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Dyslexie
Lecture et compréhension
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8 bis Dys-calculie et autres dys
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ARIC 2003
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... Validation d’un mode d’évaluation
DISCUSSION
lundi 27 novembre 2006, par J.Zwobada Rosel


Les parents ont émigré, un certain nombre de questions se posent pour moi... Mais je ne peux y répondre d’emblée... faute de laisser le temps au vécu de s’exprimer...

Diagnostic différentiel... Validation d’un mode d’évaluation (Discussion)

Caractéristiques de la population, entrées d’un questionnement

Les parents ont émigré, un certain nombre de questions se posent pour moi... Mais je ne peux y répondre d’emblée car un questionnaire ne me donnerait aucune information sur les répercussions des « faits » sur la vie familiale, faute de laisser le temps au « vécu » de s’exprimer, sous d’autres formes que « verbales ». Il s’agit donc d’un questionnement qui oriente mon travail en fonctions d’hypothèses qui se confirmeront ou non, au niveau du diagnostic, comme en témoignent les entretiens thérapeutiques proposés sur le site.
-  Les raisons de l’émigration : du politique à l’économique. Première et deuxième génération.
-  L’investissement du pays d’origine (projet de retour avorté ou caduque).
-  Un mode de fonctionnement « grande famille » comme référence.
-  Des antécédents familiaux « dys » ?
-  Ce qui se manifeste de mécanismes inconscients, identification projective, répétition.

L’émigration vient d’un pays non européen (population actuelle de recherche, origine des parents) : Maghreb, Israël, Afrique de l’Ouest, Chili.

L’émigration vient d’un pays européen du sud, modèle méditerranéen (population de recherche plus ancienne) : Portugal.

Racines culturelles maghrébines, deuxième génération : modalités de l’intégration.

Les couples mixtes, un exemple de ma population actuelle (2e génération) : Afrique/Italie.

Modalités d’évaluation

Il s’agit d’une recherche de praticien-chercheur qui s’effectue en dehors d’un protocole expérimental, dans le cadre d’une pratique.

Si l’évaluation initiale pose le problème du choix des outils d’investigation et met en évidence les limites du recueil des informations susceptibles d’éclairer un diagnostic, elle ne peut permettre que la formulation d’une hypothèse de travail, concernant le mode d’appréhension technique du problème que l’enfant présente dans sa relation au langage.

Or l’enfant doit quitter son mode relationnel d’enfant pour entrer dans celui d’élève pour entrer dans les apprentissages, ce qui modifiera en retour ses modes de relation au sein de sa famille dans un processus développemental.

Ce passage peut se réaliser parfois dans une sorte de clivage et l’enfant réussir provisoirement à apprendre avec le risque de se couper d’un investissement émotionnel, de même qu’il peut entrer dans un processus de métissage culturel particulièrement enrichissant pour le développement de sa personnalité. Mais ce passage peut aussi ne pas se réaliser, et l’enfant, faute de vouloir grandir, ne parvient pas alors à se rendre disponible pour « entrer dans les apprentissages ». Il s’agit alors d’inhibition psychique, se manifestant soit par des troubles de l’attention et de la concentration, en lien ou non avec des manifestations -dys-, lorsqu’il peut l’exprimer comme tel, soit par une forme d’opposition larvée, alors qu’il « dit » vouloir grandir, dans l’incapacité où l’enfant se trouve de réaliser ce qu’on lui demande. Le contexte bi-culturel n’est alors qu’un révélateur de difficultés qu’on peut également rencontrer dans d’autres contextes environnementaux.

Que signifie l’expression “entrer dans les apprentissages” ? Pour des enfants qui ne sont pas prêts selon l’évaluation classique mais aussi, de mon point de vue, pour ceux d’entre eux qui ne peuvent apprendre comme on enseigne.

J’utilise ainsi, pour le CP, « entrer dans l’écrit ». La différence de registre correspond à une différence de démarche de prise en charge, dans la mesure où le principe alphabétique n’est pas posé d’emblée en laissant l’enfant retrouver des sons que, dans un terrain -dys-, il ne peut percevoir comme tels, mais de lui donner la possibilité de les percevoir comme appartenant au codage du système phonologique, lorsqu’il l’a construit sous une forme concrète, dans une démarche phono-graphique et non grapho-phonémique. Le « système » de l’oral qu’il maîtrise dans sa parole devient « objet » d’analyse et sert d’ancrage à l’apprentissage de la valeur que prend tel ou tel graphème (manifesté par une ou la combinaison de plusieurs lettres) dans la mise en place de ce qu’on appelle la correspondance grapho-phonémique.

