. La question se pose alors de savoir sur qui repose la transmission d’un savoir sur le temps :
-  le père revendique le fait que c’est lui qui lui a appris à lire l’heure à la maison...
-  lorsque l’enfant le présente comme venant de la maîtresse...
-  et que je renforce son savoir, d’où qu’il vienne, en lui permettant d’organiser ce dont il se souvient avec un support matériel favorisant cette évocation, lorsqu’il va mettre en place les mots qui disent le temps sur un tableau où ils sont posés en listes verticales.

• Le travail avec le père

Je précise que Tom n’est pas dyslexique et qu’il s’agit de lui permettre d’actualiser 100% de ses potentialités, mais qu’il est indispensable que cela passe par un psychologue en parallèle à ma propre démarche.

• La proposition finale

Je demande juste une prise de contact pour fixer un autre rendez-vous et reprendre le « travail » avec son fils...

Discussion

L’ouverture à un tiers symbolique est plus que nécessaire :
-  Tom a formulé une demande de prise en charge à ce niveau à mon égard et ce n’est pas mon rôle.
-  Tom souhaite que l’école devienne un lieu d’apprentissage car ce qui se fait « à la maison » avec son père, ne peut « tenir ».

Si le père accepte l’introduction d’un tiers sur ces deux plans, il me semble que Tom va pouvoir s’unifier...

L’investissement est donc aussi bien sur le plan affectif (thérapie) que cognitif (apprentissage).

-  Nos retrouvailles ont été ainsi sous le signe de la demande de prise en charge « psy ». Sans aucune violence dans son attitude, il a voulu que je parle avec sa mère et est allé se cacher pour que je le trouve [8]. Il m’a semblé triste [9]... J’ai donc repris l’interprétation de son comportement en terme de demande avec la maman, posant comme une condition à la reprise de notre travail une prise en charge parallèle... Ce n’était pas possible au CMPP, donc consulter en libéral... et payer... d’une part, et en discuter avec le père pour entraîner son adhésion d’autre part. Mais, comme toujours, il est différent quand son père l’accompagne, et le père n’est pas aussi attentif à son fils que ne peut l’être la maman.

II - La transition

A la reprise de septembre Tom a donc semblé se déprimer ce qui m’a renvoyée à la dimension "psy" nécessaire à sa prise en charge. Il est suivi dans un cadre familial par un psycho-thérapeute, prise en charge que nous avons du préparer en réalisant une série de dessins qu’il m’a dictés.

Première semaine

Les modalités d’expression

-  Le premier dessin

Après ce premier contact [10], il ne voulait pas revoir ce monsieur [11] et me l’a dit par son dessin, utilisant toutes les sémiologies possibles :
un petit bonhomme schématique et en dessous un grand qu’il a gribouillé, traçant une croix sur la relation entre les deux et écrivant avec énergie « Nom » au-dessus.
Le crayon multicouleurs utilisé (pour le motiver à l’essayer, et à s’exercer chez lui) avait laissé une trace jaune et m’incite à lui faire réaliser le contexte de ses personnages, un nuage à gauche, celui de droite recouvrant partiellement (sans effet de transparence) le soleil. Le jaune apparu pour ce dernier lui sert à englober partiellement le bonhomme qui le représente.
Il signe son œuvre à ma demande puisqu’il a écrit nom au lieu de non et, sur cette même feuille, je trace des formes de base, le c (orientation du mouvement), la canne alliant courbe et verticalité, les lignes pour situer les hauteurs respectives des lettres... et pour qu’il écrive son nom correctement.

-  Le deuxième dessin

Je lui demande alors de dessiner le garçon, sur un autre papier, et sans appuyer, il dessine une tête, un énorme corps avec des appendices, style nageoires pour les 4 membres, qui emplit toute la page (cf. son dessin de la famille).

Il alterne des moments où il a envie de faire et avec des moments d’opposition ce que j’interprète comme ambivalence et autorise ainsi le chantage que j’exerce pour continuer avec lui...

