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Expression et communication dans des dialogues thérapeutiques
MODALITÉS DE LA COMMUNICATION ET MODES D’EXPRESSION
mercredi 10 octobre 2007, par J.Zwobada Rosel


La situation de consultation repose sur un échange d’informations entre ceux qui connaissent l’enfant, et le thérapeute. Le principe de base qui la sous-tend est ainsi un "contrat de communication". Mais ces connaissances ne sont pas des savoirs objectifs et objectivables du fait de l’impact des relations préétablies par les statuts mêmes des participants. Comment favoriser un changement ?

Sur la base d’extraits d’articles qui rendent compte des modes de communication et de l’impact du contexte situationnel dans le fonctionnement même du dialogue, on donnera quelques indications sur ce qui se passe dans ces échanges et soutient le changement chez l’enfant, objet de la demande.

Du côté du praticien

LE DIALOGUE À TROIS PARTENAIRES : ENFANT - PARENT(S) - ORTHOPHONISTE [1]

“Comme dans toute interaction (voir partie suivante, son analyse), il y a au départ un contrat de communication qui s’établit entre les interlocuteurs [2] Il y a attente d’un changement chez l’enfant de la part de deux des pôles (figure suivante), les parents et l’orthophoniste, mais souvent l’attente des parents le situe "en langue" alors que l’orthophoniste l’évalue "en communication". Le décalage de cette attente implique, dans l’esprit de l’orthophoniste, un changement de contrat qui ne peut se dire : l’interaction thérapeutique a ainsi pour finalité de modifier les attentes et les modes de communication.
-  Ce sont les parents qui formulent la demande pour l’enfant, qui parlent pour lui, et même si l’orthophoniste essaie de le solliciter, les parents font écran et, de ce fait, il ne peut guère répondre.

Les dominantes des interactions sont alors orientées (en rouge) :
-  Parents-> Orth : demande/informations
-  Orth -> Parent... éclaircissements
-  Orth -> Enfant... sollicitation/questions
-  Parents-> Enfant... régulation sociale/reprise sollicitation / questions

Enfant(en noir) -> Orth/parents...non-verbal/répond parfois

L’orthophoniste souhaite que l’enfant puisse parler de lui-même, pour lui-même, à quelque interlocuteur que ce soit. Le dire dès le départ, verrouillerait la situation. C’est pourquoi le travail avec les parents présents, fait partie de la démarche qui permet le changement :

Les parents parlent ainsi pour l’enfant au départ, et à l’arrivée chacun a trouvé sa place, l’enfant parle pour lui” (*55). Cette situation ne concerne pas que les enfants les plus jeunes.

Comment s’effectue ce travail avec les parents au cours des prises en charge ?

Pour ma part, j’utilise le plus souvent possible des montages vidéos pour compléter le travail de guidance parentale effectué lorsque les parents assistent aux séances, ce que j’ai pu faire avec une famille avec des jumeaux (Justin et Paul), ou un enfant bègue (Manu) [3] mais cela pose d’autres problèmes et ne marche pas toujours : les parents d’Elie n’ont pas été intéressés par le contenu de la première cassette et ont même interrompu la prise en charge au moment de visionner la seconde.
Les deux exemples proposés dans le film vidéo et l’article qui l’explicite (*44), concernent des enfants de moins de 5 ans (Juju [4] et Victor).
Lorsque l’enfant est plus grand, ce schéma intervient également mais se centre soit sur des aspects techniques (ex. de Sandra ci-dessous), soit sur des aspects plus relationnels (Amin).
-  L’entretien à trois permet à chacun de donner son point de vue, et de travailler, dans le jeu des alliances temporaires, à leur modification,
— que ce soit le point de vue des parents, réaliser que l’enfant est dans un mode de fonctionnement différent de celui qu’ils ont eu eux-même dans leurs apprentissages,
— et pour l’enfant, accepter de changer celui qu’on a encouragé jusqu’alors dans sa famille comme à l’école.
-  Il peut porter également sur la mise en évidence d’un mode de fonctionnement familial, à partir de celui d’un des interlocuteurs, en particulier dans un contexte interculturel.