La spécificité de l’écrit, inscrit dans une culture, en émerge lorsque l’enfant dépasse ses difficultés de base.

Validation par l’évolution de la prise en charge

Revenons sur l’évolution des enfants cités dans l’article, évolution telle qu’elle se manifeste au cours de leur prise en charge.

Qu’en a-t-il été pour les deux premiers enfants, Amin et Samir d’une part ? Pour M’hed, d’autre part, cette évolution va-t-elle permettre de préciser le diagnostic, en vérifiant l’hypothèse de travail qui avait orienté les premières séances, à la lumière de la prise en charge de Samir, son grand frère ? A quoi attribuer la différence entre leurs deux évolutions, question qui peut éclairer les modes d’intervention au niveau familial peut-être ?

- Que sont devenus les enfants de ces premières analyses ?

Amin a arrêté sa prise en charge en 6e après quelques séances avec une autre enfant, Jenny (cf. ARIC 2003), le temps de mettre en place leur apprentissage de l’anglais (différence au niveau du système et de son fonctionnement). En dehors de la rééducation proprement dite, d’autres approches ont été essentielles. Pour Amin, le métissage au niveau de l’imaginaire avait permis une mise à distance de ce qui l’éprouvait. Jenny avait accepté de laisser aller son « imagination ». Pour chacun des deux, il y a eu les entretiens thérapeutiques présentés à l’ARIC en 2001 (Amin) et 2003 (Jenny). Ces deux enfants sont devenus suffisamment autonomes pour mettre en place de nouvelles stratégies d’apprentissage.

Samir s’est libéré de son inhibition en CM2, lorsqu’il a compris qu’une règle est une règle. Il arrivait toujours à ses fins avec sa mère et pour admettre le changement, il lui a fallu mettre en scène un jeu où il tenait les deux rôles : « quand je dis non c’est non ! ». Il a ainsi laissé sa position privilégiée auprès de sa mère, persistant malgré la présence du petit frère M’hed, et s’est mis à travailler... sans devoir être sans cesse stimulé. Si selon Wittgenstein, il n’y a pas de règle pour enseigner à se servir des règles, certains enfants ne semblent pas avoir conscience qu’il leur faut les repérer, les comprendre pour les transformer en ré-action en fonction d’un champ d’action déterminé. Dans le cas de Samir, c’était « accepter » leur existence qui était en question au lieu de s’en remettre au hasard d’une mémoire aléatoire.

- Les deux frères : les conditions de l’entrée dans l’écrit.

La demande

Samir est venu en Grande Section, à la demande de la maîtresse. Il présentait des difficultés évoquant une dysphasie dans la mesure où il n’arrivait à fixer en répétition, à 5 ans, ni les sons et leur organisation dans une forme signifiante, ni les mots d’un champ lexical pour élargir son langage passablement restreint qui fonctionnait sur la base de figements quand il n’était pas a-grammatical.

M’hed (cf. dessin de la page de titre du diaporama) a été pris en orthophonie également en Grande Section (demande de la maîtresse) par une collègue que je n’ai pu joindre lorsque la maman, inquiète, a voulu reprendre avec moi, car la rééducation avait été arrêtée (trop d’absences) et que sa parole restait déformée. L’enfant a considéré qu’il n’en avait plus besoin et s’est montré très opposant à reprendre une nouvelle prise en charge.

-  En effet, il avait un lexique minimal, fonctionnel, une fluence sémantique limite, s’en tenant à ce qu’il voyait sur l’image. J’avais mis l’accent sur la structure de phrases à répéter à partir d’une comptine, et envisagé de faire des exercices de psychomotricité pour renforcer sa perception du schéma corporel, de l’orientation dans l’espace et de la perception de la séquentialité.