Évolution de la Négociation et dessins dictés

Le lendemain, nous entrons dans la « Négociation » : dessin que j’impose et jeu qu’il choisit. Il choisit le jeu des dinosaures (sa mère sera présente à ce moment car il a voulu lui montrer son dessin).

— Premier point du contrat,
On commencera donc par le « dessin dicté », c’est à dire apporter des précisions verbales (et non déictiques) pour que je le dessine, sur les caractéristiques de l’objet et sa situation dans l’espace de la feuille par rapport à un paysage. J’y avais pensé pour l’aider à s’exprimer dans un champ utilisé en psychothérapie...

-  Le troisième dessin

Je dessine ainsi sur ses indications (étayage dialogique soutenu pour préciser, où, comment etc...)

un léopard qui mange un gigot de zèbre, des nuages, le soleil, un papillon qu’il reformulera à la fin en chauve-souris.

Il colorie le dessin, veut mettre la date.
Je mets le dessin avec celui de la veille dans une chemise, pour M.L.

Le contexte énonciatif
Il a du mal à me donner des indications, ce qui soulève le problème de la consigne. Pour s’exprimer, il y a la mise en mot, l’élaboration d’un récit, mettre de l’ordre dans ce dont on se souvient, inscrire le temps de l’énonciation.
Nous parlons alors de la classe, il en dessine le plan, ce qui s’y passe, les copains [12] , comment se passent les devoirs à l’étude...

L’investissement cognitif
Je lui donne le boulier à manipuler pour vérifier sa connaissance des séries de nombres : faire à l’endroit, à l’envers. Nous reprenons la décomposition, unités, dizaines qu’il voit à l’école en CE1, pour favoriser son autonomisation mentale, et la capacité à changer de point de vue qu’implique la compréhension d’une consigne par rapport à certains automatismes.

— Le deuxième point du contrat
Pour le jeu des dinosaures (qu’il avait justement choisi chez le psy [13] et qu’il a retrouvé dans le placard), après une recherche des informations, nous réalisons une classification des familles pour pouvoir jouer avec une partie seulement la fois suivante.

Discussion

Son dessin pose le thème de la loi de la jungle mais laisse apparaître, par l’échange de paroles, une première transformation : du papillon à la chauve-souris [14]. Il établit lui-même un lien avec cette rencontre avec le psy, en choisissant le jeu qu’il a choisi là-bas.

Deuxième semaine

Le lundi, il explore le matériel de jeu (panier, jouets musicaux) sans s’y attarder, pose des questions par rapport à ses phobies, et revenant à la table, tombe sur l’ombre des chats qui lui plait énormément (il s’agit de retrouver l’original). Il a oublié le jeu.

Pour la partie travail, nous changeons de pièce et je commence ce jour là par l’ordinateur. Recherche de l’intrus (sémantique). Il se pose sur un coussin qui exige de trouver l’équilibre.
Il se sert de sa main droite [15], il se penche en avant et pose le doigt sur l’écran.
Il a trouvé un coussin et demande à quoi il sert : je lui explique qu’il est mou (microfibres) il y laisse l’empreinte de ses mains...

J’exige de regarder ses cahiers pour vérifier où il en est... il écrit beaucoup mieux...

-  Le quatrième dessin

Il demande le soleil au milieu (entier). Une branche au milieu en bas (discussion pour savoir si elle est cassée d’un arbre ?) pour que je dessine un Koala dessus. D’autres branches de chaque côté, posées ( ?) par terre. J’ai donc posé la ligne de terre car il faut bien que l’arbre vienne de quelque part...
Les deux nuages, un de chaque côté (moyens ?) je demande également noir ? gris ? Il retient gris.
Il veut un dragon, je déclare forfait et lui passe le crayon, ce qu’il accepte. Et il le dessine. Nous n’avons plus le temps, ce sera à raconter le lendemain.