  • Au retour des vacances de février Sandra ne veut plus poursuivre sa rééducation. Sa mère lui explique qu’elle ne peut ainsi rompre son contrat et nous reprenons notre travail en nous remettant à la base phonologique de certaines de ses difficultés d’orthographe : en CM2 elle a encore des fautes dites de type « phonétiques ». Nous transposons les « tableaux » jusque là dans un grand classeur, sur un format plus réduit (photo) qui permet d’avoir sous les yeux les deux systèmes vocalique et consonantique pour placer les mots segmentés dont il faut « entendre » les constituants sonores. Nous jouons donc à « montrer » les voyelles, bases de la syllabe, celle de base puis sa variation orthographique, et incidemment les consonnes, en utilisant un support visuo-spatial, globalisant, avec le pointage qui désigne en la cachant, la lettre pour faire le son. La consigne dépend de la difficulté du mot. Elle accepte enfin ce travail sur « entendre » et s’en amuse même. Mais il lui faut s’y entraîner et nous convenons de « former » la maman à sa tâche de répétitrice. Nous entreprenons de la « rééduquer » à deux dans cette démarche, mère qui comprend bien qu’elle n’a pas les réflexes qui peuvent aider sa fille et s’efforce de comprendre comment faire pour y parvenir.

-  Parallèlement je reprends sous forme de commentaires, cette autre façon d’être de cette fillette qui, pour la première fois, s’approprie toutes mes analyses de ses difficultés. Elle n’a pu l’entendre et se l’approprier que dans cette relation à trois.”

"Guidance" ou "accompagnement" ?

Les parents ne peuvent imaginer qu’il existe d’autres modes d’apprendre que le leur et c’est ainsi que le travail du soir s’effectue dans un climat de tension, voire de conflit, qui ne peut se résoudre en paroles informatives mais s’intègrera, à l’usage. Dans les entretiens à plusieurs qui en découlent, la discussion a l’avantage de la situation triangulaire que j’ai présentée ci-dessus : les problèmes relationnels sont étudiés en pratique et non, seulement, en discours. Je montre en actes, comment “être avec” l’enfant, par une sorte de modèle comportemental, psychologique, lorsque ce modèle vise à l’autonomie par exemple, technique, lorsqu’il s’agit de savoir comment parler avec l’enfant sourd ou reprendre l’énoncé sous une forme correcte sans exiger que l’enfant le répète systématiquement pour un trouble de la parole ou un bégaiement.”
-  Il le fera de lui-même dès qu’il aura le plaisir d’y parvenir, dans le jeu entre vouloir, pouvoir, devoir, pour savoir.

Rappelons les caractéristiques que j’ai évoquées pour ce type de thérapie interactionniste par
• La disponibilité du cadre
• « Être avec » pour permettre l’effet de « résilience » lorsque le sujet est l’acteur de sa propre restauration
• Un étayage dialogique qui prend en compte des sémiologies différentes dans l’analyse de l’expression. Je vais les discuter du point de vue du chercheur.

Du côté du chercheur

Analyse du dialogue et interprétation

a) Communication et interprétation dans un dialogue thérapeutique

“Qu’une interaction soit ou non verbale, l’interprétation est au cœur même de tout échange entre des humains. Nous sommes des êtres de "désir" et de "pensée". Aussi est-ce en fonction de ce qu’on appelle en psychologie des méta-représentations du fait que nous attribuons à autrui un état mental : croyance, désir ou intention. Dans une interaction verbale, au-delà de la construction de la signification des informations transmises, la mise en jeu de l’interprétation sous-tend ce que sera notre mise en mots en réponse au "dire" de l’autre dans un système de représentations de type "vache qui rit".

Si l’intention [5] reste l’inconnue de la "boite noire" que représente notre pensée, l’analyse permet de retrouver ce qui peut se révéler dans l’échange de notre propre intention ou de celle de l’autre... La capacité métacommunicative est la condition de notre ajustement à la fois à l’autre et à son discours, dans un jeu qui nous échappe cependant dans la mesure où nous le contrôlons rarement. Et même alors, n’y a-t-il pas au niveau de notre attitude, de notre voix etc... comme de notre mise en mots, des données incontrôlables qui peuvent prêter à interprétation...
(...)
En tant que praticien-chercheur, je souhaite élargir l’analyse du dialogue à la prise en compte d’autres données de la situation (que ce qui relève d’une analyse linguistique), afin de répondre à une question que je pose depuis longtemps : "l’adulte (orthophoniste) s’adapte à chacun (des enfants), mais sur quels indices se base-t-il ?" . La question concerne les bases sur lesquelles s’effectuent les enchaînements dans la dynamique d’un dialogue inégal (F. François 1990), en particulier lorsque le non-verbal tient une place prépondérante du fait des difficultés de communication de l’enfant.

