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Musique et apprentissage
A DÉFAUT D’INTÉGRER L’EXPLICITE, QUEL RÔLE POUR L’IMPLICITE ?
jeudi 15 mars 2007, par J.Zwobada Rosel


Pourquoi prendre la musique comme support de l’analyse des modalités de la théorie de l’apprentissage ?

Dans l’approche phénoménologique qui est celle de ce site, analysant le vécu des informateurs comme des intervenants, on s’interroge sur ce que de récentes orientations de recherche dans le champ des neurosciences cognitives peuvent éclairer des parts respectives de l’implicite et de l’explicite dans cet apprentissage, et par là même de certains des processus en jeu dans la lecture.

Post-propos : guide de lecture

J’avais inséré dans le forum de A propos de musique, à la demande d’un lecteur de l’article, un commentaire qui permettait d’avoir un fil conducteur pour suivre mon propos. Je le reprends donc ce 2 mars 2008.

En ce qui concerne l’article, la question posée est celle de l’apprentissage, considéré d’un point de vue cognitif donc. Ma démarche est de situer mes difficultés pour montrer comment avec d’autres symboles, les difficultés de "lecture, déchiffrage, assimilation donc compréhension" d’une partition correspondent (tout comme pour la lecture d’un texte) à des difficultés à différents niveaux sur le plan cognitif : il y a les problèmes de perception certes, il y a les problèmes de planification, mais toujours le défaut de ce qui permet d’automatiser l’apprentissage à un niveau pour qu’il puisse se coordonner au niveau suivant, et arriver à la combinaison de toutes ces approches. C’est le rôle de ce qu’on appelle les fonctions exécutives, mettant en jeu le lobe frontal principalement.

On a pu voir dans mes interventions dans le forum sur la musique, ce qui est au cœur du problème peut-être, cette incapacité à "lier" rythme et air qui n’existent que l’un par l’autre dans le cadre de ce qu’on appelle mélodie. Quand il n’y a pas ce problème, l’apprentissage peut se faire d’oreille, de façon implicite donc, mais je ne peux retenir l’air sans introduire des variations personnelles en fonction de ma façon de percevoir de dyslexique. Une certaine forme de dyslexie, que je pourrais dire dyspraxique, car ceux qui ont fait carrière comme chanteurs, ou comédiens, n’ont pas eu ce problème. Je cherche encore à en préciser les tenants et aboutissants.

Mon problème se situerait ainsi au niveau neurologique, au niveau du rythme, avec le décalage que je soulignais dans ma thèse, le délai, le problème du tempo et de la variation du rythme, mais aussi, en "lecture" la difficulté à apprendre des séquences, sans en faire un automatisme récurrent, qui, établi sur des critères perceptifs (monter/ descendre, lent/ rapide etc...) ne peut accepter de changement : le problème de variation encore et toujours.

C’est là qu’interviendrait le fait de ne pas intégrer la structure sous-jacente du système qui est à la base de l’apprentissage implicite, selon le modèle de celui de la langue maternelle qui sert d’ailleurs de référence dans les exposés cités. Structure et système, les fameux schèmes repris de Piaget par Vergniaud, sont pour moi une hypothèse heuristique mais que mettre à la place quand on ne les retrouve pas ? Je continue à m’interroger.

L’apprentissage du système

Des recherches actuelles sur la part d’implicite dans l’apprentissage soulignent que l’auditeur non musicien a des connaissances implicites sur le système musical tonal, et ce qui n’est pas spécifié mais évident, dans notre culture. Cette hypothèse s’appuie sur le fait que ces connaissances sont acquises par simple exposition à des pièces musicales obéissant aux règles définies par ce système. Elle ne prend pas en compte le fait que certains pourraient ne pas avoir accès au « système »... Il leur faudrait alors passer par la conscience de son existence - voire de son fonctionnement.