Je me suis donc "bagarrée" avec lui, pour lui proposer quelques comportements adaptés à la préparation de l’écrit, à travailler à la maison puisqu’il ne voulait pas s’investir avec moi, en lui prêtant en particulier des cassettes vidéos à voir en famille (langage), un cahier de devoirs de vacances adapté (réflexion et graphisme)... J’espérais que, intelligent, il comprendrait ce que cela pouvait lui apporter, mais Samir n’a pas vraiment réussi à l’aider. M’hed avait peu bougé en début de CP.

J’ai attendu d’être plus disponible pour reprendre les choses à la base, quand il a été en CP, pour pouvoir poser le cadre strict qui lui manquait.

-  J’ai imposé mes conditions qui ont mis quelques mois à se mettre en place (en particulier du fait du ramadan) : 3 fois par semaine, une fois impérativement avec la maman, en menaçant d’arrêter s’il y avait trop d’absences non justifiées...

C’était travailler sur le cadre, et me donner la possibilité de travailler concrètement à la séparation mère/fils, dès le niveau proxémique (distance physique), réassurer le désir de la maman de le voir grandir (et pas seulement le dire), apprendre, malgré le modèle qu’elle lui donnait du fait de son incapacité à transférer son savoir lire l’arabe sur le français, et sa résistance à changer la forme orale de son français...

Les deux parcours d’entrée dans l’écrit

Samir, l’aîné des garçons, avait eu un entraînement très poussé dans tous les secteurs concernés par les pré-requis de la lecture, en mettant l’accent sur les aspects paradigmatiques, car il se montrait assez performant pour réaliser, sur la base de l’imitation du modèle présent visuellement, des séquences psychomotrices. Dans un petit groupe d’enfants dyslexiques, il y parvenait sans peine, toujours le premier à pouvoir le réaliser.

-  J’avais mobilisé sa sœur aînée comme répétitrice, ne pouvant compter sur sa mère. Elle a réalisé l’importance de ses propres difficultés anciennes (une orthophoniste qui lui avait fait apprendre le vocabulaire, dans leur ancienne ville), et l’insuffisance de l’aide du réseau (révision des programmes), en me demandant une prise en charge pour elle, afin de « comprendre la langue de la grammaire » (cf. « 4-Evaluation d’expériences de terrain. Versant prise en charge spécifique. Présentation schématique d’une démarche empirique), « langue » qui lui restait complètement étrangère.

Samir a « appris » de la même façon les premières leçons de son livre de lecture (Gafi), par l’imitation dans la répétition collective. S’il appliquait la correspondance grapho-phonémique dans les associations de syllabes de la page d’en face, grâce au travail sur les sons, il ignorait tout du texte qu’il lisait n’en connaissant pas le vocabulaire, et n’ayant aucune approche des situations de sa vie par le langage, mots sur lesquels il aurait pu construire d’autres acquisitions.

-  Il « faisait », mémorisait le texte, je ne sais comment puisqu’il n’y parvenait pas dans nos exercices, plus analytiques certes, qui mobilisaient de ce fait une autre forme de mémoire, « réflexive ». Il disposait ainsi d’un seul mot pour le champ sémantique de la pluie. Celui de notre bilan « i pleut ». Même avec le contexte de l’image illustrative, il n’a pu trouver ce qui signifiait « botte », mot -lu- (récité) dans le texte sans hésitation, alors qu’il hésitait encore à différencier b/d.

-  De ce fait, il était en échec dès qu’il fallait répondre à des questions, et ne pouvait ainsi comprendre des consignes.

J’ai donc travaillé sur le langage, la compréhension du monde dans la relation espace-temps pour qu’il entre dans un espace de représentation mentale (cf. 3-1. « Changer son mode d’apprendre », 1er corpus), par l’étayage dialogique à partir d’un support concret, d’activités routinières qu’il m’arrivait de décontextualiser. Mais avant tout, j’ai tenté d’instaurer un délai entre le stimulus et sa réaction motrice (même verbale), car il était de ceux qui dès la maternelle, se précipitent dans l’action avant même la fin de l’énoncé de la consigne (cf. 6-Textes non publiés « Famille, École, Thérapie, où l’enfant s’apprend-il à parler ? »).