  • L’interprétation dans une interaction thérapeutique : le Cadre de l’étayage

En effet, le concept d’interprétation est à la base même d’une conduite d’étayage dialogique que je spécifierai toutefois dans un double champ, en prenant en compte le développement affectif aussi bien que cognitif. Point de vue cognitif, car cette démarche thérapeutique reconnaît un projet d’insertion sociale, voire scolaire. Mais aussi, et d’abord, point de vue relationnel car il s’agit d’amener l’enfant à trouver sa place de sujet "psychologique" par rapport à un mode de fonctionnement familial qui ne lui permet pas de s’autonomiser. Un socio-linguiste dirait devenir "acteur social".

Dans le champ du cognitif, Vygotski a décrit ce qu’on appelle maintenant avec Bruner "l’étayage" en fonction de la "zone proximale de développement". (Cf. Psy et SNC 2003 p.5) Au-delà du cognitif, il s’est placé d’un point de vue pragmatique, mais d’abord psychologique, en insistant sur la relation à la conscience et au développement social de l’enfant. Le modèle d’étayage décrit par Bruner pour la résolution de problème, peut également rendre compte de ce qui se passe dans le champ de l’affectif (cadre thérapeutique), pour l’évaluation comme pour la résolution de problèmes de quelque ordre qu’ils soient. Il s’agit donc, pour l’adulte, de s’adapter à l’enfant en formulant des hypothèses en fonction des premières interactions de la situation etc... mais aussi en fonction d’un savoir implicite qu’il a sur cet enfant, sur le fonctionnement psychique en général, et de la connaissance d’autres modèles favorisant l’analyse des corpus recueillis.

b) L’interprétation dans l’adaptation à l’enfant :

  • Adaptation à l’enfant dans l’ici et maintenant du dialogue

Pour rester dans le "cognitif", cette adaptation s’effectue en fonction des productions verbales de l’enfant en ce qu’elles informent sur les problèmes de compréhension qu’il rencontre. Elles donnent lieu alors à des modifications de place discursive, de thèmes, des commentaires explicatifs et/ou informatifs etc... qui vont être régulés en grande partie en fonction de ses réactions non-verbales :
— dans le champ de la parole, silences, manifestations para-linguistiques, intonation, chuchotement etc...,
— manifestations comportementales, agitation psycho-motrice, manipulations, air absent, sourire écran etc... L’interprétation prend alors en compte, non seulement les énoncés verbaux mais l’ensemble de ces paramètres.

Cependant, en fonction de l’étayage même, le dialogue intègre souvent une analyse explicite de la motivation, éventuellement la réactualisation du contrat si la relation le permet, la dédramatisation de l’absence de réussite etc... car il s’agit d’enfants pour lesquels on note l’échec des modes d’approche de type cognitif dans une relation strictement pédagogique.

  • Adaptation en fonction d’un "amont"

Dans l’orientation du dialogue, il y a ce que je connais des énoncés produits antérieurement dans d’autres séances de ce même enfant et avec d’autres enfants (intertexte BAKHTINE), eux-mêmes "interprétés" inévitablement dans une dimension historique, spécifique à cet enfant, en fonction de l’évolution du "cas". S’appuyer sur cette connaissance me permet d’établir des liens, de tenter de donner un sens, provisoirement, à l’occasion d’un moment de recul-réflexion, en organisant l’ensemble des éléments dont j’ai connaissance.

  • Adaptation en fonction d’un "aval"

Pour ne pas dire d’une "intention". Que ce soit dans une activité de type cognitif ou impliquant des processus projectifs (comme certains dessins ou certains jeux pragmatiques à visée de socialisation qui deviennent jeux de rôle), le projet d’étayage implique plusieurs orientations, en particulier énonciative, du côté du sujet et du relationnel, et élucidatrice, du côté du cognitif et des apprentissages.

Le dialogue enregistré montre l’importance accordée à l’accord et/ou au désaccord que manifeste l’enfant sur les (re)formulations, choix etc... au décours du dialogue, traces de son implication dans la situation interactive, qui marquent sa position de sujet "actif" et non, seulement, sa présence ("passif") cf. les "oui", "oui"... qui rejoignent au niveau verbal le sourire figé évoqué ci-dessus.

A l’occasion des quiproquos qui surgissent, la reprise d’un des signifiants va introduire une rupture, un effet d’interprétation par restructuration, que j’aie compris ou non ce que l’enfant a voulu dire. En effet, il peut s’agir d’une stratégie particulière qui aménage, en fait un espace temps pour la liberté du sujet, dans le dialogue inégal d’un adulte avec un enfant.