Discussion

-  Il se questionne donc et je lui ouvre quelques pistes indirectement d’ailleurs, par le type de questions que je lui pose (il doit me guider) et le fait que lorsque je ne peux poursuivre, il accepte de s’impliquer en participant directement au dessin.
-  Le « travail » en ouvre d’autres en mettant le sens au cœur du questionnement : trouver celui qui ne vas pas avec les autres dans la variété des points de vue. Il a du mal à catégoriser verbalement et comme toujours, face à la difficulté, passe immédiatement à autre chose. Nous sommes bien au cœur d’un travail qui annonce la prise en charge psy à venir.

Les supports de l’expression de l’angoisse

Le mardi, le lendemain, il est opposant.

Nous commençons par le récit du dessin de la veille :

“là le petit koala regarde le serpent. Il est assis sur une branche pour le manger. Le dragon va dévorer le singe.”

Nous passons au travail. Je lui fais faire de l’ordinateur : reconstitution de phrases en déplaçant les mots qui la constituent, en lien avec la progression scolaire.

Discussion

-  Une thématique liée à l’angoisse de dévoration apparaît, dans la mesure où il ne s’agit plus d’un gigot mais d’animaux pouvant entrer dans un jeu d’identification, avec la question sous-jacente de qui mange qui ? [16]
-  Le récit intègre finalité et projet : l’angoisse est ainsi médiatisée par le discours. Nous travaillons donc sur le lien de sens qui surgit dans le rétablissement de la phrase.

Troisième semaine de cette préparation à la prise en charge psy

Le lundi, il avait demandé à faire un dessin pour chez lui, ce que je renvoie au lendemain [17], mais celui du jour comporte :

-  Le cinquième dessin

Il va s’éclater en dessinant et dans ses commentaires spontanés.

Je dessine au crayon noir un éléphant à droite (je le mets trop haut, il ne m’avait donné aucune indication), je propose de l’eau qu’il reformule en une rivière pour le bas. Je dessine des rochers. Il me demande une branche pendant que je dessine un poisson qui ne lui convient pas. Je lui passe le crayon jaune pour le soleil, qu’il dessine comme un bonhomme avec des rayons qui vont partout) tout en verbalisant.

“Ils sont tous morts. Jaune le soleil, trop chauffé, écrase tout, un gros méchant.”

Il s’énerve et commence à partir dans tous les sens avec violence dans ses traits. Je décide de l’accompagner avec une autre couleur.

“Une tempête, un ouragan” (violet)

Je garde le rouge, gribouillant de façon classique, avec une grande croix au centre de son gribouillis jaune, lui l’orange "piquant" le dessin..., jusqu’à réaliser de brèves courbes comme au hasard...
Puis il se met à dessiner un personnage avec une sorte de poche qui part de sa main et un drôle de chapeau d’une toute autre facture.

“Un elfe apparaît, non, un bonhomme d’amour”.

Je lui fais alors faire de l’ordinateur : segmentation de mots [18] en identifiant le nombre de syllabes. Puis reconstitution de deux mots enregistrés simultanément et écrits par moitié l’un au dessus de l’autre. Il a failli renoncer mais s’aperçoit que ça marche. Il est très content. Il veut un autre exercice et se trouve avec la place d’écrire dans le même logiciel dont le cadre est très apaisant : afrique du sud, amérique du nord, la nouvelle zélande, rugbyman, avec de nombreuses erreurs en tout genre...

Discussion

-  Il utilise complémentairement tous les modes sémiologiques d’expression : dessin, couleur et mots, ce qui l’encouragera à écrire sur l’ordinateur de façon autonome après avoir fait des exercices de segmentation et d’identification d’unités se recouvrant dans le champ des perceptions auditives, avec support visuel.
-  L’agression cannibalique a cédé le pas à celle des forces de la nature. (cf. Lucas Du cannibalisme au quotidien)

Le passage

Le lendemain, mardi, dernier jour avant de commencer avec le psy

-  Le sixième dessin

Il fonce sur la feuille posée à sa place, et fait rageusement un bonhomme ( ?) gribouillis et écrit en long à côté ‘je ne veu pa travai’.