Cet apprentissage explicite correspond à celui de l’enseignement de la musique alors que l’apprentissage implicite jouerait comme terrain, comme le bain de langage pour l’acquisition de la langue maternelle, propre à inscrire une forme de structuration qui, selon la théorie de l’apprentissage évoquée ci-dessus, faciliterait un apprentissage ultérieur. Pour en rendre compte je me permets de reprendre en partie quelques propos théoriques - recueillis à une journée scientifique du Laboratoire de Psychologie et Neurosciences Cognitives, le 13 février 2007 (S. Pacton pour l’apprentissage, A. Destrebecqz pour l’apprentissage de séquence et B. Tillmann pour la présentation du système tonal).
-  Les sujets semblent en effet apprendre des régularités présentes dans le produit de règles... car ils interagissent avec une situation structurée par une règle ou un ensemble de règles en s’adaptant à cette situation sans être, bien évidemment, capables de verbaliser la ou les règles en cause.

Le problème se poserait alors d’un dysfonctionnement lorsque cet apprentissage implicite, qui serait également celui de non experts qui apprennent d’oreille, sans connaissance de la théorie musicale, n’a pas fonctionné du côté de la structuration, du fait d’un trouble des apprentissages.
-  Il faut tenir compte en effet de la perception des relations structurelles que la note, unité de base du système, entretient avec d’autres dans la hiérarchisation du système où les combinaisons des notes créent des accords, qui s’inscrivent dans une tonalité avec des relations de fréquence et de co-occurrence pour chacun des éléments de ce système. La dépendance contextuelle de la note interagit alors dans la perception de son identité et sa réalisation à sa place dans la séquence.

Leur connaissance peut rester implicite... mais interférer avec d’autres niveaux lorsqu’il y a des variations qui sortent de l’horizon d’attente... pour emprunter un terme à l’analyse de discours en linguistique (F. François).

On arrive ainsi au traitement séquentiel, qui, faisant partie de nombreuses habiletés telles que l’exécution de mouvements complexes, le traitement du langage, la planification de l’action ou la résolution de problème, implique la mise en jeu de différents niveaux de représentation, leurs incidences et la temporalité. D’un point de vue neuropsychologique on pourrait parler de la mise en jeu des fonctions exécutives. Elles déterminent, en effet, l’habileté à résoudre des tâches incluant les stratégies de planification, de contrôle des impulsions et des processus de recherche active en mémoire, de flexibilité de pensée et d’action.

On n’entrera pas dans le détail des controverses sur l’interprétation des dissociations d’un traitement inconscient (qu’on ne peut donc analyser)... sauf à rapporter avec P. Perruchet l’hypothèse que la sensibilité aux régularités statistiques pourrait n’être qu’un produit dérivé... d’une auto-organisation d’unités perceptives ou représentationnelles correspondant au focus attentionnel momentané du sujet (« chunks »). La métaphore qui en rendrait compte dans le monde animal (les insectes par exemple) en serait l’importance du frayage qui renforce le choix d’un des chemins vers la cible plutôt que d’un autre.

-  Discussion : ce serait poser le problème du choix nécessaire entre un mode de fonctionnement et un autre qui se pose sans cesse à bien des dyslexiques, pris entre une approche intuitive (il a les mots en tête, que ce soit pour les répéter ou pour les écrire) mais, et c’est le problème de difficultés d’évocation dans ce dysfonctionnement, ils n’arrivent plus à en organiser les éléments dans leur restitution et produisent autre chose.

Qu’en est-il alors de la répétition ? Si certains dyslexiques ne peuvent répéter sur commande, ils ne peuvent apprendre dans l’imitation. Les techniques de ralentissement à l’oral, ralentissement s’étayant sur la syllabation, l’analyse des composants par l’écriture verticale, avec syllabation également ne peuvent suffire à réintégrer l’unité fondamentale du mot qui était comme perçue intuitivement initialement, sans l’étape suivante qui accélère l’oral avec un mouvement qui entraîne ce qui relève de la nécessaire fusion du « moule » intonatif du mot étudié et la mise en relation de sa forme orale avant de l’écrire les yeux fermés sans lever le feutre ni contrôler le geste, en supprimant donc la coordination occulo-manuelle (cf. mémorisation et verticalité), qui, selon mon expérience, les perturbe plus qu’elle ne les aide.

Ce passage par la lecture et ses symboles que sont les signes linguistiques et autres marques, éclaire peut-être un type de difficulté en lien avec l’apprentissage d’une séquence : pourquoi certaines séquences ne peuvent-elles pas être mémorisées par l’appréhension de la mélodie (cf. Musique voix Énergie) ?