Comme un enfant dyslexique, il ne mémorisait pas le lexique qui aurait pu lui permettre de comprendre ce qu’il lisait, mais s’en remettait au hasard pour réussir dans les exercices comme dans les jeux, au lieu de construire une démarche par une structuration interne de ses essais et erreurs. Cependant, si le -dys- de sa « dysphasie » se manifestait ainsi, il n’était peut-être pas dysorthographique de la même façon que d’autres enfants dyslexiques, car cette force d’inertie était toujours là, et peu lui importait ce qui se passait en classe, du moment qu’il était fort en foot. Il avait pourtant dit « vouloir grandir » à sa mère, avant même de venir me voir.

-  Le milieu familial n’était toujours pas fiable, même si j’ai été amenée à prendre en charge successivement ses deux sœurs. La seconde présentait une dyslexie relativement compensée au niveau de la lecture (tellement rapide qu’elle était incompréhensible), mais les difficultés habituelles dans la relation au travail, à l’acquisition de la morphologie verbale et de la numération (grands-nombres), des opérations, du raisonnement mathématique, des difficultés de concentration sur une tâche dont elle ne comprenait pas la finalité etc... Elle en est sortie comme en témoigne le dessin de son plus jeune frère (elle n’y figure pas car elle est au collège), frère dont il va être question maintenant.

M’hed

Je n’ai pu réussir à permettre la modification du fonctionnement familial (ARIC 2003), espérant seulement que le plus jeune M’hed, échapperait à ce système de relations dans une perspective systémique.

Cette hypothèse ne s’est vérifiée que dans son jeune âge, en première année de maternelle, car il s’est « fixé » à un stade de développement dont témoignait le manque d’évolution de sa parole, et son opposition pour réaliser les exercices techniques qui lui auraient permis de mieux articuler et de poser ainsi le signifiant de mots qui ne signifiaient rien pour lui.

-  Non sans peine, car il n’aimait toujours pas ma façon de lui faire faire des choses étranges pour lui, si différentes de l’approche de l’école, car il voulait « apprendre ». Il a réussi à apprendre le texte refusé en GSM, puis à explorer différents champs sémantiques avec l’Imagier du Père Castor sur l’ordinateur (beaucoup plus « branché » pour les enfants d’aujourd’hui que la manipulation des images), au niveau du langage. Je le lui ai prêté . De même, plus tard, Tibili pour l’approche des maths et de la logique, Voyage au Pays de la lecture pour une autre approche que la mienne quand il a commencé à entendre les sons et à pouvoir les associer en syllabe.

En effet, j’avais essayé de solliciter sa mémoire et de mettre en place un travail méta sur les syllabes puis l’identification des sons voyelles. Je n’ai jamais rencontré de telles difficultés.

A la question « quand on est au CP c’est pour apprendre à faire quoi de très important ? » il ne peut répondre autre chose qu’apprendre. », Il est donc dans l’attente d’un apprentissage qu’il réclame alors que la qualité de son langage oral et une certaine forme de fonctionnement psychique qui perturbe son autonomisation mentale (retard psycho-affectif dans la relation fusionnelle qu’entretient sa mère), ne lui permettent pas de réussir. Il fonctionne selon son plaisir, et refuse ce qui est « contrainte » en dehors de celles de l’école qui est le lieu où on grandit.

-  Il lui était impossible d’entendre une voyelle dans un mot, d’associer un mot à une voyelle en initiale, en partie faute de vocabulaire, en partie parce qu’il n’avait pas compris avant de nombreuses tentatives, qu’il ne s’agissait pas de repérer une première réponse corrigée, pour refaire pareil, en montrant ce qu’il avait déjà montré, et plus handicapant encore, ne pas dire le nom de la lettre, comme il l’apprenait à l’école. En effet, il les mélangeait (aucune conscience phonologique dans l’évaluation (Motus) à la fin de l’année de GSM).

-  Je vais donc rééduquer sa « parole » en m’appuyant sur la correspondance « phono-graphique ». Le premier problème qui se pose concerne son incapacité à extraire les voyelles entendues dans un mot pour les faire exister comme unités autonomes. Cela nous prendra plusieurs mois à partir de son prénom (insight) et de ceux de sa famille. Je dois mettre en place un matériel qui puisse servir de support pour valoriser cette démarche qui n’a rien à voir avec celle de l’école, la seule qui l’intéresse : il a une bonne mémoire et fait complètement illusion à sa maîtresse. Il n’a pas eu l’examen prévu par le ministère qui aurait pu mettre en évidence cette incapacité d’analyse métalinguistique...