Considérant que cette demande m’est peut-être également adressée, je le laisse jouer donc (pour traiter son dossier) avec ce qu’il trouve dans le placard : il sort la balance, joue avec des fruits/légumes en plastique, parlant de dînette et moi de marchande mais reste à faire seul ses observations, sans avoir l’usage de la fonction des poids qu’il pose en plus des fruits et légumes sur les plateaux.

Il range (je l’avais posé comme règle) puis prend la boite de guide-langues, me demande à quoi ça sert, les pose sur la table, veut un bonhomme pour lui apprendre à parler, je dis à aller mieux (et ferai allusion à M. L et moi-même en le rapportant à sa place dans le jeu) et pense au coffre au trésor pour avoir des bonhommes (il ne veut pas des marionnettes). Il en prend un (cf. jeu symbolique) et essaie sur lui plusieurs vêtements, lui enlève sa culotte et me demande de l’aider pour la remettre :

“c’est difficile car très petit... ”

Il est très calme et vient ensuite sur l’ordinateur retrouver « sensonaime », décor spécial dys (musique et paysages de fond que je lui fais remarquer au passage). Il veut retrouver de lui-même le réglage mais je lui dirai qu’il n’a pas à le faire (il a atterri dans un de mes fichiers !) Il réussit les exercices de la veille. Au moment de partir, je lui remets le fichier de ce même logiciel où il peut écrire et nous reprenons les mots écrits n’importe comment la veille (il voulait écrire autre chose [19] mais j’insiste pour les corriger avec lui au lieu de fuir ailleurs comme il fait toujours de lui-même).

Discussion

-  Nous avons eu chacun notre codage de ses activités, lui toujours dans la demande affective (dînette), alors que j’insistai pour ma part sur l’aspect pragmatique (activité sociale) et l’aspect échange (relationnel) en parlant de marchande... avec la balance. Avec le choix des guide-langues, il est dans l’expression de son besoin, synthétisant le « travail » de préparation à l’expression de ces dernières semaines, et par son commentaire me permet de l’interpréter en donnant une finalité aux interventions thérapeutiques, celle du psychologue comme la mienne.
-  Je lui ai proposé alors un travail « technique » sur la langue reprenant sa problématique psychologique, où la décomposition de ce qui est perçu globalement sert à mettre en place l’analyse qui permet ensuite de retrouver l’identité de deux mots alors qu’ils sont présentés comme, en quelque sorte, « fusionnés ». Le retour sur les mots qu’il avait choisi d’écrire leur donne la forme attendue.

III Pour ne pas conclure : La reprise du « travail » orthophonique

Nous sommes en octobre, Tom est suivi comme je l’ai souhaité. Nous allons pouvoir travailler, à tout sauf écrire peut-être ! Jusqu’à la prochaine crise, aux vacances de Noël [20].

Le premier jour, il dessine spontanément avant de me rejoindre deux têtes de mort, une petite et une très grande en dessous. Je lui avais donné des feuilles de préparation à l’écriture pour la maison (sinusoïdes). Est-ce sa façon de répondre à mon retour au technique ? Il ne fait aucun commentaire mais se précipite dans l’autre pièce.

Je lui laisse l’initiative et il réclame le corps humain, demande renouvelée pratiquement à chaque séance.
Il va parvenir à maîtriser ses impulsions et tenir compte des paramètres impliqués dans le logiciel, représentant les fonctions du corps humain.

J’insiste parfois sur des exercices pour consolider son langage et assurer ses apprentissages.

Début décembre, il réalise un superbe dessin de ses héros préférés et veut écrire leur nom. Je lui montre comment faire les lettres et il fait une série de e e e e mal posés (j’ai une pile de tracts à cet usage, ce qui permet de mettre à la poubelle tout ce qui ne va pas) qui vont devenir ‘l’ pour pouvoir s’orienter dans l’espace d’écriture. Il est très intéressé par mon geste, les repères etc...