L’analyse d’un exemple me fait réaliser qu’il faut peut-être dissocier le rythme qui part des rythmes corporels certes mais s’en évade très vite pour devenir celui que l’autre me propose et qu’il me faut « entendre » pour le restituer. Si ce rythme est isolé, l’apprentissage peut aider, mais comment se combinera-t-il à une séquence mélodique où les valeurs de temps ne respecteront pas cette attente de régularité que je peux avoir, du fait de mon apprentissage implicite, voire même explicite de la « grammaire » du système.

-  Que se passerait-il lors de l’apprentissage d’un autre système musical en laboratoire ?

On utilise un certain nombre de transformations que les non musiciens arrivent à distinguer en se référant à ce que j’appelle des critères perceptifs, comme de monter descendre lorsqu’il s’agit de changer de direction des intervalles. Ils sont également sensibles à des fréquences de co-occurrence à partir d’harmoniques qui correspondent à d’autres notes, ce qui élargit l’accord de base... et parviendraient ainsi à assimiler cette nouvelle « grammaire ». On joue alors sur des mélodies « grammaticales » ou « non grammaticales ».

Il y a bien sûr, tout comme dans la lecture, l’implication d’autres niveaux de hiérarchisation que le déchiffrage note à note, mais comment combiner ces deux types d’approche ? Cela devrait bien pouvoir se faire (cf. forum Voix et énergie) mais en passant par où et en combien de temps ?

-  Eclairage d’un témoignage

Plus de 20 ans avec des choristes confirmés, dont la plupart avaient au moins 10 ans d’instrument, et les autres le niveau de solfège nécessaire, maîtrisant donc tous les aspects techniques, ne m’ont pas permis d’assimiler leur savoir-faire, pour aller assez vite dans les fugues par exemple (voir forum), et m’imposent de toujours galérer dans l’apprentissage des partitions. Comment parler d’implicite dans de telles conditions ?

La place du rythme

-  J’en reviens donc à la question du rythme..., sur le plan théorique, puis avec une illustration.

Il y a très certainement, dans l’absence d’intégration du rythme dans la mélodie un lien avec tout ce qui émerge des recherches récentes sur les aspects psychomoteurs (voire dyspraxiques) intervenant dans certaines formes de dyslexie, le rapport à l’espace et au temps.

Dans la perception d’un espace structuré, l’orientation, intervient en effet dans la lecture des pause/demi-pauses, soupir/demi-soupir, faisant intervenir des oppositions, dessus/dessous, droite/gauche, la transposition du “crochet” des croches à la barre qui les relie à la suivante, combien pour les doubles, la perception du nombre étant toujours présente pour les différencier. Il semble bien, par ces exemples, que les critères perceptifs restent liés à un dialogue intérieur au lieu de s’être abstraits en “valeurs” et/ou de s’être automatisés, sans exiger de participation « consciente ».

Le travail avec des non-lecteurs a souligné l’importance du délai, la lenteur, un rapport au temps difficile, qui se marque en particulier non seulement dans la difficulté à accélérer mais aussi dans celle à articuler plus rapidement, sauf à surfer bien sûr, ce qui fait aller trop vite certains dyslexiques qui ne peuvent ralentir (cf. vitesse de lecture et compréhension) ce qui se traduit en effet savonnette en chantant dans un chœur, ou trop ou trop peu selon le mode de compensation. Délai nécessaire en particulier pour contrecarrer l’impulsivité qui est réflexe et pousse ces dyslexiques à ne pas attendre, en particulier, de peur d’oublier.

Il y aurait également la prise en compte d’une représentation spatiale comme témoin du temps qui passe, de la mesure du temps, mais pourquoi certains enfants dyslexiques ne mémorisent-ils pas la liste des jours de la semaine, ne peuvent-ils compter de 5 en 5 pour arriver à lire l’heure ? Pourquoi ne se repèrent-ils ni dans un plan, ni dans les saisons, alors qu’ils en ont une connaissance implicite etc. Il s’agit bien de marqueurs qui rythment notre propre vie, notre perception d’un espace temps « vécu » qu’on peut opposer à « un espace temps objectif » qui passe par un apprentissage explicite renforcé, via le langage. Bergson opposait bien le temps à la perception de la durée...