Une démarche phono/graphique : association du son, d’une amorce dessinée, d’un graphisme avec les lettres.

Je suis passée en fin de compte, en plus du geste, par "Les lettres de Balthazar" (démarche issue de Montessori, avec le tracé des lettres à repasser avec le doigt), j’ai photocopié la récapitulation des images, ajouté le "é" et le"ou" qui manquent à la liste (il a dessiné un ours et un éléphant), ensemble de graphies que je considère comme représentant les voyelles de base du système phonologique (cf. cartons sur site). J’ai procédé avec lui à l’introduction progressive des cartons des sons (en m’en tenant aux voyelles pendant plus d’un mois), avec, ce que je n’avais pas eu à faire jusque là, au verso de chaque carton l’image correspondante, sur le principe du loto. Histoire d’utiliser l’association "son" "image" de certaines vieilles méthodes d’ailleurs. Il a fallu partir des dessins pour « entendre », avant de pouvoir reprendre le travail à partir des cartons, côté lettre qui représentent les sons.

La manipulation des éléments de base (les cartons) restait bien au cœur de la manipulation mentale d’avoir à identifier un son dans une séquence significative. Mais il lui fallait un support le figurant comme un objet réel même lorsqu’il a abstrait (tiré hors de) « le son » dans un premier mot, son nom.

L’investissement du signifiant dans un processus d’identification

En effet, même dans cette démarche, il n’a vraiment compris qu’en passant par la découverte du o dans son prénom Mo..., quand il l’a écrit sur la chemise contenant la base de notre loto (il savait l’écrire).

Il s’est alors éveillé un peu mais se bloquait dès qu’on le bousculait, allant jusqu’à refuser des jeux avec des logiciels impliquant une catégorisation ou une séquence, essentiels pour optimiser son fonctionnement cognitif. Comment faire ? Heureusement il adorait (comme tous) la soupe aux beurks de Clic d’Api, excellent pour l’anticipation pour les plus jeunes.

Une approche « cognitive »

Pour le préparer à « lire », comme il refusait tout travail de répétition, j’avais repris les points faibles de sa parole (constrictives, oppositions vocaliques (i/é/u), de orales/nasales, l/n en particulier) avec audiolog, (il n’aime guère), et à la carte (canal visuel, qu’il adore) en exigeant qu’il nomme les dessins avant de les faire disparaître (le plus souvent il ne connaît pas leur nom). J’avais bien travaillé le vocabulaire, le langage, la mémoire en GSM, mais c’est une autre histoire car cela n’avait guère avancé les choses.

Il m’a fallu tout autant travailler sur la nécessité de passer par une représentation mentale visuelle pour essayer de lui faire faire pareil pour les sons (j’utilise un tracé de lignes qui se croisent comme un papillon et permettent de mettre en place beaucoup d’autres choses que suivre des yeux le tracé pour rééduquer le regard et favoriser la représentation mentale dans sa reproduction de mémoire). Je lui ai fait parallèlement reproduire des enchaînements de séquences de position dans l’espace et sur le corps (psycho-motricité) pour préparer l’introduction de mouvements de kinésiologie (il se tient la tête, la met sur la table, fait tomber son tabouret..) afin qu’il accepte le double effort, de se retenir de "faire" et de se concentrer avec efficacité. Il était encore tout à fait incapable de reproduire une position qui ne soit pas homolatérale et demande de l’équilibre. Il a fallu travailler l’équilibre sur un gros ballon (cf. psycho-motricité), quelques position yogas d’animaux, pour qu’il commence à rechercher un équilibre sur d’autres bases.

Une approche « relationnelle »

Ce rapport au corps renvoie également à la mise en place d’un espace différent de celui de sa mère, distance que j’impose et qu’elle annule par le contact de la main, permettant à la distance entre eux de se préciser. J’ai du lui apprendre en me fâchant très fort le respect envers elle, fière de réussir à identifier parfois le son d’une lettre qu’il ne reconnaissait pas, lorsqu’il se moquait si elle échouait à différencier certains sons propres au français... la maman s’efforce d’être là, de participer plus ou moins directement, mais aussi de lui rappeler sa propre exigence : elle veut qu’il apprenne comme je le demande lorsqu’il refuse de le faire, parce que ce n’est pas « sa » façon à lui d’apprendre.