Mais...le père téléphone au psy en janvier qu’il ne souhaite pas poursuivre. Avant d’en être informée, j’en reparle à la mère qui reprendra contact et obtiendra rapidement un rendez-vous car les vacances ont été fatales à Tom. Rien ne va plus au niveau du comportement, ce qui perturbe ses apprentissages. Il est évident qu’il s’agit d’une nouvelle demande de sa part car, dès que sa mère lui annonce qu’il va reprendre avec le psy, non seulement il est d’accord mais le comportement symptomatique de son mal-être s’arrête. À suivre


[1] Nous avions « travaillé » sur sa phobie de l’orage un jour où il y en avait eu un, énorme, en passant par le dessin pour comprendre ce qui s’y passait, éclairs, tonnerre, compter pour savoir s’il s’éloigne etc. en utilisant ainsi une mise à distance de type, « intellectualisation » après l’expression du ressenti par son dessin même.

[2] Il les avait déjà pris pour jouer et le symbole sexuel qu’ils représentent dans notre culture me semble en relation avec les pulsions des garçonnets de cet âge pour légitimer ce support.

[3] J’avais un projet rééducatif mais la situation m’impose de le modifier : entrer en relation avec cet enfant qui est là par force en quelque sorte, communiquer avec lui, redeviennent prioritaire. D’autres lectures de cette séance sont tout à fait possibles...

[4] On procède parfois ainsi avec des enfants autistes, reprenant les comportements des premiers temps de la communication mère/enfant, pendant le change par exemple : échopraxie, écholalie... (Cosnier, Stern...)

[5] J’y vois une autre façon de dire qu’“il n’est pas beau”... ce qui avait été induit par sa relation avec une nourrice et se trouvait au cœur de sa difficulté de « séparation ». Je lui apporte une information sur leur relation car sa mère le reprend à son compte... Il s’agit d’un exemple de reformulation dans le cadre d’une guidance parentale (cf. Hayez adaptant la relation d’aide de Karl Rogers). Elle n’est efficace que lorsque les parents sont prêts à effectuer le déplacement qui favorise l’élaboration du conflit.

[6] le choix de ce jeu fait référence à une séance du début de la prise en charge, mallette évoquant un coffre au trésor où se trouvent des cubes de formes variées qui permettent un jeu d’équilibre et un ensemble de personnages, animaux anthropomorphes (habillés), qui lui avaient permis d’amorcer un jeu symbolique...

[7] Certains n’acceptent pas que je ne sois pas strictement orthophoniste, en tant que centrée uniquement, de leur point de vue, sur le geste technique.

[8] L’objet caché/trouvé de Winnicott.

[9] La dépression, ouverture à une élaboration oedipienne (M. Klein).

[10] Il avait eu un premier rendez-vous tout de suite, ce qui nous a permis de garder le rythme hebdomadaire de nos séances (2 en début de semaine)

[11] Le premier contact avait réveillé ses peurs anciennes de chez la nourrice. D’après la mère il ne veut pas y retourner car il faisait sombre, alors que quand il vient en rééducation il fait clair et tout est plein de lumière

[12] C’est un enfant qui semble avoir du mal à s’en faire...

[13] Un certain délai a été prévu pour la séance suivante et nous laisse le temps d’intégrer cette nouvelle situation relationnelle...

[14] Dans la série de dessins où le nuage a pris forme et sens, Benji a recodé le dernier de "diable" en "chauve-souris"

[15] Je rappelle que c’est la main droite qui permet d’orienter le geste (cf. pré-graphisme) que réalise la gauche vers le point qu’elle désigne. Il n’a pas voulu pour autant changer de main pour tracer et écrire.

[16] Il a bien sûr eu accès quelques mois avant à un livre qui le met en scène.

[17] Il l’oubliera d’ailleurs.

[18] Le bilan d’une collègue avait noté des séquelles de retard de parole/langage.

[19] Je me recentre sur ma position d’orthophoniste plutôt que de lui donner un nouveau support d’expression, laissant cela au psychologue.

[20] Au moment où le travail avec le psy allait commencer vraiment, mais le rendez-vous n’avait pas été fixé.

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