-  Quel rapport avec la langue de la musique ? N’y aurait-il pas un même clivage, par la dissociation du rythme au sein même de la mélodie ? Comment connecter les deux modalités de l’apprentissage, aider la mayonnaise à prendre si ce n’est en repartant de ce qui est inscrit dans le corps et donner ainsi une structure à cette forme d’implicite qui ne l’apporterait pas ?

Bien sûr, il y a « battre la mesure » mais cela demande une extrême concentration. Je rappelle le témoignage : trouver quel côté maîtriser le tempo, la main ou le pied, à gauche ou à droite, puis savoir si on en est au 3e ou 4e temps selon le type de mesure, car le tempo se marque à deux temps, et peut soutenir un accent « spontané ». Mais chanter, comme jouer, n’est pas mettre un accent nécessairement sur le 1er de ces temps, il faut pouvoir s’en dégager : on voit poindre la pluralité des modalités à prendre en compte qui s’appuient toutes sur l’automatisation de la précédente, dans un apprentissage qui met en jeu une autre entrée perceptive que la seule audition.

-  Que peuvent indiquer des expériences de laboratoire présentées à cette journée sur le mode d’intervention « statistique » dans l’apprentissage ? Ce que j’ai appelé l’horizon d’attente, focalisant l’attention, et qui correspondrait dans les recherches, à développer des attentes perceptives grâce à des connaissances, permettrait ainsi de vérifier la théorie de l’apprentissage en l’élargissant à d’autres supports.

— Je reprends la recherche évoquée ci-dessus concernant l’apprentissage implicite de la musique.

Il s’agit d’un matériel artificiel. On crée une grammaire basée sur de nouvelles connaissances qu’on vient de faire acquérir, comportant des violations très subtiles de la grammaire tonale implicite. Les mélodies sont « grammaticales » ou « non-grammaticales ». Une seule note change au milieu de la séquence : elle est répétée dans l’une et non dans l’autre. On a donc décontextualisé les notes du système implicite pour obtenir les mêmes unités de base, sur des séquences de 5 notes (plus pertinentes que 6). Ou alors, s’agissant de la ligne mélodique, on utilise des bigrammes de notes (intervalle de 2 ou 3) qui montent ou descendent (contour). Il y a donc un élément de « rupture ». Les critères d’analyse implicite sont ainsi décrits comme « perceptifs ».

Les expériences sont transposées des notes sur des lettres, ce qui présuppose, de mon point de vue, que la connaissance des lettres est entièrement automatisée, en tant qu’unités distinctes tout autant que liste... Ces chercheurs auraient-ils évité de prendre des dyslexiques dans leur population définie statistiquement comme tout venant ?

Ce que je discuterais alors, c’est le statut de la connaissance et pourquoi pas du savoir, débat philosophique à poursuivre ailleurs.

-  Un exemple pratique : l’apprentissage d’une séquence. Extrait de « La 9e »... Voir image.

Extrait de la 9e de Beethoven - 32.5 ko
Extrait de la 9e de Beethoven
Il s’agit d’une séquence qui cumule les difficultés que peut rencontrer un dyslexique pour l’apprendre...

Commentaire de l’image.

-  Le visuel :

L’horreur est à son comble : on est dans du 3/2, les 3 valeurs rythmiques possibles sont juxtaposée dans un ordre qui chevauche la mesure, donc sans la régularité d’une alternance. Il y a le « bruit » (élément distracteur du choix) dans la lecture de cette barre de mesure qu’il faudrait ne pas voir, tout comme il ne faudrait pas mettre l’accent sur le ré, deuxième noire liée à la première, qui est pourtant l’appui de la séquence ré-mi/fa sol pour le chanter. Le prof a inscrit les accents qu’il voulait avec la marque consacrée, l’élève l’avait marqué par le trait qui signe le temps, souligné par un deuxième trait vertical en dessous sans en tenir compte pour autant... (incidemment l’élève avait rappelé la présence d’un dièse, en soi, et non accolé à sa note, le do), écrit deux noms de notes problématiques à réaliser pour ne pas avoir à les recalculer...