Cette liberté n’est pas toujours respectée. Un contre exemple illustrera la nécessité d’une telle adaptation. Je rappellerai la citation d’un adulte dyslexique avec troubles du langage etc., dont deux enfants présentaient également des difficultés à l’écrit. Il me dit, au cours d’un entretien sur ses enfants, en parlant avec souffrance de sa propre enfance :
-  "ma mère, elle m’a toujours compris... elle m’exprimait [6]... elle parlait pour moi".

  • Interprétation dans la démarche même du dialogue :

Puisque le dialogue fonctionne dans un jeu entre continuité et déplacement, où situer, dans une analyse de conduites langagière, le déplacement qui le fait "fonctionner" ? On peut regrouper :
-  au niveau catégoriel, l’intervention de changements :
de catégories linguistiques
de champs et traits sémantiques
-  au niveau interactionnel :
l’intervention de la pragmatique, de l’interprétation des données des situations d’interlocution, de production etc...
la manifestation de différences de point de vue lorsque l’enfant l’autorise, ce qui peut parfois donner lieu à un déplacement, de type interprétation "métaphorique", en référence à tel ou tel cadre théorique.

c) Fonction du cadre interprétatif :

Au niveau du fonctionnement psychique, le dialogue amène à faire penser l’enfant dans un cadre "contenant", d’abord espace transitionnel (cf. Posters).

  • Analyse de l’interprétation dans ce cadre

L’interprétation se réalise ainsi dans l’emboîtement des contextes. (Cf. Tableau ci-après)

— Le contexte explicite, "donné dans la situation" comprend non seulement le contexte linguistique verbal, mais aussi le contexte extralinguistique auquel il est corrélé par les auxiliaires gestuels, mimiques etc...
— Le contexte implicite est particulièrement important dans une situation thérapeutique, du fait de l’âge de l’enfant et de sa problématique.
-  Il y a MÉDIATION, nécessité d’un support pour l’échange verbal, support qui pose ses propres règles, que ce soit dans la lecture d’images ou dans le jeu par exemple.
-  Il y a également, un espace de REPRÉSENTATIONS SOCIO-CULTURELLES qui implique de l’attendu,
-  une construction de RELATIONS INTERPERSONNELLES qui implique également de l’attendu mais aussi de l’inattendu pour qu’un changement puisse se manifester par rapport aux interactions précédentes.

Dans un cadre thérapeutique, il y a L’HISTOIRE de ces relations interpersonnelles, avec les parents comme avec l’orthophoniste.

  • Le contrat de communication et les formes de l’interaction thérapeutique

Comme dans toute interaction, il y a au départ un contrat de communication qui s’établit entre les interlocuteurs. (cf. du côté du praticien)
S’il s’agit d’un trilogue au départ, il revêt plusieurs fonctions selon son contexte dans la prise en charge, ce qui implique le changement dans les relations.
Ce changement implique un fonctionnement du dialogue dans des interactions dont le nombre de participants n’est pas régulier, de 3 au départ (demande pour, parler pour...), on passe à 2 (relation duelle avec l’orthophoniste), puis à 3 (guidance parentale avec alternance aléatoire des situations de dilogue et de trilogue (*38).

Il peut revêtir différentes formes.
• La conversation, où l’objet de discours se construit dans l’échange même, n’est pas le type de dialogue le plus fréquent.
• Il y a le plus souvent médiation, par la manipulation d’un objet par l’enfant, par le jeu, jeu de socialisation et/ou de symbolisation (*39), par la lecture, que ce soit d’images ou de livres (*40), par la langue dans les activités qui mettent en jeu la fonction métalinguistique (*43) etc...

En outre, l’âge, et éventuellement la problématique de l’enfant, sont des facteurs de variation importants au niveau de la situation où s’inscrit le dialogue thérapeutique.

  • Le déroulement des échanges

L’analyse du déroulement des échanges va donc être en étroite relation avec les facteurs situationnels proprement dit qui déterminent en partie les places et rôles d’un point de vue interactionnel ou psycho-langagier :

Que se passe-t-il dans un dialogue à deux comme à trois, considéré comme un espace d’échange ?