Devenir « lecteur »

Il vit ainsi un conflit entre deux stratégies : celle qu’il maîtrise maintenant dans son système relativement efficace de compensation, celui de l’entrée dans les apprentissages selon l’école où on apprend une leçon, et la mienne qui l’oblige à analyser les constituants de ce qu’il apprend en opérant des rapprochements avec du déjà vu, découvrant des règles de composition etc... que la maman cautionne en me cautionnant. Il a bien sûr beaucoup de mal encore et j’en suis à essayer de fixer l’image globale du mot dans ses divers constituants, à leur place etc. (en passant par la verticalité cf. 3- De ceux qui n’apprennent pas comme on enseigne 5. Mémorisation, verticalité et fonctionnement de type dyslexique) pour que des erreurs formelles ne viennent pas perturber la constitution d’un lexique. Il s’agit de lui permettre d’accéder au sens de nouveaux mots par un effet boule de neige et de construire la signification d’un texte.

Son mode de lecture de fin d’année scolaire n’est pas celui d’un dyslexique, même s’il hésite encore avec certaines consonnes car nous ne les avons pas étudiées systématiquement. Nous les prenons au fur et à mesure qu’elles lui posent problème dans les textes de l’école. Il faudra probablement les remettre dans un tableau global lorsqu’il passera à l’écriture en classe. Tout dépend de sa façon de « fixer » les mots en mémoire et d’y avoir accès dans une décontextualisation de leur présentation initiale. La prévention a fonctionné jusque là, même s’il n’arrive toujours pas à réaliser l’articulation des chuintantes (ch/j).

La lecture implique la mise en application d’une grammaire implicite. Qu’en est-il pour lui ? Cela peut-il s’apprendre ?

...A la rentrée du CE1 tout va se mettre à plat. Après avoir réussi à entendre les sons, il avait osé poser la question des bébés à laquelle la mère ne pouvait répondre, tout en voulant bien que nous regardions un livre ensemble sans elle. Après les vacances, sa mère n’est pas là, il fait de l’opposition, refuse de dire son âge et se décide à dessiner... sa naissance. Il efface le bébé du ventre, pour le redessiner en train de sortir, puis l’efface et dessine un garçon schématisé en bas de la feuille. Il situe le cadre à l’hôpital par la présence d’un « soignant ». On peut dire qu’il s’est fait naître pour adopter une nouvelle position face aux apprentissages. La chenille est sortie du cocon et veut/peut devenir papillon ! (cf. diaporama 6e Festival Audio-visuel Nancy 2006 « Dessin, éveil et entrée dans les apprentissages »). Mais le conflit resurgit dès qu’on lui demande de faire autre chose que ce qu’il sait faire, l’ayant appris à l’école sans pouvoir faire autre chose avec que de le réciter... Il faut encore la présence de sa mère pour lui faire admettre qu’il n’est plus dans ce qui pourrait se formuler : « j’aime pas, je ne veux pas le faire ».

Hypothèse

Deux facteurs me semblent être intervenus pour différencier la prise en charge des deux frères. Il y a leur « capital » personnel, leurs cartes donc, et M’hed me semble plus « rapide » que son frère d’une part, et le mode d’investissement de la prise en charge par la famille d’autre part. L’expérience de la rééducation du grand frère a fait admettre à la maman qu’il lui fallait modifier son propre comportement en acceptant mes exigences, que je ne pouvais me permettre de poser de façons aussi strictes pour Samir. La séparation ne peut se faire hors cadre, et il fallait réussir à en poser un... (à suivre)

« Le développement de l’enfant est un tout. Il n’y a pas de développement intellectuel sans développement psychomoteur ; pas de développement psychomoteur sans développement affectif. Être intelligent sert à bouger ; l’affectivité aussi fait bouger. On ne peut séparer ces trois éléments. Si vous les dissociez, vous ne comprenez plus rien. Et l’intrication de ces trois éléments en donne un quatrième, qui est le développement physique ». Bruno CASTETS (Qu’est-ce que la psychiatrie ? p.25) 1993. »

La prise en charge de M’hed n’est pas terminée...

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