-  L’auditif :

La séquence mélodique ne peut s’inscrire avec le rythme malgré les tentatives de répétition et l’impression de l’entendre dans la tête. Elle a pourtant déjà été chantée sur « ééé » sans les paroles donc à de précédents concerts. Elle avait été apprise dans le cadre des répétitions, reprise pour tenter de la mettre en place, à peu près, mais cette fois cela ne passe plus du tout.

-  Les repères :

Élément nouveau, le travail énergétique qui a permis de travailler sur le passage des voix et fait perdre les repères. Ce n’est plus seulement comme pour un dyslexique la question des transitions entre les phonèmes... entendre les frontières dans un code digital, mais intégrer des paramètres objectifs de durée dans un code qui fonctionne sur des bases analogiques (plus ou moins vite, montée, descendre) et ne peut plus se poser sur le rapport à l’échelle de portée de notes, ne sachant plus dans quel octave est la voix du fait des écarts, peut-être.

-  Comment le professeur s’y prend-il pour le faire réaliser ?

De séance en séance, cela ne passe jamais tout à fait.

-  1ère séance : la séquence entière vite abandonnée, répétition classique avec entraînement du piano, soutien vocal, sans désemparer..., ralentissement de la mesure critique, en laissant tomber l’enchaînement, au moins 3 à la fois, à reprendre avec l’enregistrement.
-  2e séance : reprise sans réel entraînement, segmentation de la difficulté avec isolation de la mesure fatidique... sensation de manque du sol à l’octave (sol/la grave), le début réel de la séquence montante, révolte, soumission, arrêt et répétition en solitaire ultérieurement (métro, en marchant... au moins 50 fois.)
-  3e séance : l’échec à l’accélération s’accentue, mise en place par les accents, ce qui renvoie au rythme après avoir essayé de faire escamoter la première note de la « suite » mi fa sol. Le ré se déconnecte, impossible de le retrouver, c’est n’importe quoi (il aurait peut-être fallu repasser par le nom des notes, mais à cette vitesse, cela ne marche pas, c’est pire que le texte).

Frapper la séquence uniquement au niveau rythmique. Le corps se contracte et les bras ne suivent pas le talalatatapam qui l’accompagne (le modèle était ta lala la katapa), le k est important pour la liaison des deux croches. Il faut plonger profondément avec les genoux pour marquer le rythme (syllabes soulignées) au niveau macro donc, bien avant de maîtriser l’alternance qui doit pouvoir s’enchaîner en tapant avec les mains sur les cuisses, jusqu’à être enchaînée en miroir des deux côtés... ce qui ne s’est produit qu’à la séance suivante.

Ou peut-être aurait-il fallu la chanter en voix de tête, puisque la séquence a fini par arriver en tête, sous forme de rythme (ta, ta la la lalalam), plus ou moins obsédant ?

Il s’agit toujours de cette dissociation annoncée au début du témoignage (cf.forum musique), sans pour autant pouvoir « s’énoncer » en quelque sorte en lien avec les notes de la mélodie. Mais pour l’évoquer, il faut la reconstruire à partir de l’image de la partition pour retrouver la valeur rythmique des notes.

J’ai triché, j’ai suivi une vocalise enregistrée en jouant les notes pour voir où se situaient mes passages ! Je me sens rassurée.

-  4e séance : Avant de vérifier la séquence problématique nous entreprenons un travail basé sur les octaves pour me permettre de retrouver des repères.

Pourquoi sont-ils si importants ? Il me semble que c’est l’incidence de mes deux ans de piano, lorsque je faisais laborieusement (faute de dextérité manuelle) mes gammes vers 10-12 ans (le prof a renoncé ensuite), sans jamais pouvoir accélérer malgré l’entraînement (mon oreille et ma voix pouvaient aller plus vite pour les entendre, mais la réalisation ne suivait pas). Ils sont à l’origine de chaque série et il s’agit bien de passer de l’une à l’autre, tout comme passer d’un registre à un autre. Les repères intérieurs ne seront pas fiables dans ces derniers registres tant qu’ils ne s’appuieront pas sur ce qui a été le repère fondamental pour moi, tout comme le rythme avait besoin de passer par le genou.

-   Discussion .