Son analyse est fonction du cadre du fait des nombreux facteurs de variation. On peut tenter d’en effectuer une mise en ordre en fonction de niveaux ou de points de vue différents. La variation s’analyse par exemple :
-   Sur le plan inter-communicationnel, elle concerne les MODES DE PRISE DE PAROLE. On repère des commentaires d’action, des récits à deux, comprendre un exercice par l’étayage (Bruner 1983) d’un dialogue inégal... (*42)
-   Dans une perspective psycho-socio-langagière, en fonction de l’attente et du changement de cette attente, on s’interroge sur le plan des RÔLES DE PAROLE, sur qui parle au nom de qui ? qui soigne qui ? (*47) Ainsi, dans un jeu, il y a le rôle distribué (cf. maman, bébé Stie Corpus long vidéo) du point de vue de la socialisation et le rôle interprété d’un point de vue psychologique, ce qui introduit de l’inattendu ; mais aussi le rôle de l’étayage langagier dans un recadrage "méta" lorsque l’orthophoniste explicite un contexte verbal ou situationnel par des commentaires "hors jeu" souvent marqués comme tel au niveau paralinguistique etc. (Juju) Autour du livre, le métadiscursif domine les interactions sans en exclure d’autres (Vincent).
-   D’un point de vue discursif, la typologie des modes de participation est encore plus difficile à établir, elle reste ouverte donc. Peut-on décrire un certain nombre de normes ? Les approches classiques (François 1993) privilégient l’analyse de l’étayage du point de vue des enchaînements ce qui rend compte de la circulation discursive du texte que constitue le corpus. Cependant ces analyses ne prennent en compte ni la finalité de l’échange ni son organisation textuelle en fonction de la spécificité de la situation (premier entretien, médiation posant certaines règles etc...). La situation peut faire en sorte qu’on soit amené à remplir tous les rôles discursifs sans pour autant que ces changements correspondent à une efficacité dans l’interaction du fait du décalage de la mise en œuvre de la règle de coopération.
Le dysfonctionnement du dialogue entre deux des interlocuteurs est alors révélateur d’un problème plus général même s’il se situe dans le cadre de l’acquisition du langage (cf. Lucas "Le bateau") (*31 *33). Ce qu’on recherche alors le plus souvent, est du registre des conditions de la communication pour susciter une modification des modalités des échanges.

L’activité support observée dans les corpus présentés ci-après entraîne ainsi différents types d’ACTES DE LANGAGE : un commentaire d’action pour la réalisation du puzzle dans le corpus “phare” de Juju "Les deux mains", et, du fait d’un travail avec le livre, des questions pour soutenir l’étayage d’une conduite de récit dans le corpus de Vincent.

L’analyse des modes de participation va devoir tenir compte de données autres que seulement verbales. Les enchaînements se réalisent dans un transcodage qui implique l’interprétation, par celui qui met en mot, de ce qu’il observe de ce qui se passe dans l’interaction, rapporté à ce qu’il sait d’interactions précédentes.”

  • La part du non verbal

Du côté des théories
Ainsi, d’un point de vue interactionnel, les énoncés sont réalisés dans une interaction à plusieurs partenaires, dans une situation particulière, avec toutes les implications ”fantasmatiques“ que les composantes de cette situation peuvent susciter “pour obtenir, comme l‘a souligné Argyle (1978), un compromis économique entre les tendances contradictoires plus ou moins marquées de l’interaction”. La synchronisation interactionnelle qui se manifeste est le résultat de deux processus complémentaires à l’œuvre dans toute interaction : la régulation interactionnelle et l’accordage affectif” (Cosnier).
Dans une approche psychologique, le GEDAM (De Roten, Fivaz (1992)) tient compte, pour caractériser un fonctionnement “dyadique” mère-nourrisson aussi bien des impressions cliniques du psychologue que de l’organisation globale des échanges, des négociations, des modes d’interaction privilégiés... L’accordage affectif (Cosnier 1992) implique une évaluation attributive qui pourrait mettre en jeu une “échoïsation corporelle” et la perception empathique avec ses effets de convergence, de divergence et de complémentarité. Les grilles de ces chercheurs ne prennent en compte (il s’agit de bébés) que les composantes motrices des interactions.

Dans la pratique
Pour ma part, je prends en compte l’ensemble du corpus, considérant que les productions verbales énoncées ont une incidence sur l’interlocuteur qu’il en ait ou non conscience, c’est-à-dire qu’il soit ou non en situation de les interpréter en tant qu’énoncés compte tenu de ses problèmes de langage.

