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PEUT-ON AIDER À REMPLIR CETTE COQUILLE ?
samedi 17 avril 2004, par Frederique Mattei


Reprise d’un message posté sur le forum "Lecture, méta et compréhension" [1]

En tant que rééducatrice scolaire, j’ai travaillé avec un enfant (N*) présentant des troubles envahissants du développement (TED).

La directrice de l’école maternelle dans laquelle il était scolarisé (2ème petite section) le présentait comme un petit animal sauvage, refusant toute contrainte, toute règle de vie en collectivité. Il ne communiquait pas, marmonnait de temps en temps des paroles incompréhensibles. Il n’accrochait jamais le regard. N* refusait de se laver les mains et n’allait jamais aux toilettes (se retenant, et réussissant à rester propre). Il ne participait à aucune activité ni collective ni individuelle, ne dessinait pas, avait peur de la peinture.

Dans mon accompagnement, je mets, autant que possible, l’emphase sur le langage : je verbalise, mets en mots ses actions et j’essaye de le surprendre dans ses jeux, en les prolongeant, en les modifiant ou en les détournant légèrement.

Très tôt dans notre travail, N* a manifesté un intérêt pour les imagiers, pointant du doigt et nommant. Je lui ai aussi proposé des puzzles, et activités graphiques dans l’action conjointe en espérant accéder à une communauté de pensée et construire du sens, de la signification.

Ces jeux, dans lesquels nous sommes assis côte à côte et faisons ensemble, font référence à « l’attention conjointe ». Cette capacité à attirer et à maintenir l’attention d’autrui pour échanger à propos d’un objet est considérée comme un pré-requis à l’émergence du langage. Elle semblait assez aléatoire voire défaillante chez N*. L’attention conjointe se déroule au cours d’épisodes d’action conjointe entre un enfant et un adulte, quand l’enfant et l’adulte s’accordent sur un référent extérieur, objet commun de leur intérêt (dans notre cas regarder un livre, faire un puzzle).

BRUNER explique que l’attention conjointe est en quelque sorte « une réunion de pensée » parce que les deux partenaires ont alors conscience de connaissances à partager. L’enfant perçoit que l’adulte pense des choses à propos du monde et qu’il est invité à les partager avec lui. Ce faisant, il prend conscience d’une pensée de l’adulte et simultanément de sa propre pensée. Nous en sommes aux balbutiements, N* me questionne pointant du doigt mais ne semble pas écouter la réponse, passant tout de suite à autre chose.

Cette attention conjointe se signale par une attention visuelle simultanée des deux partenaires à laquelle s’ajoute un va-et-vient des regards entre les deux partenaires signalant la prise de conscience du partage de leur intérêt sur cet objet (je regarde N* mais lui le fait très brièvement, de plus ses yeux présentent un strabisme divergeant, son regard est oblique). Nous sommes alors dans une structure triadique d’échanges (adulte-objet-enfant).

Une séance au cours de laquelle N* a eu une réflexion et un comportement qui m’ont paru très intéressants me semble pouvoir bien illustrer ceci. N* est absorbé par une activité d’encastrements, faisant correspondre collection d’objets et nombre. Il affectionne ce jeu et il l’accompagne d’onomatopées ou en verbalisant « 1, 2, 3, 4 ». Alors que je lui demande d’arrêter, il pointe mon calepin sur lequel je prends des notes, et il me rétorque : « non, fais 1,2,3,4, compte ! », me signifiant qu’il ne veut pas arrêter mais surtout qu’il est capable de prêter du sens à l’activité intellectuelle de son interlocuteur : compter pour écrire bien sûr. Cependant, malgré l’inadéquation du terme, il est permis de penser que N* puisse élaborer des démarches réflexives et métacognitives, ce qui est indispensable à l’entrée et l’élaboration des apprentissages .

J’aimerais revenir sur l’attention conjointe et plus particulièrement sur le regard. En effet ce point ne revêt pas un aspect uniquement technique et cognitif, le côté psychoaffectif y est intimement lié. Sans le regard de l’autre, l’individu n’existe pas. Il naît sous le regard de l’autre, il naît à la vie psychique par le regard de l’autre. Des études ont démontré que dès sa naissance, le nourrisson est capable de discerner le visage humain parmi plusieurs formes, il les privilégie et s’y accroche. L’accrochage du regard entre le bébé et la mère est mutuel. Cela concourt à ce qui a été nommé « l’attachement » entre la mère et l’enfant. Le nourrisson va progressivement et conjointement à sa mère, porter son regard ailleurs, sur un objet tiers, aboutissant à « l’attention focale partagée » cela rejoint « l’attention conjointe ». C’est ainsi que s’ouvre un espace tiers. Ce regard porté ailleurs précède le « pointer du doigt », apparaissant entre 6 et 12 mois, et sur lequel CYRULNIK a insisté. Cela mène « au début du symbolisme, aux origines de la capacité à évoquer les objets absents » . Mais, pour que l’accès au langage soit ouvert, les pré-requis neurologiques et comportementaux ne sont pas suffisants, il y faut aussi des pré-requis affectifs. Une « personne [...]est requise pour que l’enfant tente l’aventure du signe et de la parole ». A ce pointer du doigt s’adjoint le regard affectueux de la mère (ou d’un autre adulte) : l’enfant en même temps qu’il manipulera l’objet (pointé), regardera sa mère qui le regarde. L’objet est « affectivé » par l’enfant. Lorsque la mère accompagne de paroles, de récit cet objet, il est « historisé ». Sous le regard familial les choses deviennent à l’enfant des objets « sensés ».

Ces passages par quelques points théoriques peuvent, peut-être, nous donner des pistes pour aider ces enfants à remplir cette coquille, à habiter leurs mots. Les jeux dans lesquels le langage est privilégié, prennent alors une dimension différente.


[1] what’s fonction référentielle ? comme le dessin, la peinture, le cinéma et la photo le langage sert à "dépeindre "le monde autour de nous ; et quand il n’est qu’une coquille vide et/ou des suites de sons et/ ou de formes figées, qu’attendre de + que du déchiffrage ?

Isabelle Bobillier-Chaumont

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