Pourquoi le genou ?
Des enfants en difficulté avec l’apprentissage de l’écrit et son graphisme m’ont montré à quel point ils étaient raides sur leurs genoux, incapables de réaliser en souplesse un mouvement des deux mains de bas en haut ensemble puis redescendant en demi-cercle en miroir, ou latéralement en grandes vagues toujours des deux mains sur un grand panneau sur un mur. Il s’agit bien d’un type de coordination qui, pour s’inscrire dans le corps, a besoin de faire fonctionner les jambes comme des ressorts qui propulsent en quelque sorte. Pour qu’ils y parviennent, il faut passer par le leur faire faire dans le cadre contenant de mon corps , en leur tenant les mains et en chantonnant pour atténuer la violence de cette “contention”.

J’évoquais le besoin que j’avais de déambuler pour libérer le stress qui avait surgi face à mes difficultés pour intégrer un deuxième niveau de travail, dans mon témoignage sur voix et énergie. En marchant on pratique l’alternance et une scansion d’un mouvement, inscrivant un rythme de base. Je donnais le conseil à un enfant de se défouler sur un punching ball ou un coussin à vive allure certes, mais de reprendre le contrôle. Il semblerait que ce soit du même ordre.

-  Cela s’est bien passé de cette façon, comme avec les petits en mal de graphisme, le prof est venu amorcer cet appui sur moi-même, en appuyant sur mes épaules le temps que je comprenne ce qu’il voulait dire (les mots ne peuvent provoquer la bonne réaction, ils ne font pas encore sens), et j’ai essayé de nombreuses fois jusqu’à ce que je réussisse à réaliser la séquence en tapant le rythme sur les cuisses, marquant les appuis des temps pour m’en pénétrer, en m’enfonçant en direction du sol, comme pour m’y enraciner.

— Pour en revenir à l’apprentissage entre implicite et explicite pour un dyslexique et conclure provisoirement cette expérience, ce passage par une réflexion sur les deux types d’apprentissage, à l’œuvre pour tout dyslexique, éclaire ma propre démarche de prise en charge d’enfants en difficulté avec l’écrit.

Les repères de l’écrit sont également inscrits dans une référence explicite au système dans la démarche de rééducation que je propose :
-  paradigme vertical des voyelles et de la présentation de séries en séries des consonnes
-  marquage linéaire des liens soit dans l’écriture finale les yeux fermés pour le lexique, soit dans le tableau (SVO) des liens implicites à établir dans un énoncé, explicités dans une suite de symboles (auxquels on peut substituer ensuite des jetons) avec flèches, questions etc...

Dans cette approche rééducative, le visuel et l’auditif se rejoignent et se complètent à l’aide du mouvement qui relie, que ce soit celui de la réalisation phonique qui s’unifie dans le contour intonatif du mot ou celui du doigt qui relie les composants en passant d’un tableau à un autre dans l’apprentissage. L’enfant doit oublier l’étape précédente en passant de lettre en lettre, de syllabe en syllabe, de mot en mot pour arriver à la lecture d’un texte de phrase en phrase et sa compréhension.

Pour passer à la lecture courante, l’enfant doit savoir d’où il part pour se lancer avec une "visée". Il lui faut insister sur certains accents, et, en se rappelant que l’accent en français se situe sur la dernière syllabe, il lui faut escamoter celui des articles, valoriser parfois une préposition pour souligner une relation centrale dans le message, tout en se centrant sur les "mots noyaux" de groupes (verbal et nominal), et tout en réalisant parfois d’autres accents dits « expressifs »... Que de choses à prendre en compte qu’il ne peut réaliser dans un même effort de lecture... Tout comme je ne peux prendre en compte plusieurs points lorsqu’il s’agit de contrôler le souffle, le legato et la hauteur par exemple dans une vocalise, et encore moins y associer rythme et paroles !

PS Je ne suis ni musicologue ni musicienne au sens où ce peut être valable pour ceux qui ont suivi des cours, j’en ai suivi, appris comme on apprend, j’en ai « pris » quelques bribes, retenu et transféré d’un niveau à un autre leur savoir-faire, mission impossible. Ce n’est pas faute d’avoir essayé... Le déclic ne s’est toujours pas produit. Qu’on me pardonne les erreurs que j’ai pu faire en essayant de parler de musique, pour attirer l’attention des enseignants sur les difficultés que certains de leurs élèves dyslexiques peuvent rencontrer dans leur apprentissage de la musique.

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