Mon interprétation de praticien impliqué dans la situation, et plus tard, de chercheur dans l’analyse que je fais de l’interaction, prend ainsi en compte le "corps communiquant". Dans cette approche déjà évoquée, Cosnier (tableau ci-après) fait référence à la contribution sémantique du corps à l’énoncé et à sa participation à l’énonciation dans l’interprétation d’un "énoncé total" [7].

Je rappellerai que le corps intervient dans la construction de l’énoncé verbal en particulier par la participation de la mimo-gestualité : dire "non" de la tête (geste quasi linguistique, dans le deuxième corpus), mais aussi pour désigner l’objet en accompagnant le geste d’un déictique (cf. "là" dans le premier corpus, lorsque l’enfant déplace la localisation du jeu aux mains, la fonction de désignation étant alors portée par le regard).

Pour illustrer l’apport du non verbal, je commenterai les deux corpus vidéos courts présentés ci-après (Juju et Victor). Ce qui se marque de façon la plus évidente dans ces deux corpus, comme CADRE PHYSIQUE MÊME DE L’INTERACTION, correspond aux têtes à la même hauteur, au respect d’une distance intermédiaire entre "intime" et "personnelle" par l’orthophoniste.
-  Pour le premier des corpus, on remarque l’attention portée à la gestualité fortuite de l’enfant pour introduire des gestes conventionnels dans le cadre de routines culturelles (bravo, les marionnettes).
-  Dans le deuxième, on remarque plus particulièrement l’adaptation des questions aux réactions de malaise ou de retrait de l’enfant.

C’est ainsi que :
Le corps participe à l’énonciation en particulier par la contribution de la gestualité à la synchronisation interactionnelle mais surtout, dans ce type de corpus, dans ce qui se manifeste au niveau du corps (avec les postures, mimiques, mouvements qui régulent les distances) de la disposition psycho-affective entre les partenaires de l’interaction.
Son analyse repose sur une interprétation globale de différents indices, portant, notamment, sur la position, les postures, les déplacements du buste, de la tête, des mains, du regard, indices physiques aménageant la distance. Mais il faut tenir compte également des déplacements effectués dans le dialogue verbal, des changements de registre de voix, d’intensité etc... dans la mesure où chacun de ces types de déplacements participe à la régulation de l’échange comme à la construction de la signification dans l’interaction à deux comme à trois partenaires.

Pour reprendre tous ces points j’ai adapté un article de Tatiana Slazacu à ma propre problématique et à ma façon d’interagir avec l’enfant. [8] Il m’a semblé indispensable d’introduire dans les données constituant le contexte, la dimension de l’implicite partagé dans l’histoire même des relations antérieures qui influencent le jeu des représentations (support de la connivence), ce qui constitue les éléments d’une “histoire” de l’enfant (réticence (Victor), souffrance du handicap (Juju)), tout comme le support matériel de la rencontre (livre, puzzle), médiation qui n’est pas sans incidence sur son déroulement (réussir, identifier les éléments dessinés, les situations etc...).

Si je prends en compte les données de Cosnier (1980) ce tableau peut être complété : "les auxiliaires gestuels, mimiques" du contexte explicite participent à la constitution d’un
ÉNONCÉ "TOTAL" du "CORPS COMMUNIQUANT"
en articulant le corps dans sa double fonction :
— corps énoncé : contribution sémantique, cf. mimo-gestualité, gestualité codée
— corps et énonciation : synchronisation interactionnelle.


[1] (sur la base d’extraits de *44 pp.315-316 et de la thèse)

[2] j’utilise le terme trilogue car il spécifie le type de relation engagée alors que « dialogue » signifie « parler à plusieurs » sans en spécifier le nombre.

[3] Des films concernant ces enfants font partie des Annexes de la thèse

[4] (corpus "Les deux mains")

[5] J’en resterai, pour l’analyse, au niveau manifeste de l’ordre de l’explicité et de l’implicite (cf. ci-aprés), celui qui "gouverne" nos relations en ce qu’elles sont socialisées. On implicite ainsi pour un enseignant, une intention d’ordre pédagogique versant "didactique", pour les parents, d’ordre pédagogique en général et en rééducation d’ordre thérapeutique

[6] On ne peut manquer de penser... au citron dont on "exprime" le jus dans le cadre de cette relation d’emprise (*8 et *13)

[7] "Total" est à entendre comme englobant plusieurs points de vue dans l’approche du corpus et non comme une "totalité" en soi.

[8] Je le trouve plus simple que celui que propose Kerbrat-Orrechioni sur le même thème : les composantes de la communication à la base de l’interprétation.

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